Jupiter est tombé de l’Olympe. Le nouveau visage de l’Assemblée nationale est celui d’une France très à droite, mais peut être ingouvernable. Jean Luc Mélenchon ne sera pas premier ministre. Sa coalition des gauches arrive en deuxième position après la coalition présidentielle.
Mais quand on fait le compter par partis ; c’est le Rassemblement National de Marine Le Pen qui est le premier parti d’opposition. Celle qui était arrivée seconde à la présidentielle réussit une percée totalement inattendue en tout cas par les commentateurs et les sondeurs. Les commentateurs ont oublié le RN, fascinés par Mélenchon et les sondages n’ont rien vu sauf à les soupçonner d’une manipulation qui se sera alors révélée inutile. Le président sans majorité absolue devra pour chaque texte compter sur les LR. Les Républicains qui vont hésiter à soutenir un pouvoir affaibli, alors qu’ils sont sous la pression d’une droite plus radicale sur la sécurité ou l’immigration. Il n’y a eu aucun barrage contre l’extrême droite. Au contraire des électeurs de gauche ont voté RN et des électeurs RN ont voté Nupes. Le seul barrage est celui qui a bien fonctionné contre la Macronie.
La presse française entre constat de la gifle et inquiétude pour l’avenir
«Miroir inversé de l’élection présidentielle, ce second tour des législatives ressemble furieusement à un référendum anti-Macron», écrit ainsi Alexis Brézet dans Le Figaro, qui évoque une «cruelle leçon pour le chef de l’Etat». Si «Aujourd’hui en France» barre sa Une du seul «Ingouvernable», Ouest-France juge a contrario que «Le pays n’est pas ‘ingouvernable’». Pour Maud Vergnol de L’Humanité, «afin de mettre en œuvre son programme de casse sociale, Emmanuel Macron sera obligé de composer avec la droite LR, seule force d’appoint disponible». «Comment tout cela finira-t-il si la contestation ne parvient pas à se traduire en compromis ?» s’inquiète Florence Chédiotal dans La Montagne. «Si la France reste gouvernable, il est fort probable qu’en l’état elle ne soit plus réformable».
Quinquennat à venir «compliqué», voyage vers une «destination inconnue». La presse étrangère n’a pas manqué d’analyser les résultats du second tour des élections législatives dimanche 19 juin. Entre la perte de la majorité absolue pour les soutiens d’Emmanuel Macron et la percée de la gauche et de l’extrême droite, de nombreux titres s’interrogent sur l’avenir politique de la France. Quant aux oppositions à gauche et à l’extrême droite, elles «prendront en tenaille» le gouvernement et feront tout «pour empêcher de nouvelles réformes, comme celle des retraites», se servant de leur nouvelle légitimité pour «faire appel à la rue quand elles en auront besoin». Le journal suisse le «Temps» met en avant «une gifle électorale qui risque de paralyser la France». «Le quinquennat qui s’ouvre va être très compliqué», prévient dans le quotidien Gilles Ivaldi, chercheur en sciences politiques. «La polarisation qui sort des urnes forme trois camps qui s’affrontent et que tout oppose. L’Europe, l’économie, l’immigration, la sécurité, ils ne sont d’accord sur rien». Le quotidien belge «le Soir» voit dans le scrutin de dimanche «un résultat français inquiétant pour l’Europe». «Voilà Emmanuel Macron sans majorité absolue, face à une Assemblée nationale qui a le mérite, au moins, de symboliser les énormes fractures du pays», écrit le journal. «Gouverner la France va être un casse-tête», abonde «Il Corriere della Sera», entre une gauche «ressuscitée» par le «charisme et les accès de folie» de Jean-Luc Mélenchon qui devient toutefois «une gauche plus de lutte que de gouvernement», et le Rassemblement national, «qui a trouvé un allié inattendu en Emmanuel Macron, lequel a eu tellement peur de l’avancée de la Nupes qu’il a rompu avec la tradition du “barrage républicain” ». Toujours en Italie, «la Stampa» voit, elle, en Emmanuel Macron un président «estropié», «paralysé», «pris en otage entre les extrêmes».
«Les Français envoient un signal à Macron: ils veulent imposer des limites à son pouvoir», analyse de son côté «El País». Après cinq ans de majorité absolue pendant lesquels l’Assemblée nationale «s’est limitée, dans la plupart des cas, à donner le feu vert aux initiatives d’un président qui concentre tous les pouvoirs», la France a désormais «deux alternatives», résume le quotidien espagnol: «soit apprendre la culture du consensus, exotique dans son système présidentiel, soit être voué à être ingouvernable». «La politique française a voyagé ce dimanche vers une destination inconnue depuis des décennies», estime le quotidien catalan «El Periódico», qui tance «un vote punitif contre Emmanuel Macron».
Outre-Atlantique, le constat est également sévère contre le chef de l’Etat français. Le «Washington Post» voit ainsi dans le résultat «un camouflet politique» contre Emmanuel Macron «qui pourrait compliquer son leadership à l’heure où l’Europe fait face aux défis profonds déclenchés par la guerre en Ukraine».
Il faudra maintenant aller dans les détails. Mais certains déjà estiment que ce vote imprévu pour le RN est dû en partie à une réaction impulsive des votants aux images catastrophiques du stade de France. Les sondages ne l’ont pas pris en compte pas plus que les commentateurs. La négation de la réalité a été sanctionnée dans d’autres domaines aussi et aura finalement été fatale à un président qui n’a pas vraiment fait campagne considérant trop longtemps que c’était gagné.
C’est perdu.
Patrice Zehr