Ma maman, cette guerrière…

Ayman, 16 ans, est un lycéen. Ce jeune adolescent nous raconte combien il adore sa mère et, sans filtre, ce qu’il pense de son père et pourquoi. Voici son récit.  

«Puisque le 8 mars c’est la femme qui est à l’honneur, j’ai envie de vous parler de cette admirable guerrière qu’est ma maman.  Non pas qu’elle ressemble à monsieur muscle, ou à Rambo. Vraiment pas. C’est juste que je la vois se démener plus qu’une forcenée pour nous faciliter l’existence, pour que tout soit réglo à la maison, pour son job, ses problèmes personnels, se coucher tard et se lever avant tout le monde et ce, sans jamais pleurnicher ou s’avouer vaincue les 365 jours de chaque année. La comparaison entre elle, et celui qu’on me demande d’appeler papa, est si perturbante. En tous les cas, lui notre Don Juan de camelote, il vaut mieux pour lui qu’il reste loin de nous le plus longtemps possible, si ce n’est pour toujours. A cause de lui, de ce divorce, de son comportement, j’en ai beaucoup bavé! Oh lala, faut toujours que j’en parle de celui-là. Je le dégage vite parce qu’il n’est pas question de lui (ou un peu quand même pour en avoir une idée) mais de ce petit bout de femme, une magnifique battante qui nous élève seule, je l’admire, je l’aime et j’en suis tellement fier. Hip Hip Hip Hourra Mom!  

A chaque fois que le trop plein de rage avait gonflé ma poitrine, il n’y avait qu’une seule manière pour moi de l’évacuer, c’était de pleurer. Evidemment, jamais je n’aurais offert ce cadeau à ceux qui me poussaient tellement de fois à bout. Je parle de mes camarades de classe que je connaissais depuis la petite enfance. Eux, leur arme c’était de malheureusement d’en savoir beaucoup trop sur moi et ma famille. J’espère qu’un jour, nous nous en irons de cette satanée ville où tout le monde se connait et que la distance fasse son travail. Pour l’instant, je sais que ce n’est pas envisageable et ce, pour beaucoup de raisons mais rien n’est impossible. J’aiderai ma mère bientôt, maintenant je vais passer ma première année du Bac, mais c’est une promesse. Je lui fais quand même confiance, tel le phénix, elle va bientôt renaitre de ses cendres.

Pause, je reviens sur ce que je vous disais plus haut. Donc, pour éviter quelques soucis supplémentaires à gérer pour ma mère avec des bagarres et pour vite retrouver de l’aplomb, j’avais trouvé un moyen infaillible qui me fasse chialer un bon coup. 

Pour se faire, il me suffisait en cachette d’aller farfouiller dans la planque de ma mère pour en sortir les vieux albums photos du mariage de mes parents, de nos baptêmes, de mon frère, de ma petite sœur et de moi encore bébés, et de beaucoup d’autres souvenirs d’enfance. Dans ces images, se devinait très certainement l’expression du bonheur. Mais la perte de ce dernier, en modifiait la perception. Il n’émanait plus qu’infinie et regrettable tristesse. Au fur et à mesure que je tournais les pages, mes yeux tels des robinets répandaient d’incontrôlables jets de larmes. Vous pouvez me croire sur parole que ses flots déversés ont toujours été source de bienfaits. Ils emportaient avec eux toutes ces saletés de mots et d’attitudes à mon égard. Je vous jure qu’après cette vidange émotionnelle, je me sentais léger, débarrassé de ces ricanements et inadmissibles réflexions sur mon sort d’enfant de divorcés, élevé par une mère connue pour avoir de gros soucis d’argent. D’ailleurs, les réflexions et ricanements ne changeaient pas, ils portaient toujours et inlassablement sur mes deux seules tenues vestimentaires, sur mon éternel et étriqué blouson d’hiver, mon cartable et mes baskets usés, mon détestable portable rafistolé avec du scotch, sur notre logement mal situé, mon père le chômeur qui n’arrêtait pas le massacre avec ses selfies sur le net, que j’osais poster sur mon compte Facebook,sur mes vacances de minable passées en bas de chez moi à jouer avec les gamins des concierges du quartier et, comble de douleur pour moi, sur l’horrible guimbarde que conduit ma tarée de mère qui est moche mais qui se croit belle… Que voulez-vous, ce genre d’amusement navrant d’enfants mal éduqués reste monnaie courante. Et ici, merci de me permettre ce brin de riposte où j’affirmerai sans complexe que les chiens ne font pas des chats. 

La maîtresse de mon père…

De toutes les manières, cette période d’acceptation de notre nouvelle réalité, a été très dure mais elle ne m’avait pas détruit psychologiquement. Je m’étais vu plutôt me focaliser sur mes résultats scolaires, tout en étant beaucoup plus dévoué et attentionné vis à vis de ma mère. Tous ces morveux, sauront-ils (ou peut être qu’ils finiront un jour par y goûter eux aussi) combien de courage et d’heures de travail devait se taper celle qui nous a donné la vie pour nous permettre l’accès à ce toit qu’ils dénigraient, un lit où dormir, de quoi manger à notre faim, nous inscrire tous les trois dans une école privée. Aussi, de la force morale qu’il lui a fallu de se voir privée de sa maison, de son business, de sa voiture neuve, de ses bijoux, de ne pas trouver de job stable, mais de ne rien refuser, de supporter les attaques des mauvaises langues, d’être visée par la suffisance des uns et des autres, de ne plus espérer compter sur certains liens amicaux mais de toujours se tenir droite pour s’occuper de nous, de la maison, tout en faisant face à d’inextricables problèmes de justice, de dettes en son nom causés par son ex-associé, mon père. Ah, lui le pro du baratin, il l’avait ensorcelée en lui faisant croire qu’il serait capable de bosser comme un vrai chef! Un jour, après 6 ans de totale absence et de manquement à ses devoirs les plus élémentaires de père, il était venu me voir à la sortie de l’école. Ce jour-là, il avait même osé jouer à la victime en déblatérant de gros bobards sur ma mère. Elles étaient bien bonnes ses conneries de blagues! Imaginez un peu que le gars n’était pas sans savoir que malgré tout ce qu’il nous avait fait subir, c’était bien ma mère qui lui avait permis de s’en tirer libre et de ne pas croupir au fond d’un cachot. Et dire que j’en savais beaucoup plus sur lui qu’il n’en savait sur moi, son fils.

Ramadan : Parce que les nuits sont courtes…

Même les gamins de mon école s’étaient rendu compte que ce mec était toqué grave. Et d’ailleurs qui pouvait en douter en voyant toutes les photos de lui et rien que de lui, qu’il postait sur tous les réseaux sociaux. Ouf, lui comme la pub, il s’impose dans votre fil d’actu vous comprenez? Je peux vous garantir que son seul et unique souci a toujours été de se trouver une bonne femme pour l’entretenir. Bof, quel pauvre type! J’ai bien l’impression que rien ne lui réussit et que toutes ses conquêtes finissent très vite par le quitter sûrement à cause de son manque de maturité mais surtout de la maitrise de son art de glander. Allez, oust la mauvaise affaire. Quel stupide choix de mari qu’elle avait fait ma pauvre petite maman! Et puis zut, elle n’apprécie vraiment pas que je l’appelle comme ça et aussi je ne serais pas né moi. En fait, je vous assure que ma super woman de madre que j’aime plus que tout au monde, s’en est toujours fichue éperdument du devenir de son ex ou d’avec qui il tuait le temps. Les fois où son sujet était mis sur le tapis, elle finissait toujours par dire qu’elle avait eu beaucoup de chance qu’il se soit taillé de notre vie. Gloup! Il s’est auto-supprimé le virus! En plus, elle avait gagné, répétait-elle, ce qu’il y avait de plus important au monde, à savoir ne pas être privée de notre présence à ses côtés. 

Alors, à ma maman et à toutes les guerrières qui se battent comme elle ou pour des causes nobles, je vous dis merci».

Mariem Bennani 

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