Les organisateurs de Mawazine n’auraient jamais espéré une pub aussi importante à ce festival. Outre les spots TV, les affiches, les flyers, ce sont les stars invitées qui ont créé le Buz. En témoignent d’ailleurs toutes les réactions qui ont suivi la sortie de la chanteuse britannique, Jessie-J.
Jessie-J pensait en effet qu’au Maroc, il faisait tout le temps très chaud! Elle s’est donc permis de se montrer en culotte courte -très courte!- et un haut transparent… Et alors? Après tout, c’est une artiste qui, de surcroît, est venue donner un concert dans un pays qui croit à la liberté; un pays renommé pour la pluralité de sa culture et son respect de la liberté de choix de chacun. En somme, un pays ouvert sur les autres cultures et les autres civilisations! Une tenue d’ailleurs qui est l’«accoutrement» de scène habituel de cette artiste qui en a quand même rendu heureux, le temps de son concert, plus d’un. Non pas grâce à sa «tenue», mais plutôt à sa vivacité, son dynamisme, sa voix ou encore son chant qui préconise l’amour, la paix, l’entente, etc.
Et la polémique prend cours
Scandalisés, ahuris ou vexés, beaucoup se sont élevés contre le festival -déjà au départ, on s’y attaquait-, croyant que le gouvernement actuel, à référentiel islamique, n’allait pas admettre qu’une telle «aberration» puisse avoir lieu alors qu’il est au pouvoir! Eh bien, voilà que ce gouvernement et le principal parti qui est à sa tête (et qui a d’ailleurs toujours contesté, voire protesté contre Mawazine à travers les sorties de certains Bouanou, Aftati et autres) ont tourné le dos. Ils ont fait mine de rien et tout est bien dans le meilleur des mondes! C’est sage comme attitude, puisque ce parti est déjà trop vu et une sortie contre Mawazine ou contre l’une des stars invitées aurait servi d’arme à ceux de ses frères-ennemis
qui sont aux aguets.
Pour le festival, le PJD au pouvoir aurait trompé tous ceux qui y croient et se serait éloigné de son référent islamique et de son éthique. Et contre, il aurait été traité d’obscurantiste et de destructeur des valeurs d’une société voulue moderne et civilisée… Là, il y a vraiment eu un silence d’or. Or, si ces gens-là se sont tus, d’autres n’ont pas suivi l’exemple. Il a fallu que Jessie-J monte sur scène pour que la guerre commence. «C’est honteux!». «C’est scandaleux!». «Ça détruit nos valeurs et nuit considérablement à notre religion!»… «Hada mounkar!». Et le fait de se dresser contre la liberté de milliers, voire de millions de citoyens (si on compte aussi ceux qui suivent à la télé), n’est-il pas le pire des «mounkar» qui puissent exister?
Des citoyens en quête d’un simple moment de bonheur, le temps d’un spectacle, puisque leur vie devient de plus en plus difficile à cause de l’incontournable légèreté des opposants, des conservateurs et de certains décideurs desquels ils attendaient énormément de choses, mais n’ont rien eu. Ces mêmes citoyens qui, aujourd’hui, crient haut et fort que la culture et l’art ont «triomphé» et qu’au lieu de s’ingénier à trouver les bons mots du dictionnaire arabe pour qualifier le comportement et la tenue de Jessie-J, il valait mieux travailler à mettre sur pied des programmes et des projets qui feraient évoluer et développeraient davantage le pays.
Critiquer, c’est facile, mais c’est drôle parce qu’en fait, ceux qui critiquent ont bien vu! Pourquoi donc ont-ils été sur place? Un commentaire lu sur la toile, exprime bien toute l’hypocrisie de cette attitude: «Pour quelle raison sommes-nous allés assister à son spectacle? (Le concert de Jessie-J, Ndlr). Est-ce-que pour profiter de son art ou bien pour zyeuter ses formes? Pour une fois, soyons honnêtes et sincères»…
Mawazine n’y est pour rien
L’honnêteté et la sincérité, voilà ce qui manque le plus! On se cache derrière de faux arguments et on se base sur la religion comme force d’action. Mais on oublie que cette même religion est celle de l’ouverture sur l’autre, de la tolérance et du dialogue. C’est ce même dialogue que Mawazine ouvre via son ouverture sur le monde… Un fervent «fqih», salafite de son état et jusque-là très respecté, est allé même jusqu’à «maudire» Jessie-J et la télé (marocaine) qui a transmis son concert! Mais, monsieur, ce n’est pas avec des prêches sur «la malédiction» et «la torture dans la tombe» qui attendent les mécréants que l’on maintiendra la stabilité du pays! Une stabilité qui fait que des investisseurs lui font confiance. Ce n’est pas non plus avec cela qu’on fera la promotion du pays à l’étranger et qu’on encouragera les exportations, le tourisme et la diplomatie… Enfin, ce n’est pas parce que Jessie-J s’est montrée de la sorte que le Maroc a cessé d’être un pays musulman. Sinon, au vu des corps et des silhouettes de centaines de femmes marocaines (et musulmanes, n’en déplaise aux fqihs et contestataires de la dernière heure), en été, sur nos plages, partout au Maroc, le pays aurait perdu son identité et son référentiel religieux, depuis la nuit des temps, si l’on prenait cela comme argument.
Et pourtant, Mawazine se tient, persiste et signe. Il en est même à sa 12ème édition. Et chaque année, c’est pareil. Il y a eu Elton John, puis Shakira, fervemment critiqués aussi. Et cette fois, c’est Jessie-J. Et encore l’année prochaine, il y aura certainement quelqu’un(e) d’autre…
Le Festival ne sert que de monture à ceux qui ont des comptes à régler avec le gouvernement, avec un quelconque parti ou avec d’autres. Il n’y est donc pour rien et c’est pour cela qu’il va de succès en succès. Une réussite que de telles polémiques rendent le Festival «légendaire», malgré les critiques d’une minorité qui devrait plutôt demander pardon à toutes ces foules qui se ruent vers les scènes et qui, sans doute, «remercient» Jessie-J pour leur avoir permis de montrer que le Maroc se porte très bien et que c’est un pays ouvert, moderne et démocratique. Un pays où l’art et la culture peuvent encore triompher. Et c’est là toute sa grandeur!