Jamais les tensions n’ont été aussi vives entre la Turquie et ses alliés de l’Otan. Tant que l’Europe et les Etats-Unis s’inquiètent du tournant qu’opère Ankara en direction de la Russie. Une stratégie qui renforce le camp de la multipolarité et qui déplace les équilibres géostratégiques vers l’Est.
La tension avec les Européens s’aggrave également.
Poussée par son challenger social-démocrate, Martin Schulz, durant la campagne électorale, Angela Merkel avait promis de remettre à plat la relation de l’Union européenne avec la Turquie. A peine arrivée à Bruxelles, jeudi 19 octobre, elle est passée aux actes, en déclarant qu’elle allait «soutenir une réduction des fonds de pré-adhésion».
Dans le budget 2014-2020, ces fonds représentent 4,5 milliards d’euros -même si une infime partie de cette somme a été effectivement versée-. En fin de soirée, elle a précisé que les chefs d’Etat et de gouvernement s’étaient entendus pour demander à la Commission européenne de limiter ces financements «d’une manière responsable». Une référence au fait qu’ils pouvaient soutenir, non pas le gouvernement, mais aussi les populations. L’exaspération des Européens vis-à-vis d’Ankara est à son comble -à l’exception de la Pologne qui vient de rappeler son attachement à une adhésion de la Turquie à l’UE-. Le statu quo devenait intenable face aux opinions publiques. La purge sans précédent des opposants au régime, depuis le coup d’Etat de juillet 2016 , mais aussi les provocations du chef de l’Etat, Recep Tayyip Erdogan, à l’encontre de plusieurs pays européens (Allemagne et Pays-Bas) inquiètent fortement.
A son arrivée à Bruxelles, Angela Merkel a résumé la situation en jugeant que «les changements en Turquie sont très négatifs du point de vue des valeurs démocratiques». «Non seulement des Allemands sont arrêtés, mais tout l’Etat de droit en Turquie avance dans la mauvaise direction. Cela nous inquiète beaucoup», a-t-elle déclaré.
Patrice Zehr