Ali Kabiri, président de la Commission des AE, de la défense, des affaires islamiques et des MRE à la Chambre des représentants
Pour Kabiri (du MP), la situation au sein du Mouvement Populaire dicte la nécessité de garder Mohand Laenser à la tête du parti Haraki, même au prix de modifier le règlement intérieur du MP.
Quel rôle joue la Commission des Affaires étrangères, de la Défense, des Affaires islamiques et des MRE à la Chambre des représentants et quel impact a cette commission sur les plans législatif et politique?
Effectivement, c’est une commission importante avec 46 membres. Les leaders de certains partis politiques (RNI, PI, USFP) font partie de cette commission.
Comment se positionne-t-elle?
C’est une commission stratégique.
Ses compétences?
Elle s’occupe de plusieurs dossiers qui présentent un intérêt primordial au niveau national, comme la cause nationale de l’intégrité territoriale et la défense nationale.
D’autres dossiers sensibles?
Il y aussi le texte sur les garanties assurées aux militaires lors de leurs interventions aussi bien à l’intérieur du Maroc qu’en dehors du territoire national. Malgré la sensibilité de ce dossier, cette commission a demandé l’avis du Conseil national des droits de l’homme. Celui-ci a donné son point de vue sur ce texte qui a été adopté à l’unanimité des membres de la Commission et des parlementaires
Et pour ce qui est des affaires islamiques?
La Commission se penche sur tout ce qui a trait aux affaires religieuses. Il faut assurer la sécurité spirituelle des citoyens là où ils se trouvent. Ce dossier présente également une certaine sensibilité: les Conseils des oulémas, Imarat al-mouminine…
Et le dossier des ressortissants marocains résidant à l’étranger?
Les MRE représentent un sixième de la population du Royaume, soit presque cinq millions de ressortissants marocains vivant à l’étranger. Les dossiers les concernant sont examinés au sein de cette commission.
Le dernier en date?
Il concerne les Marocains résidant en Hollande qui ont vu leurs acquis sociaux (indemnités et retraites) amoindris dans une proportion de 40% sous prétexte que le niveau de vie au Maroc est moins coûteux que celui en Hollande.
Quelle solution à ce dossier précis?
Il évolue aujourd’hui dans le cadre d’une commission bilatérale maroco-hollandaise. Le ministre en charge de la Communauté marocaine à l’étranger, questionné par la Commission, nous a informés qu’il y aura une rencontre avec la partie hollandaise pendant le mois de mai 2013 et qu’il y a un espoir d’arriver à un compromis avec les autorités hollandaises.
Qu’est-ce qui laisse supposer un possible compromis?
Nos concitoyens bénéficient d’avantages sociaux dans le cadre de la convention (1972) liant notre pays à la Hollande. Il y a donc priorité pour le respect de cette convention par rapport aux lois de chaque pays. Donc, la Hollande ne peut pas changer unilatéralement et sans concertation le contenu de cette convention.
Et si ces concertations n’aboutissaient pas?
Il y a alors possibilité, comme l’a fait la communauté Turque, de faire appel à la justice hollandaise, parce que c’est un acte qualifié de discriminatoire. C’est donc un cas de jurisprudence et la Turquie aurait obtenu gain de cause.
Est-ce que vous y travaillez?
Je dirais que cette voie n’est pas à écarter au cas où les discussions avec les autorités hollandaises n’aboutissent pas.
Combien de Marocains sont-ils concernés par ce dossier?
A peu près un millier de femmes marocaines veuves, en majorité hollandaises et un peu moins de 5.000 enfants orphelins.
Est-ce que les retraites sont concernées par cette décision de réduction de 40%?
Non, les pensions de retraite sont respectées dans leur intégrité. La décision porte sur une indemnité familiale spéciale accordée aux retraités selon les lois hollandaises.
Il y a un autre vieux dossier, celui des Anciens résistants et membres de l’Armée de libération.
Nous avons justement en projet la convocation du Haut-commissaire aux Anciens résistants pour débattre de la situation de ces citoyens marocains méritants. Le chef de gouvernement a donné son accord pour que le Haut-commissaire réponde prochainement devant la Commission aux questions posées.
Quel autre rôle de la Commission des affaires étrangères?
Sa participation à la diplomatie parallèle. En tant que président de la Commission, j’ai eu à représenter le Maroc au Parlement européen pour discuter de la situation au Sahel et au Sahara en présence de l’envoyé spécial des Nations Unies, M. Romano Prodi. Nous suivons également le dossier de nos provinces du sud. Nous avons insisté à Bruxelles sur l’urgence de régler ce problème qui perdure en mettant en exergue la justesse et la pertinence de la cause marocaine et la solution avant-gardiste proposée par le Maroc depuis 2007, à savoir l’octroi d’une autonomie élargie à nos provinces du sud.
Et pourtant, les parlementaires reprochent au gouvernement de ne pas les impliquer suffisamment dans la gestion de ce dossier.
Oui, parce que ce qui se passe aujourd’hui ne répond peut-être pas tout à fait aux besoins et au rôle du parlement marocain. Tout le monde est conscient de ce déficit du fait qu’il s’agit de dossiers appelés à être gérés en parfaite concertation et en coordination avec les différents intervenants. Au niveau du parlement, nous sommes disposés à jouer ce rôle et à nous impliquer davantage.
Est-ce que vous travaillez sur un agenda précis ou alors au gré des événements?
Je ne peux pas dire qu’il y a un agenda bien déterminé et fixé à l’avance, mais il y a des priorités comme, par exemple, le dossier de l’intégrité territoriale du Maroc qui est d’ailleurs la priorité des priorités sur la table de toutes les commissions.
Les adversaires de notre cause nationale usent à outrance du lobbying, particulièrement au sein de l’Union européenne. Qu’en est-il de la Commission des affaires étrangères que vous présidez et du parlement marocain en général?
Je pense qu’au niveau de notre parlement, il y a ce qu’on appelle les groupes d’amitié qui défendent l’intérêt des pays qui leur sont liés.
Au niveau du parlement européen?
A ce niveau-là, le parlement marocain joue son rôle.
Est-il bien introduit?
Je ne dirais pas qu’il est bien introduit, mais il y a nombre de gens qui sont acquis à la cause marocaine au sein du parlement européen. Il y a aussi d’autres eurodéputés qui exercent d’autres formes de lobbying qui sont contre les intérêts fondamentaux de notre pays et que nous essayons bien sûr de contrecarrer ou de les rapprocher de notre cause.
Est-ce que vous disposez d’une stratégie pour ce faire? Existe-t-il une réelle coordination et une concertation pour avoir un front commun?
Franchement, la coordination n’est pas encore au niveau des aspirations exprimées. Il faut le reconnaître.
Le règlement intérieur qui tarde à pointer du nez pourrait faciliter cette souhaitable coordination.
Le texte est actuellement en examen à la Chambre des représentants. Nous essayons de donner d’autres dimensions à l’action diplomatique du parlement et de la Commission des affaires étrangères. Il y a des propositions pour parvenir à un texte à la hauteur et se mettre au diapason de la nouvelle conjoncture, surtout au niveau de l’Europe où nous avons affaire à des lobbies structurés et surtout très rémunérés.
Etes-vous soutenus par la présidence du Conseil du parlement concernant ces approches?
Nous essayons, avec la présidence du Conseil du parlement, les membres du Bureau, les chefs de groupe, les différentes commissions, les groupes d’amitié, les commissions mixtes avec le parlement européen et le conseil de l’Europe à Strasbourg, de faire un travail diplomatique. Toutes les actions gagneraient à être mieux coordonnées pour assurer à notre action beaucoup plus d’efficacité.
Depuis le temps qu’on parle du règlement intérieur, qu’est-ce qui bloque à votre avis?
C’est un dossier qui est en phase finale. Il reste quelques mises au point à faire lors de la prochaine réunion du Bureau du parlement. C’est un outil de travail qui va nous permettre de clarifier un certain nombre de points.
Concrètement?
Les relations avec le gouvernement, les séances des questions mensuelles, la priorité à donner aux propositions de loi des parlementaires… Tout cela pour permettre au parlement, tout comme aux commissions parlementaires, de travailler dans un cadre juridique dont les contours seront bien définis.
En tant que président d’une commission très sensible, n’êtes-vous pas quelque part gêné par le phénomène des absences flagrantes?
L’absentéisme est un phénomène que la présidence du Conseil, appuyée par les chefs de groupe, essaie de traiter de façon à l’éradiquer.
De quelle manière, sachant que tout a été essayé, mais en vain?
Par différents procédés prévus par le règlement intérieur du parlement. Cet absentéisme se répercute, il faut l’avouer, sur le rendement des commissions. Mais quand il s’agit d’un débat sur des questions décisives, l’absence des parlementaires est quand même moins importante. C’est aussi une question d’attractivité et de pertinence des dossiers à traiter.
Rabat a récemment abrité la 31ème session des ministres des Affaires étrangères du Maghreb (UMA). Les ministres se sont séparés sans avoir décidé de la réouverture des frontières entre le Maroc et l’Algérie…
Il faut continuer à dialoguer, au lieu de la rupture, en attendant une meilleure compréhension de la part de nos voisins algériens. Le non Maghreb coûte cher en ces temps difficiles de crise économique qui touche tout le monde, y compris nos partenaires européens. Il y a même une perte de points et les défis de sécurité qui menacent la paix et la stabilité dans les régions du Maghreb et du Sahel. Dans ce contexte, les pays du Maghreb gagneraient à s’activer pour une meilleure gestion de leurs conflits.
Les événements de Laâyoune seraient-ils commandités de l’étranger?
Je pense, comme l’a dit devant les parlementaires le ministre de l’Intérieur, Mohand Laenser, que ces événements étaient attendus après les revers diplomatiques subis par nos adversaires. Il s’agit de réactions pour lesquelles le Maroc s’était préparé. Je crois qu’avec beaucoup de doigté, le génie marocain arrivera à dépasser cette situation. Nous en avons vu d’autres et en avons triomphé assurément. Nous comptons pour cela sur nos compatriotes des provinces du sud et les Chioukhs des tribus qui ont un rôle très importants à jouer, comme la jeunesse, le tissu associatif et l’ensemble de la société civile.
Ne pensez-vous pas que les parlementaires, les partis politiques aussi, doivent se déplacer pour faire un travail de terrain?
J’estime que tout doit se faire pour sauvegarder la souveraineté marocaine sur ses territoires avec tout ce que cela implique comme sacrifices.
Au sein du Mouvement Populaire (MP), il y a encore des voix qui estiment que le Parti a été lésé, volet postes ministériels, au regard de son poids électoral.
C’est une question qui a été soulevée lors des concertations pour la formation de ce gouvernement.
Et qui continue?
Il faut le reconnaître, mais avec peut-être moins d’acuité. Mais le MP est là pour défendre les grandes causes nationales. Le nombre des portefeuilles n’est pas forcément son souci ou sa préoccupation majeure. Même en dehors du gouvernement, il a toujours soutenu le cabinet sur place, avec comme priorité l’intérêt national, loin de tout esprit strictement électoral ou ministériel.
Mohand Laenser, secrétaire général du Mouvement Populaire, est aussi ministre de l’Intérieur, un poste très sensible. Le parti a-t-il gagné ou perdu en ayant cette responsabilité?
Le Maroc a connu une grande évolution. Nous sommes prêts à payer le prix qu’il faut. Et c’est un honneur pour notre parti que notre premier secrétaire assume cette responsabilité, car c’est la première fois qu’un dirigeant de parti politique a le privilège et l’honneur d’assumer le rôle de ministre de l’Intérieur.
On commence à parler d’élections au sein du Mouvement Populaire et on se bouscule au portillon pour postuler au poste de SG du parti. Etes-vous tenté par ce poste?
C’est en 2014 que le Conseil national du MP sera convoqué pour élire un nouveau secrétaire général du parti. C’est une affaire qui sera débattue l’année prochaine. A mon sens et vu les courants qui traversent actuellement le parti, je pense qu’il y a nécessité à ce que Si Laenser rempile.
Que dit le règlement intérieur du parti? Est-ce qu’il permet à M. Laenser de briguer un autre mandat?
Il y a certes le règlement, mais le congrès national est maître de la situation. Il est souverain. D’ailleurs, nombre de militants et de responsables politiques notoires au niveau du Mouvement Populaire souhaitent que Laenser continue de diriger le parti au-delà de 2014.
Faudra-t-il modifier le règlement?
Rien n’empêchera le congrès national d’introduire les modalités qu’il faut pour permettre à Laenser de briguer un nouveau mandat. Nous ne serons pas le premier parti à le faire.
Il faut prendre en compte l’avis de la Jeunesse Harakie. Elle n’est peut-être pas entièrement acquise au maintien du statu quo…
La Jeunesse Harakie va tenir son congrès prochainement. Il y a certes des divergences pour ce qui est de l’âge limite (de la jeunesse): 35 ans pour les uns, plus bas pour d’autres. C’est un débat qui va être mené par les instances de la Chabiba Harakie qui arrivera certainement à un compromis. Le Bureau politique est là pour assurer l’arbitrage.
Certains préfèrent se référer au modèle de la liste nationale?
Justement, il y a cette tendance qui propose de s’inspirer de ce qui a été fait concernant la liste nationale au niveau du parlement marocain. Un autre courant souhaite ramener l’âge à moins de 30 ans. Je pense d’ailleurs que c’est l’orientation la plus appropriée: on n’est plus jeune après 30 ans (rires)!
Et la guerre médiatique au sein des différentes composantes de la majorité par médias interposés?
C’est un fait qui est là; une situation regrettable que nous souhaitons voir dépassée. Une polémique «don-quichottienne» qui s’installe et qui n’intéresse nullement les citoyens. Nous avons d’autres problèmes plus sérieux à affronter et nous n’avons pas de temps à perdre dans des débats stériles.