Mohamed Zineddine, professeur de Droit constitutionnel

Mohamed Zineddine, professeur de Droit constitutionnel

«Abdelilah Benkirane doit mettre de l’eau dans son vin»

Le chef de gouvernement a décidé de mettre fin aux négociations entre le Rassemblement National des Indépendants (RNI) de Aziz Akhannouch et le Mouvement Populaire de Mohand Laenser. La décision de Abdelilah Benkirane, approuvée par le Secrétariat général du PJD, à l’issue d’une réunion extraordinaire qui s’est tenue au siège du parti islamiste au pouvoir, lundi 9 janvier 2017, a ouvert la voie à des pronostics de part et d’autre, autour des solutions de sortie de crise. Dans cet entretien, Mohamed Zineddine, professeur de Droit constitutionnel, explique les tenants et les aboutissants de la rupture entre le chef de gouvernement et ses principaux interlocuteurs politiques.

Abdelilah Benkirane a annoncé, dans un communiqué, qu’il mettait un terme aux négociations  avec le RNI et le MP pour la formation du gouvernement. Est-il allé trop vite en besogne?

Effectivement la décision du chef de gouvernement d’arrêter les négociations avec Aziz Akhannouch et Mohand Laenser est une erreur. Il est à noter, cependant, que la réaction de Benkirane était prévisible. Depuis un bon moment, le PJD et le RNI se sont livré une guerre de déclarations par presse interposée, au lieu de privilégier le dialogue serein et constructif. Le résultat de cette guerre latente entre ces deux partis est à l’origine du blocage auquel nous assistons actuellement. Oui, nous assistons à une crise politique que le Maroc n’a pas connue depuis plusieurs années.

Abdelilah Benkirane est-il le seul responsable de la crise politique dont vous parlez?

La crise politique que connaît le Maroc actuellement est à imputer uniquement au chef de gouvernement. Au Maroc, les négociations entre les partis politiques est une pratique nouvelle à laquelle nos responsables politiques n’étaient pas habitués. Avant la Constitution de 2011, les gouvernements marocains étaient formés d’une manière autre que celle à laquelle nous assistons aujourd’hui, c’est-à-dire des négociations en bonne et due forme. D’où les incompréhensions qui peuvent surgir entre les leaders des principaux partis politiques marocains et le chef de gouvernement, dans le cadre des négociations pour la formation de la majorité gouvernementale. Pour revenir au blocage des négociations que mène Abdelilah Benkirane avec ses principaux interlocuteurs politiques (RNI-MP), je crois qu’il sera très difficile pour le SG du PJD de trouver une sortie de crise sans faire de concessions.

Le jour où Benkirane a été déchargé de sa fonction

A vous entendre, on croirait que Abdelilah Benkirane est dans une vraie impasse.

C’est le cas de le dire. Après la rupture avec le RNI et le MP, d’une part  et son niet catégorique à l’UC et à l’USFP, d’autre part, il me semble presque impossible pour le chef de l’Exécutif de faire aboutir les négociations qu’il doit mener pour la formation de sa majorité. Avec qui Abdelilah Benkirane va-t-il négocier maintenant? Il ne lui reste plus aucun interlocuteur, mis à part le PPS qui lui est acquis d’avance et avec lequel il a signé un contrat d’alliance à durée indéterminée.

Le scénario le plus évoqué actuellement parle de la formation d’un gouvernement minoritaire, avec l’appui du Parti de l’Istiqlal au Parlement. Cette solution est-elle envisageable, selon vous?

Il est possible pour Abdelilah Benkirane de former un gouvernement minoritaire. Il devra néanmoins faire face à une multitude d’obstacles qu’il devra dépasser. D’abord, il lui faudra présenter son programme gouvernemental devant le Parlement pour approbation, chose qui ne risque pas de se produire si, en plus de l’opposition, le PJD se met à dos le RNI, le MP.

Chômage : Alerte… Courbe ascendante !

Quelle est donc la sortie de crise qui vous paraît la plus plausible?

L’unique manière, pour Abdelilah Benkirane, de faire sortir les négociations du blocage qui pénalise aujourd’hui le Maroc à l’échelle régionale et internationale, c’est de faire un peu plus de concessions. En politique, il n’y pas de rigidité qui tienne. Il faut placer les intérêts suprêmes de la nation avant toute autre considération. Abdelilah Benkirane doit mettre de l’eau dans son vin pour mener à bon port le navire des négociations.  Il a été clairement chargé par le Souverain de former au plus vite sa majorité. Aujourd’hui, il est obligé de faire vite et laisser de côté les calculs personnels qui ne servent en rien la politique, ni les citoyens dans notre pays. Le chef de gouvernement doit garder à l’esprit que le Roi Mohammed VI a été ferme lorsqu’il a exigé un gouvernement fort, uni, homogène et apte à relever les défis auxquels le Maroc est confronté.

Le retard dans la formation du gouvernement est-il préjudiciable pour l’image du Maroc à l’international?

Ce retard porte un grand préjudice au Maroc à l’étranger. N’oublions pas que l’administration américaine a changé, que le Maroc est à deux doigts de réintégrer l’Union Africaine (UA) et que nos ennemis nous attendent au tournant, surtout en ce qui concerne le dossier du Sahara.

Entretien réalisé par: Mohcine Lourhzal

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