Hamid est un fonctionnaire de 45 ans. Sa femme l’a quitté. Il élève seul ses 3 enfants. Il raconte son histoire.
«Qu’un jour ma femme puisse me quitter et agir de la sorte, ça, je n’aurais jamais pu l’imaginer. Quand j’ai connu Samira, elle était encore étudiante et passait son bac. Moi, j’étais un peu plus âgé qu’elle: une dizaine d’années nous séparait. J’étais conquis par la fraîcheur et l’insolence de ses 19 ans. Elle disait m’aimer et qu’avec moi, elle se sentait en sécurité. N’ayant pas eu la possibilité de nous fréquenter librement et amoureux fou comme je l’étais, je suis tout de suite allé me présenter chez ses parents pour la demander en mariage. Les parents de ma femme n’étaient pas du tout enchantés par ma démarche. Ils disaient qu’elle est leur fille unique, que notre écart d’âge pouvait un jour nous nuire et éclabousser d’un scandale leur famille.
Et que, si on en arrivait au «divorce», ils n’y surviraient pas. Je me rends compte aujourd’hui, hélas un peu tard, qu’ils connaissaient à fond le tempérament de leur fille. Moi, j’étais complètement envoûté par cette jeune fille qui, vexée par leur comportement, fuguait tout le temps pour venir s’installer chez moi. A l’époque, je louais un petit studio en plein centre-ville. Je la raisonnais et mettais en avant les problèmes qu’elle pouvait me causer en agissant de la sorte. C’est de cette façon que ses parents se sont vus presque obligés de m’accepter comme gendre. Samira coupa court à ses études et nous nous sommes mariés dans les 3 mois qui ont suivi notre rencontre sans faire de fête. J’étais incroyablement heureux parce que, jusque-là, je n’avais rencontré que des personnes très matérialistes, soucieuses des qu’en dira-t-on et apparences. Nous nous sommes mis d’accord, ma femme et moi, sur le fait qu’il valait mieux pour notre couple que nous commencions par acheter un logement plus grand. Pour cela, j’ai fait une demande de prêt à ma banque. Un prêt accordé, auquel j’ai ajouté tout l’argent que j’avais mis de côté. Cet appartement que nous avions choisi tous les deux, j’ai trouvé honnête de le mettre à nos deux noms. Nous formions un couple normal sans problèmes. Ma femme s’occupait de chez nous et moi je travaillais. Quelques mois plus tard, notre petite famille s’agrandissait avec l’arrivée de notre premier enfant. J’étais devenu papa, j’étais comblé. L’amour que je portais à ma femme et à mon fils me faisait souvent dire que je ne souhaitais pas que nous ayons d’autres enfants. Elever convenablement Mohcine, notre fils, et ne pas priver ma femme de quoique ce soit étaient ma préoccupation majeure. Mais ma femme trouvait absurde mon argumentation. Elle disait que ce n’était pas normal que j’aie ce genre d’idées parce que, au contraire, elle souhaitait que nous ayons une grande famille et plus d’enfants. Je lui expliquais que mon statut de fonctionnaire ne nous permettait pas une telle folie; et que j’avais des traites de crédits qui engloutissaient près de la moitié de mon salaire. Mais de ça, ma femme se fichait pas mal et elle finit par avoir le dernier mot. Quand j’ai vu le petit minois de ma fille, j’ai regretté mes paroles et trouvé que c’était le plus beau cadeau de la Providence. Mais un an plus tard, voilà que ma femme est à nouveau enceinte. Je ne pouvais pas l’offenser et la malmener en remettant sur la table mes inquiétudes; c’était trop tard, de toute façon. Quand ma deuxième fille est née, nous étions très heureux, mais je sentais que ma femme était au bout du rouleau physiquement et moralement. C’est vrai qu’il y avait du travail! Moi, je l’aidais en m’occupant surtout de mon fils. Je ne reconnaissais plus Samira: elle était devenue très nerveuse, agressive et râlait tout le temps. Elle se plaignait que ce n’était pas la vie dont elle avait rêvé. Nous n’avions pas la possibilité matérielle d’engager une aide à la maison. En métropole, leur tarif étant beaucoup trop élevé pour notre budget, en engager une du bled était quelque chose que je ne pouvais tolérer. Notre domicile nous suffisait à peine. Même si nos dépenses étaient énormes, je suggérais à ma femme, pour qu’elle soit soulagée de sa trop grande tension, de s’inscrire à un club de sport et de remise en forme. Elle était ravie par cette attention à son égard. Je commettais la plus grande erreur de ma vie. Ma femme, dans ce club, rencontrait des femmes aisées. Elle me racontait avec véhémence que ces femmes, qui ne travaillaient pas non plus, ne lésinaient sur aucun moyen pour se faire belles, qu’elles avaient tout le temps d’être belles et de coûteuses tenues de sport, des bijoux de valeur, des voitures…, qu’elles sortaient beaucoup et partaient souvent en voyage. Elle disait aussi que ces femmes avaient une chance inouïe d’avoir des maris riches, alors qu’elle n’avait rien de tout ça, à part des tonnes de boulot à la maison et des mioches à élever. Elle essayait de me faire comprendre par tous les moyens que nous vivions une vie misérable. Je n’essayais pas d’entamer avec elle des discussions moralisatrices parce que j’avais peur de lui faire encore plus de mal. Mes enfants grandissaient dans une ambiance électrique. Je souffrais de ne pouvoir apporter un peu plus de confort à mon épouse qui, visiblement, était rongée par une jalousie morbide. Tant et si bien qu’un grand fossé s’était creusé pernicieusement entre nous. Je m’interdisais toute confrontation avec cette jeune femme que je ne reconnaissais plus et qui était l’amour de ma vie. Je ne pouvais rien faire d’autre sinon que de l’aider dans toutes les tâches qu’elle avait laissés en plan et attaquai les devoirs avec mes enfants. Ma femme devenait de plus en plus distante avec moi et les enfants. Elle ne voulait plus du tout sortir avec nous, ni rien partager et disait tout le temps vouloir se reposer. Un soir, elle me déclara vouloir retourner vivre auprès de ses parents. Je n’essayais pas de la retenir, pensant que ma femme souffrait beaucoup trop moralement et qu’elle ne s’en irait que quelque temps. Je préférais laisser à ses parents -et dans le calme- le soin de panser ses plaies et de la raisonner. Je n’ai plus eu aucun signe de vie d’elle durant la première semaine; puis les deux suivantes. Les petites la réclamaient et je dus les accompagner chez leurs grands-parents maternels pour qu’elles puissent voir leur maman. Ma femme n’était pas là et mes beaux-parents nous reçurent très froidement, sans tendresse pour mes enfants. J’en étais viscéralement retourné. Il fallait que j’éclaircisse tout cela, mais la présence de mes enfants me gênait beaucoup. Heureusement, les vacances scolaires arrivaient et je demandai à mes parents de me les garder. Je reçus la même semaine une convocation au tribunal, ma femme demandait le divorce. Je n’émis aucune opposition à sa demande. Je comprenais tristement que ma femme n’avait plus aucune envie de partager notre quotidien et que cela lui était devenu insoutenable. N’ayant pas le choix, je pris cela sur moi en élevant, depuis 4 ans, mes 3 enfants avec beaucoup de patience, d’amour et de complicité. Je me sentais en faute: n’était-ce pas moi qui avais choisi leur mère? J’ai toujours essayé de ne pas dresser un mauvais portrait de cette femme qui m’avait quitté pour un autre homme et pour aller vivre en Europe avec lui. Dernièrement, mon ex-femme, qui n’a jamais cherché à nous revoir, m’a réclamé la moitié du titre de propriété…».
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