«Sukuks, nouveau gisement de financement pour le Maroc», est le thème d’un workshop co-organisé, le 27 juin dernier, par la Bourse de Casablanca et l’Association marocaine pour les professionnels de la finance participative-Sharia Compliant (AMFP). Le point.
Animée par des experts en la matière, la rencontre était un moment de partage autour de ce volet particulier de la finance islamique ou alternative, de ses champs d’application et de son état des lieux au Maroc. Ce dernier bénéficie d’une économie en croissance et stable par rapport à d’autres pays voisins, ce qui y favorise l’installation d’une finance islamique, comme l’a exprimé Anass Patel, président du groupe «70 Asset Management».
Parti du constat que le workshop ambitionne de vulgariser la finance islamique et les obligations islamiques dites sukuks, Patel a souligné que ces derniers pourraient trouver leur place dans le marché marocain en tant que nouvelle alternative de financement. Il s’agit, selon l’expert, d’un instrument protéiforme à différentes consistances qui donnent lieu à des coupons (rémunérations) liés à la performance d’un actif sous-jacent et non à des intérêts fixés d’avance, comme c’est le cas pour les obligations conventionnelles.
Les sukuks se présentent comme un instrument de rendement (fixed income), liés qu’ils sont à l’économie réelle et exigent que tous les financements soient acheminés directement à des fins productives, par opposition à des activités purement spéculatives, a précisé Patel. Et d’expliquer que la source de valeur vient de l’exploitation du bien, de sa vente ou de son loyer, sans oublier de mettre en avant les risques liés aux sukuks, à savoir le risque de marché (taux, devises) et ceux de crédit, de liquidité et de sous-jacent/contrepartie ou encore le risque opérationnel.
Le cas du Maroc
Au Maroc, pour que l’Etat, les collectivités locales, les sociétés commerciales, les banques et les compagnies d’assurances aient le droit de lancer des certificats de sukuks, il faut suivre, d’une part, la procédure adaptée aux marchés et aux investisseurs ciblés et, d’autre part, faire appel à un Charia Board, une institution qui n’existe pas encore au Maroc. Mais «le ministère de l’Économie et des Finances travaille de concert avec d’autres partenaires sur la création d’un Comité Charia pour la finance», a-t-on appris par Houda Chafil, directrice générale de Maghreb Titrisation.
Après avoir expliqué que les sukuks sont identifiés dans le même arsenal juridique que la titrisation, la DG de Maghreb Titrisation a indiqué que son département et le ministère de l’Economie et des Finances travaillent ensemble sur la loi 33-06 concernant la titrisation des créances introduisant ces sukuks. «La constitution de ce Charia Board, ses attributions, composition, organisation et règles de fonctionnement seront fixées par Dahir», a ajouté Chafil qui précisait que ce comité est un organe collégial composé d’oulémas ayant des compétences financières avancées. Sa mission consiste à examiner la conformité à la Charia des produits, des opérations et des processus. C’est un préalable avant l’introduction effective, entre autres, des sukuks au Maroc. C’est ce Comité Charia pour la finance qui doit donner son avis, comme le prévoit l’article 7-2 de la nouvelle loi sur la titrisation et les caractéristiques techniques des certificats de sukuks destinés à être placés auprès d’investisseurs résidents, ainsi que sur les modalités de leur émission à fixer également par voie réglementaire. En outre, «toute émission de ces certificats est conditionnée par l’obtention d’une attestation de conformité aux prescriptions de la Charia auprès de ce Comité», a-t-elle rappelé.
Chafil a par la suite présenté les différentes formes de sukuks, citant notamment les sukuks «Ijara», une forme très prisée par les investisseurs qui se prêtent plus au financement de projets touristiques et de certains projets d’infrastructures. Les sukuks «Al Istisnaa» sont quant à eux un fonds qui émet des sukuks pour financer de grands projets industriels, manufacturiers ou immobiliers, outre les sukuks «Salam» et «Al Wakala».
En matière fiscale, les loyers des biens perçus par l’émetteur des sukuks, dont les actifs sont remboursables in fine, sont imposés au taux réduit de 10% de la TVA. Quant à la rémunération des sukuks, elle est assimilée à celle des produits soumis à la retenue à la source. C’est ce qu’a prévu essentiellement le législateur pour faire jouer la neutralité fiscale.