Ali Lahrichi, expert en sciences politiques, économiques et sociales
En dépit des critiques sur le contenu qu’ils présentent, les influenceurs marocains peuvent gagner beaucoup d’argent en un rien de temps. Si par le passé, ces derniers parvenaient à cacher leur train de vie, désormais ça ne sera plus possible. En effet, depuis quelques temps, le fisc est aux aguets des influenceurs soupçonnés d’évasion fiscale. Dans l’entretien qui suit, l’expert en sciences politiques, économiques et sociales, Ali Lahrichi, nous explique le bien-fondé de cette mesure. Il appelle également à sensibiliser les citoyens quant au bon usage des réseaux sociaux.
L’administration fiscale, représentée par la Direction Générale des Impôts (DGI) s’est lancée aux trousses des influenceurs qui ne payent pas leurs impôts. Qu’en pensez-vous?
C’est une décision tout à fait normale. Les influenceurs sont des Marocains comme les autres qui ont des droits et des obligations vis-à-vis de leur pays. L’activité d’influenceur s’est beaucoup développée au cours des dernières années grâce aux réseaux sociaux ce qui en fait une véritable niche fiscale. Les influenceurs n’ont, par conséquent, aucune raison valable pour se soustraire à leurs obligations fiscales d’autant qu’ils gagnent énormément d’argent, grâce notamment aux prestations qu’ils présentent pour des produits, des entreprises, des restaurants entre autres, qui font appel à eux. La Direction Générale des Impôts (DGI), lorsqu’elle s’est intéressée aux revenus des influenceurs, n’a fait qu’appliquer la loi qui stipule clairement que les Marocains, sans exception aucune, sont tous égaux notamment devant l’impôt.
Certains influenceurs ne déclarent par leurs revenus, totalement ou partiellement, parce qu’ils se considèrent assujettis au régime des autos-entrepreneurs. Cet argument est-il valable?
Le régime d’auto entrepreneur est clair. Au Maroc, ce statut ne peut être accordé si l’entrepreneur exerce déjà une activité soumise à la taxe professionnelle, en tant que personne morale ou physique. Il doit alors accomplir les démarches de cessation d’activité avant de s’inscrire au registre national de l’auto-entrepreneur. Pour ce qui est des conditions d’octroi du statut de l’auto-entrepreneur, le chiffre d’affaires annuel encaissé par celui-ci ne doit pas dépasser, pendant deux années consécutives, 500.000 dirhams par an, pour les activités industrielles, commerciales et artisanales et 200.000 dirhams pour les prestataires de services. Il faut également que l’auto-entrepreneur soit adhérent au régime de sécurité sociale et inscrit au registre national de l’auto-entrepreneur. En outre, les auto-entrepreneurs sont soumis à un impôt sur le revenu de 0,5 % du Chiffre d’Affaires (CA) sur le montant qui ne dépasse pas 500.000 dirhams annuellement, lorsqu’ils s’agit d’activités commerciales, industrielles et artisanales et 1% sur le montant ne dépassant pas 200.000 dirhams pour les prestations de services. Dans la plupart des cas, les revenus des influenceurs au Maroc, dépassent souvent ces montants par an.
Est-il possible de réguler le contenu présenté par les influenceurs?
Normalement, toute personne qui exerce une activité génératrice de revenus, doit payer ses impôts. Si dans d’autres pays, l’activité d’influenceur est encadrée par des lois dédiées, ce n’est pas encore le cas au Maroc. Il ne faut pas oublier que le marketing d’influence, sur le web, est encore à ses débuts à l’échelle nationale. C’est la raison pour laquelle, le législateur doit se pencher au plus vite, sur cette question pour élaborer des textes juridiques qui fixeraient les obligations auxquelles doit se soumettre tout influenceur qui se considère comme tel. Il est nécessaire d’initier les citoyens marocains, surtout les jeunes, à faire la différence entre un contenu instructif et un contenu de bas niveau, comme on en voit chaque jour sur internet.
Propos recueillis par Mohcine Lourhzal