Au Maroc, le gouvernement est formé de plusieurs partis politiques, dans le cadre d’une coalition. C’est le multipartisme. Ce système politique, choisi par le Royaume, barre la route aux partis qui voient d’un mauvais œil la prise de décisions de façon collégiale.
Par définition, le multipartisme permet à plus de deux formations politiques de participer aux élections. C’est un des fondements de la démocratie représentative.
Au Maroc, le multipartisme fait que le parti politique arrivé en tête des élections, actuellement le PJD, doit former la majorité en mettant en place une coalition avec les autres partenaires politiques, tout en se basant sur le résultat des urnes. Contrairement au Royaume qui prône le multipartisme, d’autres pays ont plutôt penché vers le bipartisme, lequel se manifeste en général par la présence d’un parti de droite et un autre de gauche ou de deux partis ayant des programmes différents.
Au Maroc, le multipartisme ne fait pas l’unanimité
En effet, au Maroc, le multipartisme ne plaît pas à tout le monde. Plusieurs membres du Parti de la Justice et du Développement (PJD) estiment que ce système est un frein au bon fonctionnement du gouvernement. Ils soulignent que, dans le Royaume, il est parfois source de discorde entre les partis politiques formant la majorité, notamment en ce qui concerne la mise en place des programmes gouvernementaux.
Pour éviter qu’un tel scénario ne se reproduise, le nouveau chef de gouvernement, Saâd-Eddine El Othmani, a annoncé, au lendemain de la fin des négociations pour la formation du gouvernement, la création d’une commission dédiée à la préparation du programme gouvernemental, synonyme de feuille de route pour le nouvel Exécutif. Malgré la création de cette commission, des conflits entre les parties prenantes à l’élaboration de ce programme persistent. En effet, chaque parti politique de la majorité veut faire appliquer sa propre vision, ce qui crée des dissonances que le chef de gouvernement a à gérer avec tact et habilité. C’est d’ailleurs cette divergence d’opinions qui a fait que l’ancien chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane, se retrouve, en 2013, lâché par son principal allié politique et membre du gouvernement Benkirane I, le Parti de l’Istiqlal. A l’époque, l’Exécutif n’était formé que de 4 partis politiques, en plus du PJD. Aujourd’hui, que dire d’un gouvernement de cinq partis politiques, outre le parti du chef de gouvernement? Décidément, la mission d’El Othmani ne sera vraiment pas de tout repos et il le sait pertinemment.
Gouvernement ingérable?
Le 25 mars 2017, Saâd-Eddine El Othmani a annoncé la structure de sa majorité lors d’une conférence de presse tenue au siège du parti à Rabat. Ainsi, l’Exécutif comprend outre le Parti de la Justice et du Développement (PJD), le Rassemblement national des indépendants (RNI), l’Union Constitutionnelle (UC), le Mouvement Populaire (MP), l’Union Socialiste des Forces Populaires (USFP) et le Parti du Progrès et du Socialisme (PPS). De l’avis des spécialistes en questions politiques, El Othmani devra faire preuve de beaucoup de tact en traitant avec les cinq partis politiques formant avec le PJD le gouvernement. Les mêmes sources ajoutent que son prédécesseur, Abdelilah Benkirane, n’avait que 3 formations politiques à gérer en plus de la sienne. Et pourtant, soulignent-ils, il avait beaucoup de difficultés à convaincre ses partenaires politiques de ce qu’il n’avait cessé de qualifier de «bien-fondé des réformes douloureuses et impopulaires», depuis sa prise de fonction en 2012.
Les discordances au sein du PJD
Ce qui n’arrange pas les choses et rend encore plus difficile la mission du nouveau chef de gouvernement, c’est le mouvement de protestation qui a éclaté à l’intérieur du PJD. Parmi les voix qui sont montées au créneau, pour exprimer leur désolidarisation avec El Othmani, figurent Abdelali Hamiddine et Amina Maelainine. Ces deux membres du Conseil national du parti islamiste ont publié, pas plus tard que le mardi 4 avril 2017, des commentaires acerbes sur les réseaux sociaux. Selon Maelainine, la composition du gouvernement d’El Othmani et la distribution des portefeuilles ministériels ont été «dictées par des personnes influentes au sein de l’Etat». Hamiddine estime, lui, qu’il est nécessaire de garder une grande distance avec ce nouveau gouvernement qui, selon lui, ne traduit pas les résultats du 7 octobre 2016, ni la volonté des électeurs.
Dans un pays de libre expression, chacun exprime son opinion, laquelle doit être argumentée. Le gouvernement d’El Othmani a été dénié par certains avant même sa naissance. D’autres estiment que l’Exécutif, sous la direction de Saâd-Eddine El Othmani, aura du pain sur la planche et devra prendre à bras le corps plusieurs chantiers économiques importants, tant au niveau national qu’à celui international. Traditionnellement, dans les pays démocratiques, les gouvernements disposent d’un délai de grâce de 100 jours, avant d’être taxés de sérieux ou pas. Attendons donc voir…
Mohcine Lourhzal
Vers la tenue d’une session extraordinaire du CN du PJD Plusieurs membres du PJD ont demandé la tenue d’une session extraordinaire du Conseil national du parti. Ils estiment que Saâd-Eddine El Othmani, en sa qualité de nouveau chef de gouvernement, a fait trop de concessions et qu’il n’a pas informé le Secrétariat général du parti de toutes les étapes qui ont précédé la formation de la majorité.