Les «forts en thème» s’inquiètent de ce que ce gouvernement et son programme soient davantage à caractère technocratique que politique.
D’abord, ce n’est pas si sûr… Une coalition gouvernementale constituée de six partis politiques (PJD, RNI, MP, USFP, PPS, UC) et dirigée par un parti à référentiel islamiste (PJD), ne peut échapper à toute influence partisane. Et, donc, politique. Du reste, «l’emprunte PJD» a bel et bien été mise en avant par le chef de gouvernement, Saad Eddine El Othmani, dans sa déclaration de politique générale. Il n’a ainsi pas manqué, dans le préambule du programme gouvernemental, de rappeler que le Maroc, en sa qualité de pays musulman, restera attaché à ses fondamentaux religieux, évoquant le rôle des Oulémas dans le domaine de la «Daâwa, wa Al Irchad, wa Al Islah», celui des mosquées, etc.
Ensuite, à considérer que ce gouvernement ait opté pour une orientation technocratique, ce choix est aussi politique, dans la mesure où il permet la prééminence de l’action concrète sur l’idéologie et des objectifs chiffrés sur le tout-religieux. Et quand on sait quelles difficultés ont précédé la naissance de ce gouvernement, ce choix prend tout son sens… Politique !
Cela étant, trêve de querelles oiseuses, pour la majorité des Marocains, qu’il soit politique ou non, la vraie question est de savoir, non pas ce qu’est ce gouvernement, mais ce qu’il va faire, maintenant qu’il est là.
Car les Marocains ont souffert de 6 mois de quasi-vacance de l’exécutif, aucun ministre ne pouvant prendre de véritable décision depuis le 7 octobre dernier (date des élections législatives, à partir de laquelle les ministres sortant n’ont le droit de gérer que les affaires courantes, en attendant le vote de la Loi de Finances 2017).
Combien de secteurs, combien d’entreprises, combien de marchés, attendaient que les départements ministériels puissent prendre une décision salvatrice ?
Combien de projets ont pâti de cette longue attente ?
Le Maroc, encore sous le coup de la crise mondiale qui impactait son économie réelle avec quelques années de décalage, connaissait en plus 3 années consécutives de sécheresse –et donc, un PIB agricole et un PIB global en berne. C’est dans ce contexte que les 6 mois de vacances de l’exécutif sont intervenus, portant le coup de grâce à tous ceux qui souffraient déjà du ralentissement de l’économie et n’avaient aucun moyen de résilience…
Passée l’euphorie de la nomination, le vote du programme au parlement et la confirmation définitive de ce gouvernement, il faudra faire vite ! Car la crise gagne pernicieusement du terrain.
Il y a des entreprises qui ferment, des emplois qui se perdent (par conséquent, un taux de chômage qui grimpe), et de nombreux secteurs en détresse.
Le gouvernement… Les ministres, chacun dans son domaine de compétence, sauront-ils se mettre à l’écoute de tout ça ? Sauront-ils agir pour sauver ce qui peut encore l’être de l’exercice 2017 ?
Le pire est à craindre, sachant que la conjoncture ne se prête pas vraiment au coup d’accélérateur… Parce qu’après les débats au parlement pour l’approbation du programme gouvernemental, il y a ceux pour l’approbation de la Loi de Finances, puis le mois de Ramadan (où le mode ralenti est à son maximum), puis les congés d’été…
Il n’y a donc qu’un seul message à livrer à ce nouveau gouvernement et à chacun de ses 39 membres: «Attention. Crise rampante. Côte d’alerte atteinte. Aucune minute à perdre. Il faut répondre à la détresse des Marocains, personnes physiques et morales !».
Bahia Amrani