Maroc : Polémique autour de la hausse des prix à la pompe

Maroc : Polémique autour de la hausse des prix à la pompe

Est-ce une simple coïncidence ou bien cela s’inscrit-il dans l’ordre des choses? En mai dernier, le gouvernement a exprimé son intention de se pencher sur le dossier des prix à la pompe des carburants et a soupçonné les sociétés distributrices d’avoir constitué un cartel. Ces dernières sont sur le banc des accusés; il leur est reproché d’augmenter leurs marges et bénéfices et d’appliquer des prix élevés depuis la libéralisation du secteur en 2015.

En réponse aux critiques, les pétroliers ont avancé le fait que la fermeture de la raffinerie SAMIR a contribué à augmenter leurs charges. Depuis, le Maroc importe des produits raffinés. Le cours actuel du gasoil est d’environ 48 dollars le baril, sensiblement le même que l’essence. Ce sont les taxes qui font la différence pour le consommateur final: environ 3 dirhams le litre pour le gasoil et 4 dirhams pour l’essence.

Pour fixer le prix des carburants en vigueur pendant une quinzaine, les distributeurs s’appuient sur une formule de calcul composée à 95% de la moyenne des cotations internationales au niveau du CIF NWE Platts et du dollar. Après, il faut multiplier la moyenne des cotations par la moyenne du cours du dollar.

A noter que pour se prémunir contre les variations du dollar, certaines compagnies se couvrent. L’objectif étant de ne pas être pris de court en cas de forte hausse de la devise américaine, entre le moment de l’achat et du paiement qui intervient 30 jours après la livraison.

Depuis la suppression de la subvention, les prix des carburants sont libres et ce, dès décembre 2015. Ils sont en principe déterminés selon la structure des coûts de chaque société. Les compagnies pétrolières conseillent à leur réseau commercial des niveaux de prix pour rester compétitives, mais les distributeurs ne sont pas obligés de les appliquer au centime près. D’ailleurs, la loi sur la liberté des prix et de la concurrence interdit de fixer les prix sous peine d’être accusé d’entente. C’est la raison pour laquelle les consommateurs peuvent constater que les tarifs ne sont pas les mêmes à la pompe dans tous les points de vente, parfois d’une même compagnie pétrolière et à plus forte raison chez les concurrents.

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Abstraction faite du différentiel correspondant aux frais de transport, les prix des carburants varient selon les points de vente, la ville et l’emplacement. Lorsque l’on trouve plusieurs stations sur une même route, par exemple, elles se surveillent et tiennent compte des prix appliqués par les concurrents pour fixer leur tarif. Certaines stations-services appliquent parfois des prix inférieurs à ceux recommandés par les distributeurs.

Cette libéralisation constitue, en principe, une opportunité pour l’économie marocaine, car cela incite tous les acteurs économiques à rationaliser leurs comportements. Toutefois, l’analyse de la démarche du gouvernement Benkirane a révélé plusieurs lacunes qui ont  empêché les Marocains de profiter pleinement des bienfaits de cette libéralisation.

La TVA et la TIC (taxe sur la consommation interne) représentent 40,6% du coût de revient d’un litre de carburant. L’ancien gouvernement a profité du caractère incompressible de la demande sur les carburants pour maximiser ses recettes fiscales. Malheureusement, cela a rendu les prix rigides et a empêché le consommateur de profiter des bienfaits de la libéralisation des prix. Bienfaits qui sont, selon les distributeurs, amortis par la part fixe de la TVA et de la TIC. Selon eux, en l’absence d’une reforme de cette fiscalité des produits pétroliers, la libéralisation n’a pas donné son plein effet. Pour la simple raison que, lorsque le prix d’un litre de carburant dépend à 90% du cours du baril et des taxes, les distributeurs ont peu de marge pour faire jouer la concurrence par les prix. En gros, les marges bénéficiaires des pompistes varient entre 0,35 et 0,40 dirham le litre, que ce soit le gasoil ou l’essence.

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Il est alors indispensable que l’Etat relâche substantiellement sa pression fiscale, pour que les distributeurs aient plus de marge d’intervention et que les consommateurs puissent profiter du jeu de la concurrence en termes de pouvoir d’achat.

Certes, les distributeurs ont désormais la liberté de fixer le prix en fonction des frais engagés et de leur stratégie marketing. Mais il n’en demeure pas moins que les risques d’abus existent. Ainsi, le risque d’entente implicite ou explicite a pu faire augmenter le prix au détriment des consommateurs.

Certaines sources syndicales ont affirmé que les prix appliqués aujourd’hui sont supérieurs de plus d’un dirham par litre à ceux appliqués avant la libéralisation des prix des carburants. La différence est ainsi estimée à plus de 10 milliards de DH.

Le but est de lutter contre le risque d’abus de pouvoir, notamment les ententes sur les prix, mais aussi les monopoles de fait sur certains axes routiers. N’oublions pas non plus l’approvisionnement auprès du marché de la contrebande à bas prix, ou la réduction de la qualité dans certaines stations services, voire la création de points d’approvisionnement informels. Toutes ces questions seront-elles abordées par le ministre des Affaires générales, Lahcen Daoudi ? Une réunion avec les distributeurs devrait permettre d’y voir plus clair.

Sanaa Aaddaj Eloudghiri

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