Les Palestiniens sont enfin de retour dans l’actualité de leur région. Ils le sont pour deux faits marquants. Ils sont à l’origine du départ des USA et d’Israël de l’Unesco. Et, le plus important: le Fatah et son rival le Hamas sont parvenus à un accord de réconciliation.
En effet, les Palestiniens sont à l’origine du départ des USA et d’Israël de l’Unesco, sous pression de l’Etat hébreu. Il est reproché à l’organisation internationale d’avoir reconnu sur leur territoire historique le droit des Palestiniens à protéger leur patrimoine.
Mais l’essentiel est ailleurs. Il est dans une véritable avancée, grâce à l’Egypte, d’un processus encore fragile de réconciliation.
Après deux interminables journées de discussions menées à huis clos au Caire, le Fatah et son rival palestinien, le Hamas, sont parvenus à un accord. Cette annonce de réconciliation doit mettre un terme à plus de dix ans d’opposition destructrice entre les deux pouvoirs, celui de l’Autorité palestinienne, à Ramallah et celui conduit par le mouvement islamiste du Hamas, à Gaza.
L’accord a été favorisé, bien sûr, par la dégradation dramatique de la situation de la population dans la bande de Gaza.
La situation générale de l’enclave palestinienne est en effet dramatique. Eprouvés par trois guerres avec Israël depuis 2008, les blocus israélien et égyptien, la pauvreté, le chômage et les pénuries d’eau et d’électricité, deux millions de Gazaouis vivent dans des conditions régulièrement dénoncées par les diplomates et les organisations d’aide humanitaire. Isolé, confronté au risque d’explosion sociale, mais aussi à un soutien amoindri du Qatar, le Hamas, par ailleurs soumis aux pressions du grand voisin égyptien, a fini par accepter en septembre le retour à Gaza de l’Autorité et de son gouvernement.
D’ici au 1er décembre, un gouvernement palestinien unifié devrait assumer les pleins pouvoirs sur la bande de Gaza. L’Autorité palestinienne déploiera 3.000 policiers dans la ville de Gaza. Quant aux frontières, sujet épineux et point d’achoppement de précédents échanges, elles seront bien gérées par l’Autorité. La tenue d’élections -ou le devenir des 25.000 hommes composant le bras armé du Hamas- est reportée à de futures tractations, mais sans date précise.
On redoute, bien sûr, comme en 2014, un événement mettant un terme au nouveau processus. Ce fut à l’époque la guerre déclenchée par Israël contre le Hamas.
Et puis les racines de la division sont profondes.
Tout remonte à 2006, quand le Hamas remporte les élections législatives. Cette victoire débouche sur une guerre civile menée par les deux principaux mouvements palestiniens, au terme de laquelle le Hamas se rend maître de la bande de Gaza. L’Autorité palestinienne, entité internationalement reconnue et supposée préfigurer un Etat palestinien indépendant, reste dominée par le Fatah, mais n’exerce plus son pouvoir que sur la Cisjordanie. C’est un revers historique. Depuis lors, cette division paralyse la société palestinienne et rend plus difficile la relance d’une négociation de paix, dont Israël ne veut pas.
Dans ce qui serait une manifestation spectaculaire de ce rapprochement, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, devrait se rendre prochainement à Gaza, a déclaré à l’AFP Zakaria al-Agha, chef du parti Fatah de Mahmoud Abbas dans la bande de Gaza. Ce serait la première fois depuis 2007. L’enjeu de la réconciliation, considérable, est double. Le plus immédiat est le sort des deux millions de Gazaouis, éprouvés par trois guerres avec Israël depuis 2008, les blocus israélien et égyptien, la pauvreté, le chômage et les pénuries d’eau et d’électricité.
L’Egypte, de son côté, signe par ce nouvel accord également son grand retour. Le maréchal Sissi a été à la manœuvre et l’avenir de Gaza dépend pour beaucoup de l’attitude à son égard du Caire.
Depuis 2007, l’Egypte tente de rapprocher les frères ennemis pour enlever à Israël le prétexte de la division pour écarter la relance des négociations de paix. Ce succès indiscutable a été favorisé par la fin de l’aide du Qatar qui a d’autres problèmes.
Le Hamas, en fait, reconnaît l’échec de sa sécession islamiste.
Mais de nombreux points de friction n’ont pas encore été réglés. D’ailleurs, les négociateurs du Fatah et du Hamas ont convenu de se retrouver chez leurs chaperons égyptiens, début décembre, pour traiter du démantèlement des stocks d’armes du Hamas, de la prise de contrôle par L’Autorité palestinienne du réseau de tunnels creusés par l’organisation islamiste, ainsi que du sort des 75.000 fonctionnaires (parmi lesquels 25.000 membres des services de sécurité) nommés par le Hamas de Gaza dans la foulée de son putsch.
Quoi qu’il en soit, lorsqu’elle sera achevée, la réunification palestinienne enlèvera à Israël l’argument selon lequel des négociations avec les Palestiniens sont impossibles «puisqu’ils sont divisés». Elle permettra également à Donald Trump d’inviter L’Autorité palestinienne unifiée et l’Etat hébreu à reprendre le processus de paix.
Le maréchal Sissi, de son côté, ne devrait pas s’en tenir là. Il va poursuivre son retour diplomatique avec l’organisation d’une conférence de paix au Caire. Ce sera avec le soutien américain et la présence espérée de l’ensemble des pays arabes sunnites modérés.
Derrière la réconciliation palestinienne encore bien fragile, il y a, bien sûr, l’offensive diplomatique américaine contre l’Iran. Mais le retrait de l’Unesco montre bien, de la part de Washington, une certaine incohérence diplomatique, dont la raison se trouve à Tel Aviv et nulle part ailleurs.
Patrice Zehr