Al Hoceïma : L’Etat et la faute

Dans l’affaire des manifestations d’Al Hoceïma, l’Etat est clairement le 1er fautif. L’affaire remonte à octobre 2016, lorsque le marchand de poisson, Mohcine Fikri, est mort broyé par une benne à ordures, alors qu’il tentait de défendre sa marchandise achetée illégalement (espadon interdit de pêche en cette période) et saisie lors d’un contrôle. La 1ère contestation à Al Hoceïma avait eu lieu en solidarité avec ce poissonnier.

Comment donc, alors que le Roi –en déplacement en Afrique- avait immédiatement réagi en dépêchant une délégation ministérielle auprès de la famille de Fikri et de la population d’Al Hoceïma, le gouvernement a-t-il pu laisser ensuite cette affaire s’enliser à ce point ?

Comment, malgré les mouvements de contestation qui se sont exprimés SEPT MOIS DURANT, on a pu faire montre d’une telle négligence… Sinon, d’une telle lenteur… Ou bien d’une telle inconscience ?

Entre le moment où a éclaté la crise et aujourd’hui, le gouvernement a changé. Du moins, a-t-il changé quelques-unes de ses têtes… Oui. Mais, la majorité qui est aux commandes aujourd’hui a beau jeu de se laver les mains de toute responsabilité dans le pourrissement de la situation à Al Hoceïma, expliquant à qui veut bien la croire que les six mois de blocage qu’a connu la formation du nouveau gouvernement sont la cause du retard pris dans la mise en œuvre du Plan quinquennal de développement de la province d’Al-Hoceima «Al-Hoceima, Manarat Al Moutawassit»… Cela ne dédouane en rien l’Etat qui doit assurer une continuité des chantiers lancés. Notamment quand ces chantiers ont été lancés par le Roi, comme c’est le cas pour «Al-Hoceima, Manarat Al Moutawassit» ; et quand ils revêtent un caractère aussi sensible.

S’il est une leçon que les Etats, de par le monde, ont retenue des «Printemps arabes», c’est bien celle de prendre au sérieux une revendication populaire, dès qu’elle apparaît, si l’on ne veut pas la voir dégénérer et prendre des proportions incontrôlables.

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Avoir laissé la contestation d’Al Hoceïma s’enliser est une faute. Aujourd’hui, non seulement cette contestation a grossi et s’est trouvé un chef auto-proclamé, Nacer Zafzafi, qui a le profil idéal pour ruer dans les brancards (jeune, issu d’une famille proche de Abdelkrim El Khattabi, ambitieux…), mais en plus, le cahier des revendications a également grossi, dépassant les strictes doléances d’ordre socio-économique, pour englober des exigences de démilitarisation de la région et de dialogue direct avec le Roi ! Mieux encore, la contestation qui s’est aussi donné un nom «El Herrak» (la mouvance) a un planning d’actions qui, selon les déclarations de Zafzafi, doivent aller crescendo après le Ramadan, avec une «manifestation à un million de participants» prévue pour juillet, les MRE originaires de la région y étant d’ores et déjà sollicités…

Puisque c’est à l’Etat qu’incombe la faute de l’enlisement, c’est donc à l’Etat de faire aujourd’hui preuve de self-control. 

Il y a bien des voix qui s’élèvent, ici et là, pour appeler à la fermeté, voire au recours à la force, pour mettre un terme à l’intransigeance du «Herrak» et de son chef. De l’avis de tous les observateurs sensés, ce serait une erreur.

Certes, l’Etat est aujourd’hui piégé. Obtempérer devant toutes les doléances des contestataires d’Al Hoceïma, peut saper son autorité et ouvrir le champ à tous les mécontents des autres régions du Maroc qui seraient tentés de suivre leur exemple. Par ailleurs, choisir le bras de fer lui fait courir un risque d’embrasement général. Cependant, il existe une solution dans ce genre d’«affaires». C’est celle qui est utilisée dans les démocraties: la solution qui passe par la négociation. Il n’y en a pas d’autre qui garantisse à la fois l’autorité de l’Etat et le respect des droits du citoyen.

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Les ministres qui se sont rendus à Al Hoceïma ont parfois été mal accueillis. Normal. Après les promesses faites et les longs mois d’oubli qui les ont suivies, le fossé de méfiance est abyssal. Notamment dans cette région où les représentants de l’Etat autant que les élus ont tous échoué à gagner la confiance des habitants. L’Etat est donc appelé à faire preuve de self control, quelles que soient les provocations. D’autant qu’il a de bonnes cartes en main… Il y a les projets du Plan «Al-Hoceima, Manarat Al Moutawassit» dont l’enveloppe globale atteint près de 6,5 milliards de dirhams (MMDH), en plus du  programme portant sur la réduction des disparités territoriales auquel ont été affectés quelque 3,4 MMDH. Soit des projets d’un montant global s’élevant à près de 10 milliards de DH… Il faudra juste prouver que, non seulement cette fois-ci les promesses seront tenues, mais également que les retards (pris depuis 2015, date du lancement du Plan) seront rattrapés… 

Une chose est sûre, le nouveau gouvernement doit absolument retrousser ses manches et s’attaquer aux problèmes des citoyens marocains, dans tout le Maroc. Car la contestation ne se limite pas à Al Hoceïma, comme le montrent les autres cas que nous évoquons cette semaine (voir dossier).

La majorité qui a été élue l’a été pour ça. Et la patience de ceux qui souffrent est à bout.

Bahia Amrani

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Un commentaire

  1. Normal quand 2017, les riffiens (temsamane entre autres) n’ont pas d’eau potable à leurs dispositions ?

    Sans eaux, pas de culture pas d’ élevage ?!

    faire les aveugles c’est bien plus facile…

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