Khalid, un retraité de 72 ans, est veuf et sans enfants. Cet homme, ne supporte plus d’être sous l’emprise de la maladie et, par conséquent, des médecins du privé qu’il condamne. Voici son récit.
«Lorsque j’ai su que j’étais atteint d’une maladie chronique et génétique, je ne m’imaginais pas un seul instant que d’autres pouvaient attaquer mon organisme et que je n’allais jamais m’en débarrasser. Mon médecin m’avait longuement expliqué certaines vérités sur mon diabète. Il m’avait prévenu également que je ne devais en aucun cas prendre à la légère toutes ses recommandations et le suivi. Surtout le suivi. A cette époque, je n’étais pas encore à la retraite et j’avais, par conséquent, les moyens de me soigner plus ou moins correctement. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas et la faute incombe à ma carcasse qui s’use et à certains humains trop cupides. J’en ai vraiment marre, je suis prêt à baisser la garde, tellement je suis écœuré.
Le diabète est une maladie sournoise. Elle me tient en laisse depuis des lustres. Et je n’étais pas le seul, mon épouse aussi en était atteinte. Heureusement que nous n’avions jamais eu d’enfants. Tous les deux nous étions logés à la même enseigne. Donc, nous livrions bataille, afin de ne jamais enfreindre certaines restrictions, ni oublier nos contrôles chez notre toubib, un homme d’une droiture et d’un professionnalisme exceptionnel. Franchement, c’est bien le seul qui mérite mon respect. J’irai jusqu’à avancer que l’on devrait ériger un sanctuaire en son nom. Peut-être qu’il y en a d’autres du même genre, des exceptions qui échappent à la règle, mais je n’ai pas eu la chance de les rencontrer. Des médecins comme ça, il n’en existe presque plus. Une grande majorité de professionnels de ce secteur, sous serment d’«hypocrite!», s’est complètement déshumanisée. Ils ne l’emporteront pas au paradis, ce fait de s’enorgueillir de «réputation prestigieuse», alors que leur véritable spécialité serait de dépouiller les pauvres gens.
Donc, durant des années, nous avons été soulagés scrupuleusement de complications. Evidemment, il ne faut pas être naïf, parce qu’être aux petits soins avec son organisme a toujours nécessité de gros efforts et de bien coûteuses dépenses. Le diabète nécessite, en plus du contrôle et du traitement médical, une activité physique et une diète qui est loin d’être facile. Sans mentir, grâce à ma mutuelle et la totalité de mon revenu, nous nous en sortions… Mais plus du tout quand il y a eu pire…
J’ai vu partir mon épouse, que Dieu ait son âme: elle n’a pas survécu à un cancer. En mon for intérieur, quelque part, je me sens soulagé, parce qu’au moins, nous avions tout tenté. Même si nous avions été bernés par de nombreux charlatans qui n’avaient pas eu la décence de nous épargner leurs traitements bidons. Ce fut un long combat mené de front avec la médecine moderne et celle traditionnelle. Le diabète, à côté, n’était plus une maladie. Aujourd’hui, je pleure souvent son absence. Mais il suffit, pour ravaler mes larmes, que je pense à ma solde de retraité et à la vie de misérable que je mène.
Entre-temps, j’ai très mal vieilli, je suis diabétique, mais pas seulement. Je passe mon temps à courir de rendez-vous en rendez-vous, d’un médecin à un autre, d’un laboratoire à un autre. Je suis désormais cardiaque, avec un traitement à vie, tout comme le diabète. Et qu’est-ce qu’il m’en a fallu comme tests pour en connaître le stade! A cela, s’ajoutent mes crises de polyarthrite qui m’en font voir de toutes les couleurs. Et maintenant, depuis que je vois flou, on me dit que je suis atteint de dégénérescence maculaire causée par mon diabète. Aussi incroyable qu’il n’est permis de l’imaginer, même si je souffre, je tremble d’aller consulter, parce que je suis ruiné.
Chez ces toubibs spécialistes, il faut prévoir sur soi une bonne liasse de billets, sinon restez malades. Ils vous obligent à passer sous leurs scanners. Sans jamais oublier de faire des cadeaux à leurs copains analystes, laborantins et autre pharmaciens. Une fois sous leur coupe, ces vampires vous pompent. Ils sont insatiables, la moindre demande de charité par quiconque est perçue par eux avec mépris et indifférence. Alors que la liste de leurs patients d’une seule journée est plus longue qu’un kilomètre. Ils s’en fichent, eux, que je sois toujours débiteur et que j’ose quémander à mon banquier de dépasser mon autorisation. Désormais, il semblerait que cela ne soit même plus possible. Je n’arrive plus à payer mon pharmacien, ni à me nourrir convenablement, alors que je suis diabétique.
Au final, cela me sert à quoi de m’acharner à me maintenir en bonne santé, puisque je ne profite plus de rien et que je ne suis même plus en mesure de suivre la cadence? Et après, viennent ceux qui se demandent pourquoi le nombre de suicides augmente…».
Mariem Bennani