Michel Aoun a quitté dimanche le palais présidentiel à la veille de l’expiration de son mandat, sans successeur désigné en raison des divisions politiques, contestant même au Premier ministre démissionnaire le droit de diriger le Liban en plein effondrement économique.
Acclamé par des milliers de partisans rassemblés aux abords du palais de Baabda sur les hauteurs de Beyrouth, Michel Aoun a annoncé dans un discours avoir signé un décret acceptant la démission du gouvernement, ce qui risque d’aggraver l’impasse politique.
« Ce matin, j’ai signé le décret considérant le gouvernement démissionnaire », a dit le président, devant des partisans venus l’escorter jusqu’à sa résidence privée, brandissant ses portraits et des drapeaux du Courant Patriotique Libre (CPL, allié au Hezbollah) qu’il a fondé.
La décision du chef de l’Etat, un chrétien maronite selon le partage de pouvoir communautaire dans ce pays multiconfessionnel, intervient alors que ses divergences avec le Premier ministre, un musulman sunnite, empêchent la formation d’un nouveau gouvernement qui se fait attendre depuis les législatives du printemps dernier.
Le Premier ministre Najib Mikati, un milliardaire, avait démissionné à l’issue des législatives et avait été de nouveau choisi par les députés pour former un gouvernement.
Selon les experts, la décision du président Aoun n’aura pas de véritable impact.
« Ce qu’a fait Aoun est sans précédent » depuis que le Liban a adopté sa Constitution en 1926, a déclaré à l’AFP Wissam Laham, un constitutionnaliste.
« La loi stipule qu’un gouvernement démissionnaire reste en place jusqu’à ce qu’un nouveau cabinet soit formé », a-t-il expliqué, estimant que le décret n’a « aucun sens ».
– « Sans valeur » –
Le Premier ministre a d’ailleurs réagi en estimant que le décret signé par le président était « sans aucune valeur constitutionnelle », et assuré que son gouvernement « continuait à expédier les affaires courantes ».
Le mandat de six ans de Michel Aoun s’achève à minuit lundi sans que les députés soient parvenus à élire son successeur en raison de leurs divisions politiques.
Le Parlement s’est réuni en vain, à quatre reprises depuis un mois, pour élire un président: ni le camp du Hezbollah musulman chiite, le puissant mouvement armé qui domine la vie politique au Liban, ni celui de ses opposants ne disposant d’une claire majorité pour imposer un candidat.
Le mandat du chef de l’Etat a été marqué par l’effondrement économique, une explosion qui a ravagé Beyrouth et un soulèvement populaire inédit.
Mais le CPL garde une assise populaire au sein de la communauté chrétienne, dont il se dispute le leadership avec le parti des Forces Libanaises de Samir Geagea.
« Nous sommes venus escorter le président à la fin de son mandat, pour lui dire que nous sommes avec lui et que nous poursuivrons la lutte à ses côtés », a affirmé Joumana Nahed, une institutrice.
Des dizaines de partisans de l’ancien commandant en chef de l’armée, qu’ils surnomment « général », pour beaucoup habillés en orange, couleur du CPL, ont passé la nuit dans des tentes aux abords du palais présidentiel.
Parmi eux, Nabil Rahbani, 59 ans, raconte qu’il avait déjà campé aux abords du palais présidentiel une première fois « entre 1989 et 1990, avant que l’aviation syrienne déloge le général du palais de Baabda ».
A la fin de la guerre civile, des milliers de partisans de Michel Aoun, alors chef d’un gouvernement de militaires et qui refusait de remettre le pouvoir à un président élu, avaient campé aux abords du palais pour le soutenir, avant qu’il en soit délogé par une opération militaire syrienne en octobre 1990.
LR/AFP