Comment s’expliquent ces vents de désaffection, voire de rejet, qui soufflent de plus en plus fort sur la France, sous la présidence d’Emmanuel Macron ?
Ces vents, en provenance de Rabat, d’Alger et de plusieurs capitales d’Afrique subsaharienne, qui menacent ce qu’il reste à la France de puissance «post-Françafrique», à l’heure où dans le continent comme ailleurs les cartes géopolitiques sont rebattues, pourront-ils être stoppés ?
Notamment, par les méthodes auxquelles recourt Paris actuellement ?
La réponse est évidente.
La France, selon ce que tous les observateurs constatent actuellement, joue ses plus mauvaises cartes.
Évacuons le cas de l’Algérie. Ses relations avec la France ont toujours été tumultueuses. En cause, le dossier mémoriel devenu «rente mémorielle», comme l’a qualifié le Président Macron, en octobre 2021, dans son unique attaque frontale contre le Régime algérien. Mais pas que… Les relations «privilégiées» (bien qu’entrecoupées de crises) de Paris avec Rabat et le non-appui français aux thèses séparatistes du Polisario et d’Alger dans le dossier du Sahara, ne pouvaient qu’exacerber la rage du Régime algérien contre l’ex-métropole.
Alger, la carte de l’échec
Ce qui change aujourd’hui, c’est que l’actuel Président français, Emmanuel Macron, qui a cru qu’il lui serait facile d’ouvrir une nouvelle page avec le Pouvoir algérien –et qui a fait pour cela plus qu’ont pu faire tous ses prédécesseurs- réalise que le rapprochement avec ce Régime ne tient qu’à un fil ténu, tant les relations avec la junte militaire algérienne (le Général Changriha vient d’être reçu en France en Grande pompe) et de son Gouvernement civil adoubé (le Président Tebboune devait effectuer une visite officielle à Paris en mai prochain) sont de l’ordre de l’aléatoire, voire de l’irrationnel…
La violente réaction d’Alger dans l’affaire de la militante algérienne Amira Bouraoui, arrivée en Tunisie où elle a fui son pays, d’où elle a été «exfiltrée» en direction de la France avec l’aide des services consulaires français, est certes un échec diplomatique de plus pour le Président Macron, qui en essuie plusieurs en ce moment. Mais cet échec-là, s’il risque d’avoir un coût (gros nuages sur les accords en cours de vente d’armes et de gaz) n’est ni le plus surprenant, ni le plus inquiétant.
Certes, le gaz est un sujet préoccupant pour la France qui, comme tous les pays européens subit l’impact de la guerre en Ukraine et le boycott du gaz russe, mais le vent de rébellion qui souffle contre la France en Afrique, est bien plus inquiétant pour Paris.
L’Afrique, gros enjeux, mauvaises cartes
Ce sont tous les accords de la «Françafrique»,auxquels sont encore tenues aujourd’hui les anciennes colonies françaises (14 États africains !) et qui accordent à la France des monopoles et avantages commerciaux, monétaires, financierset autre militaires, qui sont en jeu…
Des monopoles et avantages qui, s’ils étaient perdus, ébranleraient sérieusement l’économie française, laquelle a déjà reculé au 7ème rang mondial économique (du fait de la concurrence chinoise). Sans compter la perte d’influence dans la zone historiquement réservée à la France.
Or, la récente gestion par Paris des relations avec le Mali, ou encore le Burkina Faso, ne semble pas avoir pris la mesure des dégâts qu’entraînerait la poursuite de cette politique française du bras de fer, qui ne fait plus peur aux partenaires africains…
Un «Même pas peur» largement partagé, en effet… Les États africains secouent, l’un après l’autre, le statuquo. Non pas parce que tel dirigeant parmi eux incite, par l’exemple qu’il donne de son pays, à dépasser les monopoles ; et qu’il faut donc tomber à bras raccourcis sur ce pays (ce qui arrive au Maroc).
Mais, tout simplement,parce que le statuquo est bousculé par l’évolution du monde et les cartes géopolitiques rebattues dans le continent africain comme ailleurs. Ceci, d’une part.
Et d’autre part, parce qu’au-delà des Africains eux-mêmes, toutes les grandes Puissances ont pris conscience de l’intérêt que présentent les richesses et les potentialités de l’Afrique et sont donc entrées en compétition.
Les États-Unis, la Chine, la Russie… Tous sont intéressés par les territoires africains, le sous-sol africain, le marché africain… De plus, même si leurs objectifs géostratégiques et commerciaux sont les mêmes que ceux de la France, leurs procédés diffèrent.
Les vieilles méthodes coloniales, faites d’arrogance, de quasi-chantage, de coups bas et/ou de fait du Prince, sont évitées.
Si donc la France perd aujourd’hui du terrain et qu’elle risque d’en perdre encore, c’est parce qu’elle n’a pas renoncé à ces «vieilles méthodes coloniales», qui sont autant de mauvaises cartes dans le monde d’aujourd’hui.
Qu’un ministre français (Jean-Yves Le Drian pour ne pas le nommer) tance le Mali pour ses nouveaux dirigeants arrivés au Pouvoir par la force,fustigeant leur illégitimité,tandis que son Président –Emmanuel Macron en personne- se déplace au Tchad pour applaudir la prise de pouvoir du fils du Président Déby au lendemain du décès de son père… Et la France perd sa crédibilité en même temps qu’elle perd le Mali !
La bonne «carte» aurait été de respecter l’intelligence de l’Afrique et de laisser l’Union Africaine, la CEDEAO et les Peuples concernés, en décider dans les deux cas, sans cette démonstration anachronique de tutelle aux gros sabots.
La carte que tente de jouer la France à l’UA, en interférant dans les élections au sein de cette organisation, dissuadant le Kenya de maintenir sa candidature à la vice-Présidence (qui conduit automatiquement à la Présidence l’année suivante) au profit des Comores qui assurent depuis cette semaine la Présidence, lui sera-t-elle utile ? Au profit de qui et au détriment de qui ? Sachant qu’entre Les Comores et la France demeure le problème de l’île de Mayotte que les Comoriens demandent aux Français de leur restituer.
Une chose est sûre, la France doit user d’autres moyens, plus respectueux des États, Dirigeants et Peuples africains, dans ses rapports avec eux, si elle ne veut pas être totalement évincée par ses concurrents…
Ce n’est pas la voie que la France d’Emmanuel Macron emprunte aujourd’hui dans ses relations avec le Maroc.
Le Maroc, les plus mauvaises cartes
Dans ses rapports avec le Maroc, la France d’Emmanuel Macron était pourtant bien partie. Les relations semblaient promises à de beaux développements.
Que s’est-il passé pour qu’on en arrive aujourd’hui à un jeu français des pires qui soit ?
Si l’on écoute bien ce que glissent entre deux phrases les officiels français qui ont eu à s’exprimer sur les relations avec le Maroc (la dernière en date est la ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna, lors de sa visite à Rabat), on relève toujours cette accusation qui ne dit pas son nom d’un Maroc qui aurait oublié que la France a été le premier État à soutenir le Royaume dans l’affaire du Sahara. Les officiels n’en disent pas plus, mais il est clair que le fait que le Maroc se soit tourné vers les États-Unis et Israël, en signant les accords d’Abraham préparés dans le plus grand secret, n’a pas été du goût de Paris qui en serait presque à accuser Rabat de trahison. Que l’Espagne et l’Allemagne aient appuyés plus clairement la proposition marocaine de solution du problème du Sahara et que le Maroc réclame à la France un positionnement plus net, elle qui a toutes les preuves que le Sahara –aussi bien occidental qu’oriental- est marocain, n’est pas davantage apprécié…
A ces premiers reproches qui sont les plus clairs, le Maroc ne donne pas de réponse autre que la réaffirmation de ses positions. Dans son Discours du 20 août 2022, le Roi a clairement exprimé la première: «Le dossier du Sahara est le prisme à travers lequel le Maroc considère son environnement international», a dit SM Mohammed VI.
Quant à la diversification de ses relations, le Maroc la met en pratique et ne reconnaît à quelque partenaire que ce soit le droit de lui demander des comptes à ce sujet.
Dans les milieux politico-médiatiques, où Paris a déclenché une colère qui ne baisse pas d’intensité à ce jour, on entend systématiquement reprocher à la France d’oublier, elle, que si elle a longtemps soutenu la proposition marocaine, elle a aussi longtemps profité d’un partenariat commercial exceptionnel, avant de se laisser distancer par l’Espagne et qu’aujourd’hui encore, elle est le 2ème partenaire commercial du Maroc.
Mais dans ces mêmes milieux politico-médiatiques marocains, il y a d’autres raisons à cette salve de tentatives de déstabilisation du Maroc qui sont allées crescendo… Depuis la pseudo-affaire Pegasus où tous les médias publics français ont participé au lynchage du Maroc, accusé d’espionnage (même les États-Unis qui avaient été accusés en 2021, eux la plus grande Puissance démocratique, d’espionner les dirigeants européens dont Angela Merkel, n’avaient pas connu un tel tapage), jusqu’aux résolutions du Parlement européen où le Groupe du Président Macron a dirigé la Bronca contre le Maroc… En passant par tout ce que les médias et leurs commanditaires ont pu mettre en œuvre pour discréditer le Maroc et porter atteinte à ses symboles (comme l’avait recommandé un récent rapport français dont l’existence avait pourtant été niée).
Les autres raisons dont sont convaincus les politiques et intellectuels marocains sont nombreuses. L’une des plus importantes est le Soft Power du Maroc en Afrique, dont la France estime qu’il touche à ses intérêts.
Certaines personnalités françaises l’ont dit clairement sur les réseaux sociaux. Selon certaines sources, le fait que le Maroc devienne une puissance régionale, qui s’impose de plus en plus, au Maghreb comme en Afrique, dérange au plus haut point.
Cela, le Maroc ne l’ignore pas. Chaque fois qu’il a eu maille à partir avec un pays européen, des rapports ont fusé dans ces pays pour recommander d’affaiblir le Royaume.
Mais la France est la dernière dont une telle posture pouvait être attendue.
Mauvaises cartes sur toute la ligne, répète-t-on au Maroc, y compris au Parlement qui avait réuni ses deux Chambres, il y a deux semaines, en réaction à la résolution du Parlement européen du 19 janvier (2023). «Le Maroc ne pliera jamais sous la pression et le chantage. Le Maroc poursuivra ses efforts pour la réalisation de ses objectifs», ont martelé tous les intervenants.
Toutes les accusations sont démontées, une à une.
Les avocats du Maroc l’ont fait pour l’affaire Pagasus. Le reste est en cours…
Et les relations diversifiées poursuivent leur chemin. La collaboration politique, économique, sécuritaire et militaire, entre le Maroc est ses partenaires reste loin de ces attaques.
Si la France voulait jouer les bonnes cartes, elle aurait sa place dans ce faisceau de collaborations, avec le privilège de l’ancienneté… Aussi bien dans ses relations avec le Maroc, qu’avec les autres pays de l’Afrique. Il n’y a qu’avec Alger qu’on ne peut jurer de rien.
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Affaire Pegasus
La CNDP décide d’auditionner tous les experts nationaux et internationaux
La Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel (CNDP) a indiqué, mardi 21 février (2023), avoir «décidé d’auditionner tous les experts techniques, nationaux et internationaux, disposés à présenter et à partager leurs analyses et conclusions» au sujet des allégations techniques non prouvées de Citizen Lab, Amnesty International et Forbidden Stories.
La CNDP précise qu’elle instruit le sujet de ces allégations techniques non prouvées depuis son communiqué du 4 août 2021.
«Les différents acteurs maniant depuis plusieurs mois des faits supposés, sans fournir de preuves, la CNDP a décidé d’auditionner tous les experts techniques, nationaux et internationaux, disposés à présenter et partager leurs analyses et conclusions, dès lors que celles-ci s’appuient sur des méthodologies rationnelles et des faits avérés», souligne la Commission.
A ce titre, la CNDP annonce qu’elle accueille, cette semaine, Jonathan Scott, auteur du rapport «Exonerating Morocco – disproving the Spyware», publié le 18 février 2023, ajoutant qu’un certain nombre de réunions sont prévues en présentiel pour traiter plusieurs questions.
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Maroc-USA Abdellatif Hammouchi reçoit le directeur du FBI
Le directeur général de la Sûreté nationale et de la Surveillance du territoire, Abdellatif Hammouchi a reçu, mardi 21 février à Rabat, Christopher Wray, directeur du Bureau d’Investigation Fédéral américain, qui effectue une visite de travail au Maroc à la tête d’une délégation de haut niveau, indique un communiqué de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST).
Cette visite de travail est la deuxième du genre dans le cadre du programme d’action commun entre les deux parties, après une première visite effectuée par le directeur général de la Sûreté nationale et de la Surveillance du territoire aux Etats-Unis d’Amérique en juin 2022, durant laquelle il a rencontré la directrice des services de renseignements américains, le président de l’agence centrale du renseignement et le directeur du Bureau d’Investigation Fédéral, précise la même source.
«Cette nouvelle rencontre a été l’occasion pour les deux parties de passer en revue les relations de coopération bilatérale distinguées entre, d’une part, la direction générale de la sûreté nationale et la direction générale de la Surveillance du territoire et, d’autre part, le Bureau d’Investigation Fédéral américain, et d’échanger au sujet des menaces émergentes et des défis sécuritaires se rapportant aux divers phénomènes liés à la criminalité transnationale».