Scandale des moutons pourris : La faute à ce que mangent les bêtes

Scandale des moutons pourris : La faute à ce que mangent les bêtes

L’alimentation du bétail est-elle à l’origine du scandale de la putréfaction des viandes, au lendemain de l’Aïd Al-Adha 2017?

Pour des défenseurs des consommateurs et des vétérinaires -contactés par «Le Reporter»-, visiblement, la réponse à cette question est oui. Ils considèrent que les explications données par l’ONSSA, dans un communiqué rendu public la semaine dernière, ne sont pas convaincantes. Plus, ces mêmes voix -sous couvert d’anonymat- accusent les autorités sanitaires d’occulter la vérité. «Nous cache-t-on la vérité sur cette affaire?», s’interrogent-elles. Et d’ajouter: «Les explications de l’Office sont incompréhensibles. Ce ne sont pas des cas isolés. En témoignent d’ailleurs les cas de putréfaction des carcasses qui sont nombreux cette année. Et ce, 24 heures seulement après avoir dépecé le mouton et avoir congelé la viande. Les autorités sanitaires ont donc le devoir de lever le voile sur cette affaire».

Ces mêmes sources, qui s’étonnent que cette affaire n’ait pas été révélée par l’établissement chargé du contrôle des produits alimentaires lui-même -mais par les réseaux sociaux!-, n’y vont pas par quatre chemins. «La couleur verdâtre constatée sur certaines carcasses et l’odeur nauséabonde qui s’en dégageait ne pourraient pas être dues au ‘‘non-respect des règles d’hygiène pendant l’abattage et lors de la congélation’’, comme l’indiquent les autorités sanitaires dans un communiqué», estiment-elles. Wadii Madih, membre de la Fédération nationale des associations des consommateurs et président de l’Association Uniconso, ne manque pas d’arguments. «A Casablanca, toutes les plaintes parvenues à la Fédération -nous en avons reçu 182 durant la journée du 5 septembre-, affirment qu’il ne peut nullement s’agir de manque de propreté durant le sacrifice ou de congélation après l’abattage», affirme-t-il.

Dans un questionnaire établi par cette Fédération, pour collecter des données sur ce «scandale», toutes les familles «victimes» assurent avoir abattu leur mouton dans le respect total des conditions hygiéniques, comme les années précédentes, selon Wadii Madih. Pour celui-ci, qui se dit très inquiet, la piste de «non-respect des règles hygiéniques» est donc écartée. «Le mystère des affaires de la putréfaction des viandes de l’Aïd Al-Adha est loin d’être éclairci. En tant que défenseurs de consommateurs, nous voulons connaître la vérité. Comment peut-on dire que ce sont les conditions hygiéniques durant l’abattage et durant la congélation qui ont conduit au scandale de la pourriture avancée des viandes de l’Aïd, alors qu’une enquête est toujours en cours et que les analyses ayant été lancées pour expliquer le changement de la couleur de certaines carcasses et de leur putréfaction ne sont pas encore finalisées?», tient à souligner le président de l’Association Uniconso. Celui-ci se veut encore plus alarmant. «Les Marocains doivent savoir tout sur cette affaire. Car il y va de leur sécurité sanitaire. Pour l’ONSSA, la couleur verdâtre de la carcasse serait le symptôme de la prolifération de certaines bactéries, en raison de la température élevée. Admettons que c’est effectivement une explication du phénomène de la ‘‘putréfaction’’. Dans ce cas, le danger pour la santé des citoyens n’est pas écarté pour autant», soulève Wadii Madih. Car, explique-t-il, «si propagation de bactéries il y a réellement, les Marocains doivent le savoir pour prendre des précautions».

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Les citoyens ayant consommé cette viande «putréfiée» peuvent-ils être contaminés par ces bactéries? Quelles sont les mesures à prendre dans ce cas? Pour l’heure, ces questions et d’autres restent en suspens. Pour notre interlocuteur, pour qui le scandale de la dégradation avancée des viandes n’a rien de nouveau, même si le phénomène semble prendre de l’ampleur cette année et en attendant que le mystère soit levé sur cette affaire, «la méfiance et la prudence face à ce problème doivent rester de mise». Car le problème pourrait être lié à l’alimentation du bétail et à l’usage de matières interdites, pour l’engraissement des bêtes, comme nous l’ont assuré des vétérinaires.

Naîma Cherii

Les explications de l’ONSSA…

L’ONSSA (Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires) est sous le feu des critiques des consuméristes qui pensent que le scandale des «viandes vertes et/ou nauséabondes», ayant gâché cette fête religieuse, n’a pas encore livré tous ses secrets. Et ce, même si l’établissement tente de rassurer les consommateurs. Dans un second communiqué, diffusé mercredi 6 septembre, l’Office précise que le phénomène est nouveau cette année, à l’exception de quelques cas isolés l’année dernière. Pour l’ONSSA, le problème de la couleur verte et de la putréfaction des carcasses est dû au fait que la fête a coïncidé avec la période estivale, marquée cette année par une grande chaleur, ainsi que par une humidité hors norme. Aux conditions climatiques exceptionnelles, s’ajoutent le non-respect des règles d’hygiène concernant l’abattage des bêtes et les mauvaises conditions de conservation des viandes (congélation). C’est ce qui a, selon l’Office, favorisé la prolifération rapide des bactéries, rendant les viandes impropres à la consommation. Pour appuyer ses explications, l’ONSSA fait savoir que des analyses ont été effectuées sur des échantillons de viande. Les résultats de ces analyses dévoilent la prolifération de bactéries, telles que les staphylocoques, les clostridies et autres pseudomonas ayant conduit à la contamination des carcasses, indique l’Office qui semble minimiser l’impact des cas révélés, comparés au nombre des bêtes sacrifiées.

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NC

Pour les consuméristes, le vrai coupable est l’alimentation

L’ONSSA a donné des explications désignant trois bactéries coupables de la putréfaction des viandes de l’Aïd Al-Adha (en plus des conditions climatiques et de la congélation). Mais les consuméristes et même certains éleveurs n’en démordent pas. Leurs soupçons portent sur l’alimentation des moutons.

«L’Office ne peut certes pas être tenupour responsabledans cette affaire. Mais en tant que consuméristes, nous voulons que l’on pousse les investigations plus loin. Le problème prend de l’ampleur et il est temps que les fermes soient aussi au cœur des enquêtes des services vétérinaires. Car, on sait que les méthodes d’élevage ont beaucoup évolué au fil des ans», insistent des consuméristes. «Pour engraisser les animaux, bon nombre d’éleveurs n’hésitent pas à incorporer des aliments prohibés dans la nourriture des ovins», confie un éleveur de la région de Settat. Selon cet éleveur, la putréfaction est due à un surdosage de compléments alimentaires ajoutés aux produits consommés par les moutons. Il évoque aussi la possibilité d’avoir soumis ces bêtes à des anti-inflammatoires pour leur engraissement. Dans une vidéo, un agriculteur-éleveur de la région d’Abda, Toumi Mohamed Ziani,n’y va pas par quatre chemins. Il demande aux autorités sanitaires de renforcer le contrôle, notamment au niveau des «zraïbes». Car, affirme-t-il, «certains éleveurs recourent à des substances non autorisées».Normalement, dit-il, «le fourrage doit être composé d’orge, de son de blé, de maïs, de fèves et de soja. C’est ce mélange que les animaux consomment dans les fermes (pendant une période de 6 à 8 mois avant l’Aïd Al-Adha)». «Ceci dit, poursuit le même éleveur, certains revendeurs fraudeurs entament l’alimentation des moutons juste après le mois sacré de Ramadan. Ils préparent un mélange interdit (sel, fiente de volaille, «dardak», etc.). Cet éleveur soutient qu’«au cours des dix derniers jours avant le jour du sacrifice, ces revendeurs n’hésitent pas à donner aux bêtes des psychotropes (karkoubi)». «On ne sait pas où ça va s’arrêter», soupire un autre éleveur de Sidi Bennour. Pour lui, dans l’état actuel du secteur qui connaît une anarchie, on assiste de plus en plus à de nouvelles pratiques douteuses concernant l’alimentation du bétail. Et si rien n’est fait, le problème de putréfaction ne sera jamais résolu.

NC

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