L’ancien président allemand et actuel émissaire onusien pour le Sahara effectue une tournée dans la région maghrébine, dans le cadre des efforts du nouveau Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, pour relancer le processus des négociations de Manhasset, au point mort depuis 2012.
Cette tournée régionale, la première du genre qu’entame Horst Kohler, depuis sa nomination par le SG de l’ONU en août 2017 en tant qu’émissaire personnel au Sahara, constitue un premier test de ce diplomate et homme politique chevronné. Du haut de ses 74 ans, le nouvel émissaire onusien au Sahara ne compte ménager aucun effort pour rapprocher les points de vue entre les différentes parties prenant part aux négociations, dans le cadre du dossier du Sahara. Pour y parvenir, selon des sources concordantes au sein du Conseil de sécurité, Horst Kohler compte visiter le Maroc, puis l’Algérie et la Mauritanie, tous les trois représentés dans les négociations pour le règlement du conflit autour du Sahara, sous l’égide de l’ONU.
Une nouvelle page dans le dossier du Sahara
Sur le terrain, l’émissaire d’Antonio Guterres parviendra-t-il à rapprocher les points de vue, sur la base de la proposition d’autonomie des régions du Sahara émise par le Maroc en 2007? De toutes manières, l’expérience de Horst Kohler pousse un grand nombre de spécialistes en politique internationale, marocains et occidentaux, à croire qu’il a plus de chances de réussir là où son prédécesseur, l’Américain Christopher Ross, a échoué à cause de son traitement partial de ce dossier.
Dans une déclaration au Reporter, le professeur en relations internationales, Mohamed Tajeddine Houssaini, estime que l’émissaire d’Antonio Guterres au Sahara justifie d’une grande expérience dans les domaines politique et de la diplomatie. Ce qui fait de lui l’homme de l’étape qui peut très bien donner un sérieux coup de pouce à un dossier vieux de plus de quatre décennies. Dans le dossier du Sahara, «Christopher Ross et Ban Ki-moon étaient connus par leur manque de professionnalisme et leur subjectivité dans l’exercice de leurs prérogatives en tant que, respectivement, émissaire au Sahara et SG de l’Organisation des Nations Unies», a-t-il rappelé.
Ce point de vue est partagé par un grand nombre d’analystes politiques qui voient, en la tournée de Horst Kohler, une nouvelle page dans le traitement du dossier du Sahara au sein des instances internationales, surtout l’ONU. Les mêmes sources rappellent cependant que la diplomatie marocaine doit, comme elle l’a fait jusque-là, faire preuve d’une extrême vigilance et ne pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. C’est ce à quoi appelle Tajeddine Houssaini., ajoutant que le Maroc doit tenir fermement à sa proposition d’autonomie, sachant que le règlement du dossier du Sahara ne peut se faire que sur la base de cette autonomie, proposée par le Royaume en 2007 et jugée par la majorité de la communauté internationale comme étant la plus crédible et sérieuse.
Reprendre le chemin de Manhasset
Horst Kohler souhaite relancer les négociations de Manhasset bloquées depuis 2012, en raison des manoeuvres des séparatistes et de ceux qui les soutiennent. Les négociations de Manhasset I, II, III et IV sont une série de discussions entre les parties prenantes au conflit autour du Sahara, devant aboutir à une solution politique de ce dossier qui dure voilà plus de quarante ans. Ce sont également les premières négociations directes entre le Maroc et le Polisario depuis l’échec du plan Baker. Ces négociations, auxquelles l’Algérie et la Mauritanie sont également représentées, découlent de la résolution 1754 du Conseil de sécurité des Nations Unies, adoptée le 30 avril 2007 et qui exhorte les deux parties à entamer des négociations directes, sans conditions préalables et de bonne foi pour aboutir à «une solution politique, juste, durable et mutuellement acceptable».
Le premier round de négociations (Manhasset I) a eu lieu les 19 et 20 juin 2007. Le deuxième round s’est tenu les 10 et 11 août de la même année, sans déboucher sur une solution mutuellement acceptée. Lors du troisième round, qui a eu lieu les 8 et 9 janvier 2008, les parties se sont accordées sur la nécessité d’entamer une nouvelle phase de négociations, plus intensive et substantielle. Enfin, le quatrième round s’est tenu les 18 et 19 mars 2008. Les négociations de Manhasset étaient supervisées, jusqu’en janvier 2009, par Peter van Walsum, envoyé personnel pour le Sahara occidental de l’ancien Secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon. A cette date, Christopher Ross, ancien ambassadeur américain à Alger, lui a succédé, avant de présenter sa démission en mars 2017. Le mandat de Ross, en tant qu’envoyé onusien au Sahara, a été marqué par des prises de position partiales, en faveur des séparatistes, dans la complicité la plus totale avec l’ancien SG de l’ONU, le Sud-Coréen Ban Ki-moon.
Bien que favorablement accueilli et crédité d’une bonne réputation, il faudra attendre que Horst Kohler présente son rapport sur le Sahara et la situation dans les camps de Tindouf, en avril prochain, avant de pouvoir dire si oui ou non le successeur de Christopher Ross est décidé à traiter le dossier du Sahara avec la rigueur et la neutralité requises.
Mohcine Lourhzal
Horst Kohler: un parcours et des dates – 2004-2010 : Président de la République Fédérale d’Allemagne. – 2000-2004 : Directeur général du Fonds monétaire international (FMI). – 1998-2000: Président de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD). – 1990-1993 : Secrétaire d’Etat au sein du ministère fédéral des Finances.