La montée des forces conservatrices et le fâcheux résultat du scrutin 2011 ont acculé la gauche marocaine à l’opposition -un terrain privilégié- et à renforcer ses rangs dans un front de gauche. Reste à convaincre PPS, PSU, PADS et CNI qui n’ont dit ni «oui» ni «non».
La gauche marocaine reprend-elle du poil de la bête? C’est en tout cas ce qui ressort du message envoyé par les trois partis de gauche, l’Union Socialiste des Forces Populaires (USFP), le Parti Travailliste (PT) et le Parti Socialiste (PS), lesquels ont annoncé, lors du Forum de la MAP, leur détermination à édifier «un grand front de gauche unifié» (une préoccupation qui taraude les socialistes depuis longtemps). Il s’agit d’une fusion de ces trois partis après la réunion, cet été, de leurs congrès extraordinaires respectifs, en vue de dissoudre leurs instances (notamment pour le PT et le PS). L’agenda, semble-t-il, est déjà fixé. Le Parti Socialiste est ainsi au rendez-vous avec son Conseil national, le 16 juin, en préalable au congrès extraordinaire prévu fin juin.
Pour le Parti Travailliste, son secrétaire général, Abdelkrim Benatik, n’a pas caché sa satisfaction concernant la prédisposition des militants de son parti à réaliser ce «grand rêve» qu’est la fusion entre les frères dans le cadre d’«une nouvelle direction ouverte sur les autres partis politiques».
Pour sa part, le Premier secrétaire de l’USFP, Driss Lachgar, nouvellement élu à la tête du parti, a tenu à mettre les points sur les «i» pour dissiper toute équivoque. «L’union de la gauche n’est dirigée contre personne. Notre objectif est de créer un front de gauche», a-t-il dit. Pour ce, a rappelé le leader socialiste, des rencontres qualifiées de «marathoniennes» ont été tenues.
L’unité sous un angle différent
Pour ceux qui ont émis quelques doutes quant à la réussite de cette initiative, en faisant allusion à l’attitude des autres partis de la gauche, plus particulièrement le Parti d’Avant-garde Démocratique et Socialiste (PADS) et le Parti Socialiste Unifié (PSU), Driss Lachgar a voulu être clair et convaincant, précisant que si ces partis voient différemment l’unité, cela ne veut dire aucunement qu’ils tournent le dos à cette initiative d’union de la gauche. Et d’ajouter: «Nous restons ouverts à toutes les propositions pour réaliser l’unité», une manière de dire aux retardataires qu’ils pourront à tout moment sauter dans le train en marche et s’associer aux frères socialistes pour réaliser le grand rêve: un grand parti démocratique de gauche unifiée.
Signe d’entente, Abdelkrim Benatiq, secrétaire général du parti travailliste (PT) s’est empressé de préciser, pour donner plus de crédibilité à l’initiative de fusion, que «l’objectif est de réussir la fusion». Il répondait ainsi à ceux qui se posaient des questions sur les prochaines responsabilités que pourraient assumer les leaders des partis devant être dissous au sein des instances dirigeantes du grand frère l’USFP. «Un détail», allait dire Benatiq qui se voulait humble…
Préparer la fusion
Pour accélérer les démarches techniques destinées à mettre en œuvre l’union de la gauche, un «secrétaire tripartite» a été mis en place. Il a pour mission de préparer -tâche combien ardue!- les différentes phases de la fusion.
Le PPS, allié de l’USFP au sein de la Koutla, est l’un des partis de gauche à rester -pour le moment peut-être- en dehors de la fusion de la gauche en préparation, du fait qu’il participe à l’actuelle coalition gouvernementale. Là encore, Driss Lachgar a voulu être «subtile et démocratique», nous a confié un député de l’USFP, en laissant, comme pour le PADS, le PSU et le CNI (Congrès national Ittihadi), la porte ouverte et en assurant «respecter sa décision (du PPS) de faire partie du gouvernement» et donc des conservateurs, alors que l’USFP a fait le choix de revenir à l’opposition.
Lachgar n’a pas non plus raté l’occasion d’adresser un clin d’œil aux amis de Hamid Chabat, en l’occurrence du Parti de l’Istiqlal, autre allié fort au sein de la Koutla avec lequel, a-t-il a tenu à préciser, il a des affinités. Mais la politique a ses raisons…
Code des partis à l’appui
Le PT et le PS ont fait savoir qu’ils ont inscrit sur leur agenda la tenue prochaine, un mois au plus tard, de leurs congrès extraordinaires respectifs, lesquels devront, si tout se passe bien, déboucher sur la décision solennelle de fusionner avec l’USFP et, partant, de dissoudre leurs deux formations politiques. Pour l’USFP, son Premier secrétaire a fait savoir que l’Union ne prévoit pas de réunir un congrès national. En «homme de loi», il a évoqué le Code des partis et les obligations qu’il contient, en cas de décision de dissolution et/ou d’intégration. De ce fait, le projet d’intégration a seulement nécessité la réunion des institutions décisionnelles du parti de la rose.
Retour sur le boycott
Driss Lachgar n’a pas laissé passer l’occasion, qui lui était offerte devant un parterre de médias, pour revenir sur le boycott de l’opposition de la séance mensuelle de Benkirane à la Chambre des représentants et, du coup, critiquer sévèrement le gouvernement et sa majorité parlementaire. Il a regretté que la décision du boycott ait été prise avec retard, alors qu’elle devait l’être lors de la première séance mensuelle des questions au chef de gouvernement. Lachgar n’a pas non plus été tendre avec le Parlement, «le plus nul des précédents, y compris ceux des années de plomb».
Contrer la montée des conservateurs
Même si les dirigeants des trois partis du mouvement «ittihadi» (Lachgar, Benatiq et Laraki) n’ont pas fait allusion à la raison principale de cette initiative de créer un front de gauche, à savoir conjuguer leurs efforts pour contrer les forces conservatrices, il était clair que la montée des islamistes, plus particulièrement du PJD et du courant salafite, y était pour l’essentiel dans ce soubresaut socialiste. S’y ajoutait le score peu encourageant de la gauche au scrutin 2011 qui l’a acculé à l’opposition.