Le débat présidentiel français | Ce n’était pas 2017

Une seule chose est sûre, le débat du 20 avril entre Emanuel Macron et Marine Le Pen ne changera pas l’issue du scrutin du 24. L’avance du Président sortant est, au fil des sondages, considérable.

En ce qui concerne le débat lui-même la presse donne l’avantage à Macron en estimant que Le Pen a cependant résisté et a été bien meilleure qu’en 2017. Il faut être prudent sur les analyses de la presse qui, à plus de 90 % pour les médias les plus importants, ont fait campagne pour le sortant et surtout contre la candidate, classée à l’extrême droite, dont le programme a été présenté comme dangereux pour la démocratie et la paix civile. On remarquera que la diabolisation cependant n’a pas été utilisée dans le débat, sauf indirectement et sur la fin, autour du voile.

 Il y a eu étrangement un débat à front inversé. On pensait que Marine Le Pen attaquerait le Président sur son bilan, c’est lui qui l’a attaquée sur son programme. Marine Le  Pen n’a pas totalement gagné son pari de la crédibilité, la maitrise des dossiers était plutôt du côté de Macron. En revanche le Président a partiellement raté sa modification d’image, il n’a pas pu s’empêcher de se montrer ironique souvent, arrogant parfois, professoral presque toujours.

Les points forts du débat ne sont pas forcément ceux que les téléspectateurs  attendaient. L’accusation de Macron affirmant que pour des raisons financières de prêt bancaire sa rivale était dépendante de Poutine aura paru excessive et brutale. Le Président s’est voulu offensif, il a parfois été agressif. Marine Le Pen est parue parfois timorée, trop prudente pour convaincre, le complexe de 2017 était toujours là. Revenant sur l’interdiction du voile dans l’espace public, elle aura sacrifié à un fondamental de l’ancien FN qu’elle assume semble-t-il avec difficulté pour ne pas perdre les voix des électeurs de Zemmour. Elle sent qu’elle est dans un piège.

La seule petite formule marquante vient cependant d’elle. «Je ne suis pas  clmatoseptique, mais vous êtes Mr Macron climatohypocrite».

Pour la presse la supériorité à Macron devant une Le Pen meilleure mais sur la défensive et toujours un niveau au dessous. «Macron à l’attaque, Le Pen en défense», pour Aujourd’hui en France. Pour Le Monde, «Marine Le Pen a donné le sentiment de ne jamais parvenir à se replacer sur la ligne de départ, quand son adversaire, pugnace, luttait pour ne pas pécher par excès de confiance». Et le journal du soir de comparer le chef de l’Etat à un «boa constrictor» qui «a semblé resserrer peu à peu son opposante jusqu’à ce qu’elle étouffe». Pour Libération, elle n’est toujours pas au niveau. «Avantage Macron» barre la Une de Sud-Ouest, «Macron domine, Le Pen tient le choc», résume Le Figaro. Au lendemain du débat d’entre-deux-tours entre le Président sortant et la candidate du Rassemblement national, la presse accorde un léger avantage à Emmanuel Macron, même si les deux candidats ont pu, selon les journaux, présenter deux visions de la France dans un climat plus serein qu’en 2017.

Sur le fond, sur la vision de la France dans le monde, le deuxième tour se jouera autour d’un clivage clair. Clivage théorisé par le journaliste britannique David Goodhart opposant les somewhere, frange de la population qui se reconnaît une attache géographique, culturelle ou historique, aux anywhere, fraction de la population qui ne se reconnaît pas de fortes attaches. Des États-Unis de Donald Trump à l’élection d’Emmanuel Macron, de la France des gilets jaunes à la rupture entre les partis de gauche et les classes populaires, les références au clivage entre gens «de partout» et «de quelque part» s’accumulent. Le débat a bien illustré le fossé de deux France irréconciliables entre les partisans de la mondialisation même revue et ceux du souverainisme. L’alliance des nations voulue par Marine Le Pen, ce n’est plus vraiment l’Union Européenne phare de Macron.

Mais ce débat a-t-il intéressé les Français ? TF1 et France 2 co-organisaient et diffusaient le débat de l’entre-deux tours. Un débat modéré par Gilles Bouleau et Léa Salamé. Au total, les deux chaînes ont réuni 14,05 millions de Français selon Médiamétrie, soit 61,4% de part d’audience. Un score au plus bas pour un débat d’entre-deux-tours. Le 3 mai 2017, le débat qui voyait s’opposer les mêmes finalistes, mais cette fois présenté par Nathalie Saint-Cricq et Christophe Jakubyszyn avait été regardé par 15,15 millions de téléspectateurs (60,0% du public) sur ces deux chaînes, signant déjà le pire score de l’histoire pour un débat d’entre-deux-tours.

Cela relativise encore  plus l’impact politique du débat sur les électeurs. Les abstentionnistes auront majoritairement regardé autre chose et on sait que le résultat du second tour dépend d’eux. Un débat passionnant pour la classe politico médiatique. Un spectacle incontournable ou tout commentateur se rend important et croit jouer un rôle. Mais au  final, ce sont les électeurs qui décident, c’est le peuple qui choisit comme l’affirme Marine Le Pen. C’est indiscutable dans tous les cas et cela s’impose à tous, à elle comme aux autres candidats, même s’ils choisissent, comme tout le laisse penser, pour la 2ème fois Emanuel  Macron comme Président. Réponse Dimanche.

Patrice Zehr

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