Quatre arrestations et une forte mobilisation policière ont marqué les derniers jours, au niveau de la rue 28, près du marché «Al Amal», dans la préfecture de Sidi Bernoussi. Un fait divers aux grandes conséquences…
Des voitures de police et des agents d’autorités locales sont restés, durant quelques jours, au même endroit où, vendredi 24 novembre, à une semaine de l’Aïd Al Mawlid, les Ferracha de ce quartier ont vécu un climat tendu.
Ce jour-là, des agents d’autorité ont détruit les étals de nombreux marchands qui s’y trouvaient et ont confisqué la marchandise de plusieurs d’entre eux. Ce commerce informel est la seule source de revenu de quelque 311 marchands ambulants, toujours exclus des projets dédiés au commerce de proximité, déclare au Reporter Karim Amarir, secrétaire général adjoint au Bureau provincial de l’Union démocratique des commerçants et des artisans (UDCA). Amarir s’inquiète de la situation. «Nous avons patienté trop longtemps pour bénéficier d’un projet dédié, afin d’exercer notre activité dans la légalité. Des projets de commerce de proximité ont été installés dans cet arrondissement. Mais nous sommes contre la démarche suivie, dans le cadre de ces projets, pour stopper la prolifération des commerçants ambulants. De plus, la gestion de ces projets soulève beaucoup de questions qui restent en suspens. C’est pourquoi, nous refusons d’y adhérer», explique le secrétaire général adjoint de l’UDCA. Selon lui, le Bureau provincial de l’Union a adressé une lettre au nouveau gouverneur, Nabil Kharroubi, demandant son intervention dans le dossier des vendeurs ambulants n’ayant pas encore bénéficié d’un espace commercial où ils pourront vendre leurs marchandises en toute légalité. «A la Préfecture, dit-il, on nous a promis, il y a trois semaines, d’aménager, d’ici un an, un espace près du marché ‘‘Tareq’’, dans le quartier Al Amal, pour abriter 311 marchands, lesquels opèrent dans plusieurs artères de cet arrondissement (Rue 28, rue 39, zone d’Al Qods près de la mosquée Fatemezzahra, la zone située près du complexe commercial…».
D’ici là, ces marchands ambulants doivent prendre leur mal en patience en jouant au chat et à la souris avec les autorités locales de cet arrondissement.
Dialogue et déguerpissement!
Alors qu’un dialogue semble être installé entre les deux parties, les autorités locales ont durci la répression contre les marchands ambulants de ce quartier, selon le Bureau provincial de l’UDCA. En effet, ces derniers jours, les autorités locales ont fait la chasse aux marchands ambulants de ce quartier. Cela, pour empêcher les marchands de revenir sur place et de vendre leurs marchandises. Quatre d’entre eux -dont un est actuellement en état d’arrestation- sont poursuivis pour injures proférées à l’encontre des fonctionnaires. Les accusés ont été arrêtés lors de l’opération de délogement menée par les agents d’autorité, vendredi 24 novembre, dans la rue 28, au niveau de la zone d’Al Amal. Ils ont comparu, samedi 25 novembre, devant le procureur de Roi près le tribunal de 1ère instance. «Ces vendeurs reviennent, car il n’y a pas de mesures d’accompagnement, pour les recaser. S’il n’y a pas de site approprié pour les abriter, ils occuperont d’autres zones», commente Noureddine Riyadi de l’AMDH- section de Sidi Bernoussi. Et d’ajouter, non sans colère: «Le dossier de ces marchands ambulants est soumis aux autorités locales de Sidi Bernoussi, depuis 2008. On espérait que celles-ci soient conscientes de l’importance de ce dossier épineux et qu’elles trouvent une solution à cette bombe à retardement».
Répression, injustice et colère!
Mécontents, les marchands ambulants de Sidi Bernoussi -affiliés à l’UDCA- crient au scandale. Ils pointent du doigt certains représentants de l’autorité locale, dont un «Khlifa du caïd» de la circonscription 52, qui, à l’issue de plusieurs descentes, a confisqué leurs marchandises à ses fins personnelles. «Au cours de l’opération, menée le 24 novembre, quatre marchands ont été arrêtés. Après avoir réquisitionné notre marchandise, ce ‘‘khlifa du caïd’’ n’a établi aucun procès-verbal et a choisi de tout confisquer pour son propre compte. Ce n’est pas la première fois que cette même personne procède à la confiscation de notre marchandise, sans aucun PV. Elle exige des commerçants ‘‘des enveloppes’’», ont affirmé au Reporter des témoignages sur place.
Ne pouvant digérer une telle injustice, dont les marchands sont souvent victimes, les contestataires ont décidé de faire entendre leur voix. Plus d’une cinquantaine de vendeurs ambulants, qui ont été chassés de la rue 28, près du marché Tareq, ont observé -avec la section locale de l’AMDH de Sidi Bernoussi-, ce lundi 4 décembre, un sit-in de colère devant le tribunal de 1ère instance, où se tenait la 2ème audience de l’affaire des quatre accusés. Un 1er sit-in a déjà été tenu, mardi 28 novembre, devant le tribunal, pour déplorer la situation de chômage dont sont victimes les marchands ambulants. Au cours de ce mouvement de protestation, la tension était très palpable chez les contestataires qui déploraient «la répression» que leur fait subir l’un des agents d’autorité». Plus que jamais déterminés, ils évoquent d’autres actions de protestation. Mardi 28 novembre, Le Reporter a rencontré plusieurs d’entre eux qui ont tenu leur mouvement devant le tribunal. Leur sit-in était ponctué de cris de détresse de la part des commerçants ambulants opérant dans la rue 28.
«Nous ne sommes pas des voleurs. Nous n’avons d’autre choix que d’exercer cette activité pour nourrir nos familles. Nous demandons que nous puissions exercer notre activité au niveau de la rue 28, jusqu’à ce qu’un site nous soit proposé», martèle Mustapha Amad, un des quatre marchands ambulants poursuivis dans cette affaire. Non sans colère, un autre manifestant, lui aussi marchand ambulant, a déclaré au Reporter que ses collègues et lui revendiquent l’ouverture d’une enquête à propos des marchandises saisies, mais dont il n’y a aucune trace à la circonscription 52. «Au lieu de procéder à l’arrestation des marchands, qui ne cherchent qu’à profiter d’un projet de commerce pour pouvoir exercer leur activité dans la légalité, c’est cet agent véreux, qui se croit au-dessus de la loi, qui doit être arrêté, puisqu’il procède à la confiscation de la marchandise des vendeurs sans établir de procès-verbal comme le stipule la loi», a dénoncé ce manifestant. Que devient cette marchandise confisquée? Quelle destination prend-elle? Et pourquoi aucun procès-verbal n’est-il établi après la saisie de la marchandise des commerçants ambulants? Autant de questions qui taraudent, en ce moment, les vendeurs qui ne décolèrent pas.
«Si les autorités ne veulent toujours pas que nous opérions, qu’elles nous enferment, nous nourrissent et donnent une pension à nos familles!»; «Pourquoi n’a-t-on pas encore ouvert une enquête à propos des dix plaintes que nous avons déposées contre ce khlifa véreux?»; «Mamfakinch, mamfakinch, jusqu’à ce que cette personne rende des comptes sur tous les abus et les injustices qu’elle nous a fait subir depuis son arrivée». Ce sont là quelques slogans scandés par les contestataires qui comptent revenir à la charge. En effet, malgré les deux sit-in organisés par les contestataires pour déplorer les agissements de certains agents d’autorité à leur encontre, ils affirment vouloir continuer leur mouvement de protestation.
Naîma Cherii
De militaire à marchand ambulant! C’est le 10 janvier prochain que se tiendra la prochaine audience judiciaire des quatre marchands ambulants de Sidi Bernoussi. Parmi ces vendeurs, poursuivis par la justice pour injures proférées à l’encontre de fonctionnaires, Driss Chemmi. Ce dernier a été arrêté lors d’une opération musclée menée, le 24 novembre, par les autorités locales de cet arrondissement, au niveau de la rue 28 (zone Al Amal). Il est poursuivi en état d’arrestation. Il y a dix ans, l’accusé était un militaire, dont la spécialité était: chef de pièce (Armes blindées). De militaire, il finit marchand ambulant, pour survivre.
NC