M’hamed Grine, membre du conseil de la présidence du Parti du Progrès et du Socialisme
Le PPS appelle à la sagesse et à la clairvoyance et à mettre les intérêts du pays au-dessus de tout. Il regrette le niveau auquel est descendu le débat politique.
Quelle est la position du PPS, suite à la décision du Parti de l’Istiqlal de se retirer du gouvernement?
Tout d’abord, il est indéniable que chaque parti est libre de choisir d’être au gouvernement ou en dehors de celui-ci. Cela relève de sa souveraineté en tant que parti politique. Un parti appartenant à la majorité est en droit de demander qu’il y ait un remaniement ministériel. Parallèlement à cela, tous les autres partis de la majorité sont en droit de choisir le bon moment pour ce remaniement. Mais la majorité ne va pas se plier, à chaque fois, au fait qu’un parti désire faire un remaniement. Il faut que les choses se fassent dans le cadre d’un débat. Le Maroc a trois grands défis à relever, dont le parachèvement de l’unité territoriale. Nous sommes à l’image d’un marathonien qui, depuis 1975, a parcouru 40 km et il lui suffit de terminer le dernier tour dans le stade. En ce même moment, avec la situation très sensible qui existe chez notre voisine, l’Algérie, il y a toujours une frénésie. Le Maroc doit donc être vigilant et très soudé. En plus, la situation économique de notre pays est très difficile, suite à la crise économique mondiale. Les difficultés de notre budget, le régime des retraites, les réformes de la Caisse de compensation et celles fiscales, tout cela nécessite de conjuguer les efforts. Le troisième élément, essentiel pour nous, concerne la stabilité du pays et la sérénité sociale. Nous devons tous agir pour amener la sécurité dans notre champ politique. Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas de différence ou de critiques des uns et des autres.
Quelle est la réaction du PPS suite aux attaques de Chabat?
Nous ne pouvons que regretter la manière avec laquelle les choses se sont passées. Nous appelons à l’esprit de sagesse et de clairvoyance et à mettre les intérêts du pays au-dessus de toutes autres considérations. On ne peut que regretter le niveau auquel est descendu le débat politique. Cela ne fera que discréditer encore plus les partis politiques auprès de l’opinion publique. La nature des propos dénote d’une violence symbolique verbale. Cette banalisation de la violence verbale dans le discours politique est très préjudiciable pour nos jeunes. Il faut que notre élite politique fasse attention à cela.
Quels sont les scénarios qui peuvent se présenter, suite à cette crise politique?
Il faut faire fonctionner les mécanismes constitutionnels tout en ayant présent à l’esprit l’intérêt du pays. Tout dépend de la nature de ce remaniement et de ce que doit être le résultat d’un débat pour aboutir à un consensus. L’article 47 de la constitution concerne la démission des ministres: on constate leur démission et on cherche une autre majorité. Là, c’est tant mieux puisqu’on arrive à une majorité. L’autre possibilité, c’est l’organisation d’élections anticipées. La constitution de 2011 donne la possibilité aussi bien au Roi qu’au chef du gouvernement de dissoudre le parlement et d’organiser de nouvelles élections. Mais si on fait de nouvelles élections, on aura une loi de Finances 2014 comme celle de 2012, c’est-à-dire sans contenu. Et les élections donneront la même configuration actuelle et peuvent même renfoncer la majorité. Les conséquences seront néfastes pour l’économie nationale. Le Maroc ne peut se permettre ce luxe.
Envisagez-vous un gouvernement sans le PPS?
Si le PPS est dans la majorité gouvernementale, ce n’est pas pour des raisons arithmétiques, mais pour une logique politique. Le PPS, parti de la gauche, est essentiel pour l’actuel gouvernement. C’est un gage pour l’opinion publique nationale et internationale, surtout en ce qui concerne le respect des droits de l’Homme. Ce parti a accepté d’être dans le gouvernement malgré l’opposition des militants et des militantes. La décision n’était pas facile à prendre. Il y a eu des échanges et, par conséquent, des conditions ont été imposées quant à sa participation au sein de ce gouvernement, à savoir la constitution de la charte de la majorité, le respect des droits de l’Homme et un programme gouvernemental que ce gouvernement doit veiller à réaliser. Le PPS a veillé à exercer une réelle influence au sein du gouvernement. Cette logique est toujours là. On jouera notre rôle jusqu’au bout. Si ce gouvernement n’arrive pas à travailler normalement suite aux perturbations, ce sont les Marocains qui seront sanctionnés, parce que rien de ce qui a été décidé dans le programme d’action gouvernemental ne sera concrétisé.