Ce que dit l’Alliance des économistes istiqlaliens
L’Alliance des Economistes Istiqlaliens a organisé une conférence-débat, jeudi 25 avril à Casablanca, pour présenter ses grandes orientations en matière de fiscalité, en perspective des Assises Nationales de Fiscalité qui devraient être le point de départ d’une nouvelle génération de réformes.
«Notre pays organise cette année 2013 les Assises Nationales de la Fiscalité. L’Alliance des Economistes Istiqlaliens, composée de 250 cadres, tous travaillant dans les secteurs de l’économie, des finances et du marketing, ont mené une réflexion en matière de fiscalité et ont émis un certain nombre de recommandations quant aux principes et grands axes de ces réformes. Ces Assises de la fiscalité sont organisées très peu souvent.
L’Alliance a donc émis les orientations de 5 à 6 ans de fiscalité marocaine en faisant des propositions pour une nouvelle génération de fiscalité et en se plaçant sur des principes de l’idéologie: neutralité ou levier de pilotage?», lance Adil Douiri, président de l’Alliance des Economistes Istiqlaliens. Et d’ajouter que «la fiscalité est un débat un peu occulté au Maroc. Elle est un simple outil de collecte de recettes à ne pas blâmer. L’idéologie de la fiscalité doit être inversée; elle ne doit pas être neutre et doit être au service de l’économie nationale. La fiscalité n’arrive pas à être neutre parce qu’elle oriente les consommateurs, les entreprises, les entrepreneurs et les épargnants. Elle influence fortement la psychologie et le comportement des agents économiques. C’est un outil de marketing et de communication vis-à-vis des agents économiques. Elle détermine la façon avec laquelle les impôts sont conçus. C’est un puissant outil de communication qui délivre des messages sur ce qui est bon pour la collectivité et ce qui ne l’est pas. Alors, autant l’utiliser», explique Adil Douiri.
L’intérêt de l’épargne financière
Quel que soit le réseau de collecte, la fiscalité atterrit chez l’Etat, les entreprises et les ménages. Elle permet donc de financer directement soit l’investissement, soit la consommation. Dans tous les cas, elle augmente la valeur du PIB et sa croissance. Un terrain nu est une base, un outil de production qui crée du PIB: un logement, un commerce, une usine, un hôtel, un call center… Son prix permet ou ne permet pas de construire l’outil de production. L’Etat a intérêt à maintenir le foncier au prix le plus bas possible et à le faire baisser, si possible, pour encourager les investissements.
Dans les économies préhistoriques, en l’absence d’épargne financière et de circuits organisés, l’épargne va vers des métaux et pierres précieux et des terrains nus. Et plus il y a d’épargne disponible, plus le prix des terrains nus gonfle au détriment du PIB (de la construction d’unités de création de PIB), selon Douiri. «Le comportement à encourager n°1, c’est placer son épargne en dépôt bancaire ou en valeurs mobilières (bons du Trésor, obligations, actions)… Et surtout pas dans des terrains nus. Le comportement à encourager n°2, au maximum, c’est l’épargne longue par rapport à l’épargne courte. L’épargne longue est synonyme de financement de l’Etat, de crédits immobiliers acquéreurs, d’infrastructures, d’hôtellerie, d’équipements industriels… Le comportement n° 3 à encourager, c’est de placer son épargne dans le capital des projets; l’épargne dans la durée du blocage est plus longue», relève-t-il. Les propositions sont donc: augmenter la fiscalité de l’épargne nuisible (celle qui va se stocker dans des terrains nus). Cela ne concerne pas les opérateurs professionnels, mais les épargnants; aligner la fiscalité du dividende et de la plus-value pour les actions, voire fiscaliser plus le dividende que la plus-value, selon lui.
«Pour pérenniser une entreprise, il faut renforcer ses fonds propres plutôt que sa dette, soit par le renforcement du capital, soit par l’affectation des résultats en réserve. Un entrepreneur se rémunère de 2 façons: en se distribuant des dividendes ou en réalisant à terme une plus-value sur ses actions. Se rémunérer par dividendes est une attitude, une mentalité qui conduit à considérer l’entreprise comme une source de revenu courant et tout dividende distribué vient en déduction des fonds propres et de la capacité à grandir de l’entreprise. L’entrepreneur doit muscler son entreprise. Chaque augmentation de capital est ponctionnée de 1% du montant illimité sans plafond», précise Adil Douiri. Il faut donc supprimer les impôts sur l’augmentation du capital, augmenter les impôts sur les dividendes et baisser les impôts sur la plus-value. Idéalement, la taxation du dividende doit être supérieure à celle de la plus-value. Il vaut mieux se payer un salaire que distribuer les dividendes. C’est une attitude plus long-termiste, plus patiente et qui construit une entreprise plus forte. En vérité, l’Etat devrait payer, sous forme de déduction d’IS, par exemple, tout entrepreneur augmentant son capital, Au moins, ce serait là un message clair et pédagogique, explique Douiri.
L’IS, un manque à gagner
Pour sa part, Abdelkader Mokhliss, de l’Alliance des Economistes Istiqlaliens a dit: «La réflexion que nous avons menée a porté sur plusieurs volets, dont l’IS. Le constat que nous avons fait est que seulement 2% des entreprises paient cet impôt et que 90% des entreprises composées de PME et de TPE n’y contribuent pas. Ces entreprises déposent des bilans déficitaires. Il faut donc amener ces entreprises à verser dans les caisses de l’Etat. Il y a donc un manque à gagner». Selon lui, plus les impôts sont simples et les taux bas, moins il y a d’incitation à frauder et d’aversion à l’impôt. «Nous sommes favorables à élargir la base de l’IS en proposant des taux réduits aux TPE/PME. La seule manière technique d’y parvenir, sans inciter à des comportements frauduleux, c’est d’adopter un IS construit comme l’IR, c’est-à-dire un IS progressif par tranches», propose Abdelkader Mokhliss.
Neutralité de la TVA
L’entreprise produit et donc crée des emplois. La TVA est un impôt supporté par le consommateur final. Elle doit au minimum être neutre pour l’entreprise et ne pas la pénaliser. «La TVA ne doit pas décourager d’investir; elle ne doit pas accroître le besoin de fonds de roulement de l’entreprise, d’où nos propositions à mettre en place sur plusieurs années pour ne pas perturber les recettes fiscales: réduire au maximum le nombre des taux différents de la TVA, généraliser le remboursement du crédit de TVA structurel (notamment en remboursant en bons du trésor), supprimer la limitation de la durée de 24 mois après la création d’une entreprise pour l’investissement en exonération de TVA, et supprimer la règle du décalage d’un mois entre TVA à récupérer et TVA due (quand la conjoncture le permettra)», affirme Abdelkader Mokhliss.