Sérieux et serein, le nouveau chef de la primature, Saâd-Eddine El Othmani, a présenté au Parlement sa feuille de route en cinq axes, pour son quinquennat. Un programme élaboré sous le signe de la continuité.
C’est au cours d’une séance plénière commune, dans un Hémicycle où beaucoup d’absences ont été constatées, que députés et conseillers se sont donné rendez-vous pour écouter le nouveau chef de gouvernement, Saâd-Eddine El Othmani, leur présenter le nouveau programme de l’Exécutif, retardé de près de six mois.
La continuité
D’ores et déjà, les réactions se suivent et ne se ressemblent pas. «C’est du réchauffé», nous a confié un député et homme d’affaires qui, sans enthousiasme débordant, s’est dit surpris par la présentation d’un programme gouvernemental qui est, a priori, une continuation du précédent gouvernement.
El Othmani se démarque de «Benki»
Du haut du perchoir, le nouveau chef de gouvernement veut se tailler un profil à lui. D’ores et déjà, il se démarque de son prédécesseur et chef de file de son parti, en l’occurrence Abdelilah Benkirane. Tout en rendant hommage à ce dernier, applaudi chaudement par ses frères du PJD, El Othmani, en psychiatre qui se respecte, a affiché un sérieux qui lui ferait sans doute dire: «Lui c’est lui, moi c’est moi».
L’humour de «Benki», nous ont confié députés et conseillers, a manqué. L’ancien chef de gouvernement savait créer une atmosphère décontractée et même ses détracteurs l’estimaient. La déception ne concerne pas uniquement le côté festif de Benkirane, mais aussi le fond du programme de l’Exécutif qui, selon des hommes d’affaires et des parlementaires, n’apporte rien de nouveau par rapport à l’ancien. El Othmani, obligé de montrer patte blanche, a promis de «naviguer» sur les traces de Benkirane, histoire de ménager et de rassurer les mécontents de son parti.
Un programme en 5 axes
La feuille de route ou programme du gouvernement, présenté par le nouveau chef de gouvernement, s’articule autour de cinq axes que l’Exécutif aura la tâche ardente de défendre, face à une opposition qui ne le ménagera pas et fera tout pour lui rendre la vie dure. Le Parti de l’Istiqlal, avec sa machine partisane, politique et syndicale bien rodée, se vengera d’avoir été écarté de l’actuelle formation gouvernementale. Le PAM en ce qui le concerne, aiguisera ses armes, en vue d’une probable participation au gouvernement, lors d’un éventuel remaniement ministériel, nous a confié un député de la famille PAMiste.
Soutien à l’option démocratique
Les cinq axes autour desquels s’articule le programme gouvernemental pour les cinq années à venir sont les suivants:
Le premier porte sur le soutien de l’option démocratique, les principes de l’Etat de droit et la consécration de la régionalisation avancée. Le deuxième concerne le renforcement des valeurs de la transparence, la réforme de l’administration et la consécration de la bonne gouvernance. Le troisième axe a trait au développement du modèle économique, à la promotion de l’emploi et au développement durable. Le quatrième concerne, quant à lui, le renforcement du développement humain et spatial. Enfin, le cinquième axe porte sur le renforcement du rayonnement international du Maroc, au service des causes justes dans le monde.
El Othmani veut convaincre
El Othmani, chiffres à l’appui, a voulu convaincre. Dans une conjoncture régionale et internationale qui n’est pas très convaincante, il ambitionne, à travers son programme gouvernemental, de réaliser une promesse, celle de réussir un taux de croissance économique entre 4,5 et 5,5%, en plus d’une maîtrise du déficit budgétaire à 3% du produit intérieur brut, à l’horizon 2021.
Réduire le taux d’endettement
Le programme du gouvernement se propose de réduire le taux d’endettement de la trésorerie à moins de 60% du PIB. Autre promesse, maintenir le taux d’inflation à moins de 2% et faire baisser le taux du chômage dans la limite de 8,5%. Pour ce faire, le programme propose un certain nombre de mesures, entre autres le renforcement de la compétitivité de l’économie nationale et la poursuite de l’amélioration du climat des affaires, afin de permettre au Maroc d’intégrer le cercle des 50 premières économies mondiales dans l’indice Doing Business à l’horizon 2021.
Réforme du statut bancaire
Et pour joindre l’action à la parole, le programme gouvernemental entend accélérer le rythme de la mise en œuvre du nouveau plan de réforme de l’investissement, plus particulièrement la mise en œuvre du système fiscal. Il prévoit également la mise en place d’un cadre financier spécifique pour les petites et moyennes entreprises industrielles et l’élaboration d’une stratégie nationale pour intégrer le secteur privé non structuré.
L’exécutif prévoit aussi l’accompagnement de 20.000 entreprises, dont 500 pionnières, ainsi que l’élaboration d’une stratégie nationale pour traiter et intégrer le secteur privé non structuré et accompagner le transfert de 100.000 entrepreneurs vers le secteur structuré. Il s’agit aussi de consolider la vision régionale du pôle financier et mettre en œuvre la réforme du statut bancaire.
Volet agriculture, le programme gouvernemental envisage de poursuivre la mise en œuvre du Plan Maroc Vert, de consolider la durabilité de l’agriculture solidaire, d’encourager les industries agro-alimentaires et de consolider le leadership marocain dans le domaine des phosphates. Il s’agit aussi d’adopter un plan national pour l’eau et de poursuivre le renforcement de l’infrastructure des équipements hydriques, en construisant 15 barrages à raison de 10 petits barrages par an, pour garantir l’eau potable au monde rural.
800.000 logements
Volet renforcement du développement humain, le gouvernement envisage de prendre les mesures qui s’imposent, la réalisation de 800.000 logements aux environs 2021 et d’encourager les logements économiques. Les jeunes ne sont pas laissés pour compte. En effet, le programme prévoit de mettre en place une politique volontariste et efficace destinée à cette frange de la société.
Gagner le vote de confiance
Les députés sont à pied d’œuvre pour décortiquer le programme gouvernemental et passer au vote de confiance. On s’attend à ce que le gouvernement dépasse haut la main cet obstacle. Les six partis politiques qui forment le gouvernement, avec près de 240 sièges à la première Chambre, sont confiants, estimant que l’investiture parlementaire est à portée de main et que le vote de confiance est acquis d’avance. L’Istiqlal, on s’en souvient, avait promis, par la voix alors autorisée de son Secrétaire général, Hamid Chabat, de soutenir le gouvernement, que le parti soit dans la majorité ou dans l’opposition. Il votera donc pour la majorité, ce qui fera en effet que l’investiture parlementaire soit à portée de main pour l’équipe d’El Othmani.
Mohammed Nafaa
Bonne gouvernance oblige : Nouveaux ministres, déclarez votre patrimoine ! A votre ordinateur, Messieurs les nouveaux ministres! Vous n’avez que 90 jours pour déclarer votre patrimoine et soumettre vos dossiers très précis à la Cour des comptes. L’article 159 de la Constitution énonce que toute personne élue ou désignée, assumant une charge publique, doit faire, conformément aux modalités fixées par la loi, une déclaration écrite des biens et actifs détenues par elle, dès la prise de ses fonctions, en cours d’activité et à la cessation de celle-ci. Bonne gouvernance oblige!