L’affaire du scandale des œufs contaminés par le Fipronil dans certains pays européens continue de défrayer la chronique. Pour des consuméristes marocains, le risque de trouver des contaminants dans certains lots d’œufs n’est pas exclu au Maroc. Explications.
Alors que des millions d’œufs ont été retirés de plusieurs chaines de grande distribution à travers différents pays d’Europe, suite à leur contamination par le Fipronil, un insecticide utilisé pour lutter contre les poux rouges chez la volaille, des voix consuméristes marocaines se disent très inquiètes. En effet, malgré le fait que l’ONSSA (Office National de sécurité sanitaire des produits alimentaire) ait diffusé, la semaine dernière, un communiqué dans lequel il tenait à rassurer l’opinion publique sur la qualité et la salubrité des œufs, en affirmant que «le royaume n’importe pas des œufs de consommation de ces pays, à l’exception des faibles quantités importées durant le Ramadan 2016 suite à l’apparition de l’influenza aviaire faiblement pathogène (H9N2)», des représentants de plusieurs associations de défense de consommateurs ont confié au «Reporter» qu’ils ne sont pas rassurés pour autant. Et pour cause, selon eux, «des produits, dont des œufs notamment, peuvent être introduits facilement au Maroc via des circuits clandestins». Dans une déclaration au «Reporter», le président de la Fédération marocaine des droits du consommateur, Bouazza Kherrati, pour ne citer que lui, n’exclut pas la présence des contaminants dans certains lots d’œufs de consommation. «Certes, on ne peut qu’être rassuré en faisant un listing de tout les produits qui sont commercialisés au Maroc d’une manière officielle. Ce listing prouve, en effet, que le Fipronil n’existe pas chez nous. Mais cela ne veut pas dire que cet insecticide ne peut pas être introduit via les frontières qui sont malheureusement poreuses pour certains produits de contrebande. Cette molécule ainsi que des œufs peuvent en effet être introduits, de manière clandestine, via le circuit de la contrebande, à travers notamment les frontières avec l’Algérie et la Mauritanie ainsi que via les deux enclaves: Ceuta et Melilla», explique Bouazza Kherrati, qui lance un cri d’alarme aux autorités marocaines, leur demandant de stopper l’hémorragie au niveau des frontières. Un problème, qui préoccupe, en tout cas, les responsables à l’Office. Contactés par «Le Reporter», un responsable à l’ONSSA –ayant requis l’anonymat- a tenu à préciser: «L’ONSSA n’est pas responsable du circuit clandestin et de tout ce qui n’apparait pas sur le circuit officiel. Tous les produits devant accéder au Maroc doivent normalement emprunter la voie officielle. Or, le fait qu’il y ait beaucoup d’intervenants dans ce secteur, cela complique les choses pour l’Office. C’est d’ailleurs l’occasion de demander à tous les départements d’assumer leurs responsabilités, notamment en matière de contrôle». Ce même responsable, qui se veut toutefois rassurant, souligne qu’avec une production annuelle de 5 milliards d’œufs, le Maroc n’a pas besoin aujourd’hui d’importer des œufs. «Même dans le circuit clandestin, je vois mal que des gens soient poussés à importer des œufs de l’étranger via le circuit de la contrebande, puisqu’il y a une surproduction», temporise-t-il.
A la fédération marocaine des droits du consommateur, on avance un autre argument. Son président assure que le problème qui se pose pour les œufs, c’est surtout au niveau de l’identification et de la traçabilité. «Si pour les viandes blanches et poisson, il y a un programme de surveillance du taux des substances existant dans ces produits, pour les œufs, ce programme fait défaut. Car il n’y a pas un système d’identification des œufs au Maroc. Et par conséquent, il n’y a pas de traçabilité pour ce produit de grande consommation. Aujourd’hui, il est nécessaire de mettre en place un système de traçabilité et de surveillance des résidus pour les œufs. Car, si demain, on découvre sur le marché national des œufs contaminés, on ne saura jamais d’où ils proviennent», déplore Bouazza Kherrati. A l’ONSSA, on affirme que le système d’identification est actuellement adopté au Maroc. Mais notre source à l’Office reconnaît que ce système n’est pas encore généralisé. «Chaque producteur d’œufs doit normalement avoir des autorisations de conditionnements (étiquetage, etc.). Malheureusement, il y a une grande anarchie dans le secteur. Car certains producteurs ne respectent pas la loi», confie le même responsable.
Autres préoccupations…
A la fédération, poursuit-il, «ce qui nous préoccupe aussi dans cette affaire de contamination d’œufs dans certains pays européens, c’est que le problème du Fipronil date déjà de 2014. Cette année, le problème s’est posé en juin. Or, les mesures de prévention n’ont été prises qu’au début de ce mois d’août. Il y a eu donc un mois de silence radio sur cette affaire». Pour les consuméristes, des interrogations restent posées. Quel circuit prenaient alors les œufs provenant de l’Europe ? Des œufs de contrebandiers auraient-ils été livrés pendant ce mois de silence radio ? Une chose est sûre. Pendant tout ce temps, prévient-on, des pays comme la Hollande ou encore la Belgique, pays les plus touchés par cette affaire de frelatage d’œufs à l’insecticide, ont continué d’exporter des œufs à d’autres pays du monde. La prudence devrait donc être de mise. Notons que le scandale des œufs contaminés a débuté en Belgique et aux Pays-Bas, avant de s’étendre –depuis vendredi 11 août, à plusieurs autres pays européens, qui ont lancé préventivement la chasse dans les supermarchés à plusieurs millions d’œufs suspectés de contenir des traces de Fipronil.
Cette molécule, notons-le, prohibée dans le traitement des animaux destinés à la chaîne alimentaire, est considérée comme «modérément toxique» pour l’homme par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Naîma Cherii