La fièvre du 8 mars explose le thermomètre en cette Journée que l’ONU a voulue annuellement dédiée à la femme. Et cette fièvre devenant pandémique l’espace de 24 heures, qui peut bien y échapper ? Même les détracteurs en sont atteints, à leur insu, du simple fait de s’énerver contre le remue-méninges de cette Journée.
Pourtant, quoiqu’on en pense, cette fièvre a du bon. Ne serait-ce que pour l’attention qu’elle appelle sur la question. L’attention, la réflexion et… Si volonté, l’action.
Pour ce qui est de la réflexion, force est de reconnaître qu’elle a donné ses fruits, à foison ! Nul ne peut nier qu’année après année, la réflexion sur la condition des femmes (bien lire des femmes et non de la femme, tant cette condition diffère en fonction des statuts, des pays, des croyances…) s’enrichit et se précise, englobant tous les aspects et domaines, qu’ils soient sociaux, politiques, économiques, culturels, ou civilisationnels… On peut dire que le monde a un regard complet sur le sujet, même si la réflexion ne s’arrête jamais étant le meilleur attribut de l’être humain.
Par contre, pour ce qui concerne l’action, on est loin du compte.
Certes, que ce soit à l’échelle internationale, ou au niveau national, beaucoup a été fait. Continuer de le rabâcher relèverait même d’une Lapalissade. Il n’est que de comparer la situation de la femme au siècle dernier et la sienne aujourd’hui.
Mais le chemin est encore long et l’évolution lente, bien trop lente pour notre époque où tout évolue à la vitesse «Grand V».
Quand chez nous, le Rapport du Nouveau Modèle de développement nous apprend que le taux d’activité des femmes est actuellement de 20%, on a déjà un choc. Mais d’apprendre dans ce même Rapport qu’il va plus que doubler pour atteindre les 45% en… 2035 ! Le choc est bien plus grand.
Si on reçoit aujourd’hui, comme des claques, ces données statistiques dont la fiabilité ne souffre aucun doute, qui nous apprennent qu’au Maroc, 35% des femmes occupent des emplois non rémunérés, ou qu’en moyenne sur les deux dernières décennies, le taux des femmes n’ayant qu’un emploi vulnérable est de 60%… lorsqu’on apprend qu’en 2035, le taux d’activité des femmes n’atteindra même pas les 50%, il ne s’agit plus de claque, mais d’un sévère upercut.
D’autant que, parallèlement, une étude des plus sérieuses, menée par le ministère des Finances, en partenariat avec ONU-Femmes, l’AFD et l’UE, assure qu’une hausse substantielle de l’activité des femmes permettrait au PIB de gagner 5 points d’ici… 2035 !
Mais pour que les femmes soient actives avec une valeur ajoutée certaine au PIB (et non avec des emplois non rémunérés ou vulnérables), il faut de l’action… Et de l’action qui s’inscrive dans le sillage du rythme accéléré auquel avance notre époque.
Il leur faut une vraie protection de l’État et de ses institutions politiques (Gouvernement), représentatives (Parlement), judiciaires (Justice)… Qui leur garantisse dignité et équité et balaie sur leur chemin tous ces écueils et entraves qui les empêchent de contribuer efficacement au développement du pays.
Comment veut-on que les fillettes des fin fonds des régions rurales, dont la scolarité bute sur les dizaines de kilomètres d’éloignement de l’école, contribuent aux 5% de majoration du taux de croissance du pays ? De même que celles qui subissent quotidiennement la violence conjugale dans leur foyer, censé être un havre de paix pour chaque être humain ? Ou bien celles que des référentiels rétrogrades tiennent en otage sous de faux prétextes religieux ; ou encore celles qui n’ont pas accès au marché du travail et quand elles y ont accès, les plafonds de verre les astreignent à des tâches ingrates et non créatrices de richesse ? Et la liste est longue, bien longue…
Tout se tient dans la condition de la femme, quelle que soit la femme sur laquelle porte la réflexion.
Et de savoir par le dernier rapport du World Economic Forum sur les inégalités de genre (le «Global Gender Gap Report») que le Maroc occupe la 144ème place sur 156 pays, en matière d’égalité entre les hommes et les femmes, en 2021, appelle à se relever rapidement de cet autre «upercurt» et à prendre les choses en mains, dès le 9 mars à l’aube, quand les professions de foi du 8 mars sont finies… Si ce n’est pour la femme -que les résistances freineront mais n’empêcheront pas d’avancer- que ce soit pour l’économie du pays.
Bahia Amrani