En réservant un acceuil officiel à un criminel de guerre, Kaiss Saïed a commis l’impardonnable
Lancée en 1993 par le gouvernement du Japon, la Conférence Internationale de Tokyo sur le Développement de l’Afrique (TICAD) se réunissait tous les cinq ans. Depuis 2016, ce conclave se tient tous les trois ans, à tour de rôle au Japon et en Afrique… Sans scandale.
Cette année (2022), c’est la Tunisie qui a été choisie pour abriter la 8ème édition de la TICAD, les 27 et 28 août. Seulement, Kaîss Saïed en a «décidé» autrement, ôtant ainsi tout son sens à ce conclave qui s’assigne comme objectif, depuis bientôt trente-ans, le raffermissement du partenariat afro-japonais.
Le dérapage de trop du président Saïed
Vendredi 26 août 2022, dans une grande mascarade sur le tarmac de l’aéroport de Tunis-Carthage, le dénommé Brahim Ghali descend d’un avion battant pavillon algérien mais transportant la délégation du Burundi, puis remonte, le temps pour Kaîss Saïed, qui est au pied de l’appareil, de recevoir cette délégation, puis redescend une seconde fois, pour être reçu officiellement en tant que chef de délégation. Le président tunisien réserve alors un accueil officiel au chef des milices séparatistes du Polisario avec tout le protocole qui va avec… Y compris s’entretenir en tête-à-tête avec Ghali, Alias Ben Battouche, au salon d’honneur de l’aérodrome. Cette provocation délibérée de la part du président tunisien, a suscité l’ire du Maroc. Il y a là de quoi être en colère, dans la mesure où la démarche du Président Saïed constitue une atteinte aux mœurs diplomatiques. La volonté manifeste de la présidence tunisienne, de montrer son hostilité à l’égard du Royaume et de ses intérêts suprêmes n’est pas restée lettre morte. En effet, Rabat a fermement réagi à l’attitude inamicale du Président Saïed. Attitude qui, il faut bien le souligner, porte préjudice aux relations entre le Maroc et la Tunisie.
Le Maroc réagit fermement
Le 26 août 2022, soit le jour même de l’accueil du Chef des miliciens du Polisario sur le sol tunisien, par le Président Kaiss Saïed, le ministère des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger a annoncé le rappel immédiat de l’Ambassadeur de Sa Majesté le Roi à Tunis (Hassan Tariq), pour consultation. Par la voie d’un communiqué officiel, Rabat a également fait part de sa décision de ne pas prendre part au huitième Sommet de la TICAD. Bien qu’étant dans son droit de défendre ses intérêts supérieurs de la manière qu’il juge adéquate, le Maroc a tenu à éclaircir sa position. Rabat a ainsi expliqué que la Tunisie, contre l’avis du Japon (pays co-organisateur de la Conférence Internationale de Tokyo sur le Développement de l’Afrique aux côtés notamment de la Tunisie et de la Commission de l’Union Africaine), est contraire aux règles établies et au processus de préparation de cet événement. Dans ce sens, la diplomatie marocaine a souligné que c’est la présidence tunisienne qui a décidé, de manière unilatérale, d’inviter le chef de l’entité séparatiste (Polisario). Mettant l’accent sur le caractère grave et inédit que revêt cette attitude, le MAE a rappelé que Tunis a récemment multiplié les positions et actes négatifs à l’égard du Maroc. Il convient de rappeler dans ce cadre, l’abstention de la Tunisie lors de la séance de vote de la résolution 2602 du Conseil de sécurité de l’ONU (octobre 2021) sur le Sahara. Faisant le distinguo entre le peuple et le régime tunisiens, le Maroc a précisé que les décisions qu’il a prises suite à l’accueil officiel auquel a eu droit le chef des milices du Polisario par le président tunisien (rappel pour consultation, de l’Ambassadeur du Maroc à Tunis et l’annulation de la participation du Royaume aux travaux de la TICAD 8), ne remettent en rien l’attachement du Royaume aux intérêts de l’Afrique, ni de son action que ce soit au sein de l’UA ou de la TICAD. Pour le Maroc, ces événements «n’affectent en rien les liens forts et intacts entre les peuples marocain et tunisien, unis par une histoire commune et un destin partagé».
Tunis enfonce le clou
Au lieu d’admettre son erreur ou au moins tenter l’apaisement avec Rabat, Tunis a opté pour l’escalade diplomatique. Dans une posture de fuite en avant, le ministère tunisien des Affaires étrangères s’est fendu d’un communiqué dans lequel il a tenté de justifier l’injustifiable. Dans un communiqué daté du 27 août 2022, la Tunisie a exprimé son «(…) étonnement face à ce qui a été déclaré dans le communiqué du Royaume du Maroc». Evoquant «un préjudice inacceptable contre la République tunisienne et une mésinterprétation concernant la participation (du Polisario) au Sommet» de la TICAD, la diplomatie tunisienne a soutenu que «l’Union Africaine, dans un premier temps, en tant que participant majeur à la TICAD 8, a fait circuler un mémorandum invitant tous les membres de l’Union Africaine». Dans un deuxième temps, la Tunisie a indiqué que le président de la Commission de l’UA (Moussa Faki Mahamat, ndlr) a adressé une invitation individuelle directe au Polisario, affirmant avoir «respecté les procédures d’organisation liées au Sommet, conformément aux références juridiques africaines relatives à l’organisation des sommets, des conférences et des réunions de partenariat». Vraiment?
Rabat replace les choses dans leur contexte
La réponse de Rabat aux approximations tunisiennes ne s’est pas fait attendre. Le ministère des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger a répondu point par point, aux justifications de Tunis au sujet de l’invitation du Chef des milices séparatistes à la TICAD-2022 et la prétendue position de neutralité du pouvoir tunisien par rapport au dossier du Sahara.
Estimant que le communiqué des Affaires étrangères tunisiennes en date 27 août 2022, a tenté «de justifier a posteriori l’acte hostile et profondément inamical commis par les autorités tunisiennes à l’égard de la cause nationale première et des intérêts supérieurs du Maroc», la diplomatie marocaine a relevé que les justifications tunisiennes contenues dans ledit communiqué, sont truffées d’approximations et de contrevérités, lesquelles au final, n’ont fait qu’approfondir l’ambiguïté de la position tunisienne au lieu de les lever. Comme indiqué par le département de Nasser Bourita, la TICAD «ne constitue pas une réunion de l’Union Africaine, mais un cadre de partenariat entre le Japon et les pays africains avec lesquels il entretient des relations diplomatiques». Voilà qui contredit l’explication apportée par la diplomatie tunisienne qui a tenté de refiler la patate chaude au Président en exercice de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat. Et le MAE marocain de poursuivre: «La TICAD fait, ainsi, partie des partenariats africains, comme il en existe avec la Chine, l’Inde, la Russie, la Turquie, ou encore les Etats-Unis, et qui ne sont ouverts qu’aux Etats africains reconnus par le partenaire. En conséquence, les règles de l’Union Africaine et son cadre de travail, que le Maroc respecte entièrement, ne s’appliquent pas en l’occurrence».
Concernant la question des pays participants au 8ème Sommet de la TICAD, le ministère des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, n’a pas manqué de rappeler que la participation à la Conférence Internationale de Tokyo sur le Développement de l’Afrique avait été réglée par un consensus unanime. Ce consensus prévoyait une invitation cosignée par le Premier ministre japonais et le Président tunisien «sans laquelle aucune délégation ne sera autorisée à participer à la TICAD 8, sachant que 50 invitations ont été envoyées aux pays africains ayant des relations diplomatiques avec le Japon». Par ailleurs, rappelle la diplomatie marocaine, le Japon a émis le 19 août 2022, une note verbale officielle, excluant explicitement le Polisario de la liste des invités audit Sommet. «La Tunisie n’avait donc pas le droit d’établir un processus d’invitation unilatérale, parallèle et spécifique à l’entité séparatiste, contre la volonté explicite du partenaire japonais», a souligné la diplomatie marocaine.
Au sujet de l’argument de «neutralité», dans le dossier du Sahara, présenté par la Tunisie, le Maroc a rappelé que «l’abstention surprenante et inexpliquée de la Tunisie lors de l’adoption de la résolution 2602 du Conseil de Sécurité, en octobre 2022, jette un doute sérieux et légitime sur son soutien au processus politique et aux résolutions des Nations-Unies. Justifiée par l’accueil des invités de la Tunisie sur un pied d’égalité, la réception en grande pompe réservée par Kaïs Saïed à Brahim Ghali suscite la «grande surprise» de la diplomatie marocaine puisque la Tunisie et son peuple ne reconnaissent pas la pseudo «rasd». Par conséquent, l’accueil officiel dont a bénéficié le chef des milices séparatistes, témoigne d’un acte d’hostilité aussi flagrant que gratuit, et qui n’a rien à voir avec la tradition d’hospitalité tunisienne qui, en tout état de cause, ne peut en aucun cas s’appliquer aux ennemis des frères et amis qui ont toujours été aux côtés de la Tunisie dans les moments difficiles, conclut la diplomatie marocaine.
En déroulant le tapis rouge à Brahim Ghali, Kaîss Saïed a franchi le Rubicon. Cet acte hostile et prémédité aura de lourdes conséquences sur les relations entre les deux pays. D’autant plus que le régime de Kaiss Saïed a été publiquement mis au banc des accusés par la quasi-totalité des pays participants au huitième Sommet de la TICAD.
M. Lourhzal
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Invitation du Polisario à la TICAD 8
Kaiss Saïed désavoué par le Japon
Le Japon a exprimé son refus catégorique de la participation du Polisario à la huitième Conférence Internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD), tenue les 27 et 28 août 2022 à Tunis.
Lors des délibérations de la première session plénière de la TICAD 8, la délégation japonaise a réaffirmé que «la TICAD est un forum de discussion sur le développement en Afrique» et que «la présence de toute entité, qui n’est pas reconnue par le Japon en tant qu’Etat souverain, lors des réunions liées à cette Conférence internationale, y compris la réunion des hauts fonctionnaires et la réunion au sommet, n’affecte pas la position du Japon concernant le statut de cette entité». Le Japon avait convenu avec la Tunisie que la participation aux travaux de la TICAD-2022 serait limitée aux pays ayant reçu une invitation signée à la fois par le Premier ministre japonais et le Président tunisien.
Le Japon, l’avait bien spécifié dans une note verbale officielle datant du 19 août 2022, dans laquelle il a clairement affirmé que cette invitation signée conjointement «est la seule sans laquelle aucune délégation ne sera autorisée à participer à la TICAD-8». Sur cette base, une invitation a été adressée à 50 pays africains entretenant des relations diplomatiques avec le Japon, et par conséquent, la Tunisie n’avait pas le droit d’édicter une procédure d’envoi d’invitations unilatérale, parallèle et spécifique à l’entité séparatiste, en contradiction avec la volonté franche de Tokyo, qui rappelons-le, ne reconnait pas la pseudo «rasd». Le ministre japonais des Affaires étrangères Yoshimasa Hayashi a d’ailleurs réitéré la position de son pays qui ne reconnaît pas le Sahara comme Etat, exprimant son regret de l’absence du Maroc lors de la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD 8). Dans un communiqué publié le 2 septembre 2022 par le ministère japonais des Affaires étrangères, à l’issue des entretiens en visionférence avec son homologue marocain Nasser Bourita, le Chef de la diplomatie japonaise a souligné que la position du Japon ne reconnaissant pas le Sahara comme Etat, demeure inchangée et a été clairement exprimée lors du huitième sommet de la TICAD qui s’est tenu les 26 et 27 août 2022, en Tunisie. Yoshimasa Hayashi a, en outre, exprimé son regret de ne pas voir le Maroc participer à la TICAD.