Dossier du Sahara | L’aléatoire mission de Staffan De Mistura

Alger rejette «le processus des tables rondes», le Polisario suit et menace. Le Maroc réagit. L’Envoyé onusien, imperturbable, entame une tournée dans la région !

L’Envoyé personnel du Secrétaire Général de l’ONU pour le Sahara, Staffan De Mistura, entame sa première tournée dans la région, qui se déroule du 13 au 19 janvier 2022 et doit le conduire au Maroc (où il est arrivé jeudi 13), en Algérie, en Mauritanie et dans les camps de Tindouf.

Le diplomate italo-suédois avait été nommé le 6 octobre 2021 à ce poste qui était resté vacant depuis la démission, le 22 mai 2019, de son prédécesseur l’ex-Président allemand Horst Kohler ; et a pris officiellement ses fonctions le 1er novembre.

Pendant les près de deux années et demie de vacance de ce poste d’Envoyé personnel du Secrétaire Général au Sahara, plusieurs noms d’éventuels successeurs de Horst Kohler ont été avancés.

Les propositions se sont souvent heurtées à l’opposition de l’Algérie, qui soutient malgré tout qu’elle n’est nullement impliquée dans le conflit du Sahara.

C’est le choix par le Secrétaire Général de l’ONU, Antonio Guterres, du diplomate Staffan De Mistura, qui a finalement recueilli l’approbation de toutes les parties.

La situation allait-elle être débloquée ? Les pourparlers entre les parties, sous l’égide des Nations Unies –et donc du facilitateur qu’est l’Envoyé personnel du SG de l’ONU- allaient-ils reprendre sous leur format lancé par Horst Kohler, appelé «processus des tables rondes» ? (Un processus politique qui a consisté pour l’Envoyé personnel du SG de l’ONU à réunir autour de lui les 4 parties à ce différend régional –Le Maroc, l’Algérie, le Polisario et la Mauritanie- dans le cadre de tables rondes, la première tenue les 5 et 6 décembre 2018 et la deuxième les 21 et 22 mars 2019).

Le cadeau de bienvenue de l’Algérie

L’on pouvait penser que l’Algérie et le Polisario, qui n’avaient eu de cesse d’appeler à la nomination d’un nouvel Envoyé personnel depuis la démission de Kohler, allaient s’atteler à coopérer pleinement avec celui qui avait enfin été nommé, Staffan De Mistura…

Non. Ce ne fût pas le cas ! Bien au contraire, le diplomate onusien, qui allait à peine commencer sa mission, s’est vu signifier –avec toute l’arrogance dont est capable le Pouvoir algérien- que l’Algérie rejetait le processus des tables rondes et qu’elle n’y participerait pas!

La raison? La Résolution 2602 du Conseil de Sécurité, votée le même mois où a été nommé Staffan De Mistura (le nouvel Envoyé personnel nommé le 6 octobre 2021, la Résolution 2602 votée le 29 octobre 2021, soit 23 jours d’intervalle), n’a pas eu l’heur de plaire à la junte militaire d’Alger.

Le Régime algérien, furieux que cette Résolution –prétend-il- conforte les seules positions du Maroc, a décidé de défier l’ONU et, partant, la Communauté internationale. Sachant que la Résolution a été votée au Conseil de Sécurité par 13 voix sur les 15 qu’il compte, avec l’abstention (et non le vote négatif) de la Russie et la Tunisie. Sachant également que l’Assemblée générale de l’ONU (Quatrième Commission) l’a appuyée dans sa propre Résolution adoptée le 9 novembre 2021. Et, enfin, que l’UE l’a saluée devant la 4ème Commission de l’Assemblée Générale.

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Voilà donc la mission de Staffan De Mistura sapée, dès sa prise de fonction, par le régime algérien.

Et comme il fallait s’y attendre, le Polisario qui ne prend jamais de décisions contraires à celles de l’Algérie qui lui assure tout depuis près d’un demi-siècle (l’existence, le territoire, le financement, l’armement, la diplomatie, la médiatisation), n’a pas tardé à déclarer que lui non plus ne participerait pas au «processus des tables rondes».

Le Polisario, encore hébété par l’opération pacifique menée par le Maroc pour libérer Guergarat de son occupation illégale et du racket qu’il y exerçait sur les routiers reliant l’Europe à l’Afrique, n’a qu’un argument à la bouche: la guerre.

Une guerre qu’il agite comme la menace suprême, jurant d’intensifier les combats, alors même que ceux qu’il mène déjà, se résument à des tirs, à partir des rares zones tampon auxquelles il a accès, contre l’infranchissable mur de sable qui protège les frontières du Sahara.

A peine donc le nouvel Envoyé personnel du SG de l’ONU s’est-il vu confier cette mission de relancer les tables rondes, que l’Algérie et le Polisario la lui ont rendue impossible.

Des consultations tous azimuts

Pour autant, en diplomate chevronné, Staffan De Mistura, nommé pour exécuter les recommandations de la Résolution 2602 du Conseil de Sécurité (Voir les paragraphes de la Résolution y afférent en encadré), ne s’est pas laissé impressionner et encore moins décourager.

Ses fonctions ne se limitant pas à ce que le bon vouloir de l’Algérie et du Polisario lui permettraient d’entreprendre, loin s’en faut, il s’est lancé dans d’intenses consultations diplomatiques, afin de se «familiariser» avec le dossier.

Il a ainsi commencé par «l’entourage» à l’ONU. Après de 1ers entretiens avec Stéphane Dujarric, le porte-parole des Nations Unies, S. De Mistura a poursuivi son cycle de concertations avec plusieurs Représentants au Conseil de sécurité. Notamment, l’ambassadrice de Washington à l’ONU, Linda Thomas Greenfield, la Représentante permanente des Émirats Arabes Unis auprès des Nations Unies, Lana Zaki Nusseibeh, le représentant permanent de la Mauritanie auprès de l’ONU, Sidi Mohamed Laghdaf.

Il s’est aussi entretenu avec le représentant du Polisario, Mohamed Ammar.

Puis, en dehors de l’ONU, il a rencontré le ministre des Affaires étrangères de l’Espagne, José Manuel Albares, le 3 décembre (2021), en marge de la septième session de la Conférence des dialogues méditerranéens à Rome, dans le cadre des rencontres avec les représentants du Groupe des amis du Sahara (qui comprend les États-Unis, la Russie, la France, l’Espagne et le Royaume-Uni). José Manuel Albares l’a assuré du «plein soutien de l’Espagne» pour «faciliter» la tâche.

A cette même occasion, il a rencontré la vice-ministre italienne des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Marina Serini.

Enfin, quelques jours plus tard, le 7 décembre (2031), l’Envoyé personnel du SG de l’ONU au Sahara a eu une conversation téléphonique avec le vice-ministre des Affaires étrangères de Russie, Sergueï Vershinine. Un communiqué du département de Sergueï Lavrov informait alors que les deux hommes avaient discuté des «perspectives de règlement» du conflit.

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Après toutes ces consultations, il restait à Staffan De Mistura de se rendre sur le terrain et de rencontrer, pour s’entretenir avec eux directement, les responsables des parties au conflit.

D’où la tournée qu’entreprend l’Envoyé personnel du Secrétaire Général de l’ONU dans la Région, du 13 au 19 janvier.

L’initiative est bonne et, de toutes les manières, incontournable. La question est: qu’en sortira-t-il ?

De Mistura sait déjà le positionnement de chacun à l’égard du «processus des tables rondes».
L’Algérie et le Polisario sont contre. La Mauritanie n’a aucune raison de s’y opposer. Et le Maroc, qui a assuré l’Envoyé personnel de sa participation dès sa nomination, a toutefois précisé –après le rejet de ce processus par Alger- qu’il ne peut y avoir de tables rondes sans l’Algérie, principale partie à ce conflit.

L’Algérie, quoiqu’elle prétende, contre toute évidence, qu’elle n’y est pas impliquée, est bien celle qui entretient ce conflit depuis 45 ans. C’est de notoriété publique. Le Polisario n’est qu’un instrument entre les mains du Régime algérien. C’est donc l’Algérie qui, dans sa guerre contre le Maroc, entrave l’avancée des efforts de l’ONU et de son émissaire. Insidieusement, elle martèle que le conflit du Sahara ne concerne que le Maroc et le Polisario, tandis qu’elle, Algérie, n’est que pays observateur. Quand dans les faits, elle est bien la seule vraie partie qui nourrit ce conflit, inlassablement et par tous les moyens.

Et que l’ONU, dans toutes les dernières Résolutions du Conseil de Sécurité, considère l’Algérie et la Mauritanie comme parties prenantes du conflit.

Aussi grandes soient ses compétences de diplomate, Staffan De Mistura ne pourra compter que sur ses capacités d’écoute.

De cette tournée, il ne reviendra pas avec un accord des quatre parties pour la reprise des tables rondes, que préconise la Résolution 2602 du Conseil de Sécurité.

Les entretiens qu’il aura lui serviront à «se familiariser» davantage avec le dossier qui lui a été confié, à en préciser les difficultés et à clarifier encore plus les positions des uns et des autres. Il aura gagné en écoute.

Mais, s’il veut faire avancer les efforts de l’ONU dans la recherche d’une solution politique négociée, il semble qu’il n’ait que deux options.

Soit VENIR AVEC les moyens de convaincre tous les protagonistes de reprendre les tables rondes (et non venir CHERCHER auprès des protagonistes les moyens de reprendre les tables rondes).

Soit trouver un Plan B d’ici avril prochain (à l’occasion de la réunion semestrielle du Conseil de Sécurité sur le Sahara) et laisser tomber le processus des tables rondes… Peut-être aura-t-il à engager une négociation avec chaque partie séparément et assurer le go between entre toutes… C’est beaucoup de travail, mais en dehors des tables rondes, il semble que ce soit le seul moyen qui permette de poursuivre la négociation…

D’ici avril, les citoyens marocains verront bien comment évolue ce dossier, la Cause étant sacrée pour eux, du fait qu’il y va de l’intégrité territoriale du pays, le Sahara ayant toujours fait partie intégrante du Maroc.

Bahia Amrani

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