Loubna, 29 ans, cadre dans une entreprise, est mariée et a un enfant. Vivre aux côtés d’un mari ayant des dérives sexuelles est un supplice pour cette femme.Voici son récit.
«Et dire que c’est par un amour et par une complicité d’exception que nous nous sommes unis. Surtout que, pour tous les deux, d’innombrables relations s’étaient soldées par de cuisants échecs. En ce qui me concerne, j’avais accumulé des tonnes de déceptions, ne laissant plus la place à un seul atome d’illusion. Gavée jusqu’à ne plus pouvoir avoir de relations miséreuses, faussement qualifiées de relations amoureuses. Mais il a fallu que je le rencontre, lui. C’est énigmatique, j’en conviens, mais nous avons été frappés par le coup du «c’est en n’y croyant plus que l’incroyable finit par se déclarer», ou que la loi du «mektoub» (l’écrit) existe. Il en avait été de même pour mon mari ou, du moins, c’est ce que ses confidences m’avaient affirmé. Il faut reconnaître tout de même qu’«écrit ou pas écrit», ce qui avait facilité les choses entre nous à bien des égards, c’est notre promiscuité sur les lieux du travail. Hélas, que ne donnerais-je maintenant pour en être débarrassée! Elle m’est insupportable, c’est un véritable calvaire! Me cacher sous terre, c’est ça que je souhaiterai.
Tout avait été si merveilleux, pourtant… Mon mari est un homme qui ne se laisse intimider par personne. Viril, aimant, très protecteur, il a été dès le départ prêt à tous les combats pour m’imposer à sa famille. Ainsi qu’à de nombreuses connaissances qui n’avaient cessé de lui colporter des persiflages à mon sujet. Malheur à qui pouvait se permettre une parole ou un geste déplacés à mon encontre. Il n’attendait pas pour les corriger sur le champ. Je me sentais à l’abri de toute ingérence dans ce petit nid douillet qu’il m’avait offert. Je ne l’en aimais que plus intensément. Et puis, les décisions dans notre couple, c’est lui qui les a toujours prises. J’étais consentante à mille pour cent de lui abandonner ce rôle de chef. Depuis le début, je n’ai pour ainsi dire jamais eu à m’occuper que de mon job, de notre amour et, par la suite, de notre enfant. Je ne me suis jamais fait de souci pour quoi que ce soit, mon mari s’occupant vraiment de tout. En cette période, loin d’être inquiétée de ce futur lugubre qui m’attendait, je jubilais de satisfaction en mon for intérieur. Quel soulagement que de ne pas être celle qui porte la culotte! Parce que, honnêtement, j’avais peur d’intégrer un de ces quatre la communauté de celles qui pleurent la virilité des hommes qui finissent par se décharger sur elles de toutes les obligations. Sachant que sept femmes sur dix, aujourd’hui, déplorent cette nouvelle vague d’hommes démissionnaires de leurs responsabilités dans le couple, ne recherchant ou ne se liant qu’avec des associées-mères ayant boulot, maison, voiture et héritage. Très heureuse de mon sort, confiante, je n’ai pas hésité à m’engager dans les sentiers de la maternité. Mon cœur m’avait alors joué un sacré tour. Il m’indiquait à tout bout de champ que mon mari méritait d’être papa. Ce dernier en rêvait, il n’arrêtait pas: «Mon fils, je l’inscrirai à ceci, ma fille, je lui apprendrai cela». Je fus portée aux nues, depuis que la nouvelle était tombée, jusqu’à mon accouchement. On peut dire que j’ai été une maman vraiment gâtée. Le problème qui allait surgir dans notre vie de couple n’avait rien à voir avec tous les hauts et les bas que le commun des mortels mariés connaissait. Pour moi, le notre est abject, un point, c’est tout!
Un soir, après m’avoir aidée à mettre notre bébé au lit et, une fois installés dans notre intimité, j’ai perçu mon mari comme un étranger. D’homme bourru et au caractère bien trempé, il s’appliquait à mimer une gestuelle d’une extrême féminité. Au départ, j’avais beaucoup ri, surtout lorsqu’il avait saisi mes petits dessous, puis ma nuisette, pour les porter et qu’ils ne lui allaient pas. Il me supplia aussi de le maquiller et de le pomponner. Je croyais qu’il désirait tout simplement me divertir. Mais ce petit manège s’est reproduit à peu près tous les soirs. Il ne s’agissait donc aucunement de jeu, mais de dérives. Je l’ai compris une fois qu’il s’était affublé d’une perruque, de dessous féminins en cuir et cloutés à sa taille, sortis de je ne sais où et qu’il m’a demandé de l’attacher à l’anse de la porte, puis de le fouetter. J’ai alors complètement disjoncté. Ecœurée, exaspérée, j’en ai vomi mes tripes. Il tenta de me rassurer en affirmant que lui ne voyait aucun mal à se livrer à des jeux érotiques pour briser la routine. Il avait vu cela dans des vidéos sur le net et ça lui plaisait beaucoup. Par ailleurs, il ne comprenait pas mon manque d’ouverture d’esprit et mon comportement. Ensuite, il m’avoua avoir déniché son attirail chez un vendeur de fripes du marché qui en avait de toutes sortes et qu’il comptait m’y emmener faire un tour.
Il pouvait me bassiner avec ce qu’il voulait, l’inacceptable me trottait déjà dans la tête et ne me quittait pas, tel un supplice chinois. Je continue de me poser en boucle ces questions. Qui est mon mari? Serait-il bisexuel, gay, sado maso ou les trois? Mon Dieu, avec qui en parler pour soulager ma torture? Est-ce seulement possible que quiconque sur cette planète en sache un traître mot ? Evidemment que non! Je me trouve dans l’obligation de protéger mon fils de futurs ragots dévastateurs. Depuis, j’évite, tel le diable, ce mari que je chérissais tant et c’est pour mon enfant que je suis le plus malheureuse. Je suis dans un environnement social qui ne pardonne pas ce genre de dérives. Je découvre d’ailleurs que, même moi, je ne le supporte pas. Est-ce dû à la société, à mon éducation, à mon caractère? Le fait est que, pour moi, rien ne va plus».
Mariem Bennani