Trump et Jérusalem : Irresponsable mais peut être calculé

Trump et Jérusalem : Irresponsable mais peut être calculé

La décision de Trump de déplacer l’ambassade américaine et, de ce fait, reconnaître Jérusalem comme la capitale de l’Etat hébreu, est une allumette jetée dans un baril de poudre. Décryptage.

Cette décision est totalement irresponsable, car personne ne peut dire comment va réagir la rue arabe. Pourquoi prendre un tel risque?

Pour détourner l’attention de la presse du scandale russe, qui se rapproche de la Maison Blanche, sans doute. Mais il aurait pu trouver autre chose.

Pour respecter une promesse de campagne. Mais celle-là n’était pas prioritaire pour ceux qui ont voté «America first».

Pour élargir sa base électorale en se rapprochant des évangélistes favorables à Israël.

Pour renforcer le gouvernement Netanyahu en difficulté.

Tout cela est vrai, mais n’explique pas le risque.

Il y a sans doute, pour Washington et Tel Aviv, le pari qu’il n’y aura pas un embrasement majeur sur la durée en Palestine.

Si l’on rassemble tous ces critères, on reste cependant dans un geste impulsif et inutilement dangereux, condamné par la communauté internationale et l’ensemble du monde arabo-musulman.

Il ne faut pas cependant évacuer une autre hypothèse qui fait mal aux musulmans, mais qui ne peut être totalement écartée. Ce geste américain fait partie d’une stratégie de rapprochement d’Israël et de l’Arabie saoudite, face à l’ennemi maintenant principal des deux pays: l’Iran,

Jérusalem vaudrait bien une nouvelle alliance. Le New York Times a révélé que le prince héritier Salmane avait proposé à Mahmoud Abbas de renoncer à faire de Jérusalem-est la capitale du futur Etat palestinien. Il aurait donc demandé aux Palestiniens un immense sacrifice sur l’autel de la lutte contre Téhéran. L’opinion publique arabe risque de ne pas le comprendre, l’Arabie saoudite, gardien des lieux saints, sacrifiant un principe majeur, la défense d’Al-Qods, pour barrer la route, avec Israël, à l’offensive réelle du chiisme, dur à accepter.

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Cela peut renforcer d’ailleurs l’Iran comme principal soutien de la cause palestinienne et même remettre la Turquie dans le jeu, au détriment des puissances arabes, dont la Jordanie écartée de fait du contrôle des lieux saints. Certains pensent même que Riyad, après Le Caire, pourrait reconnaître l’Etat sioniste.

Devant le chamboulement que cela pourrait représenter, il faut rester prudent et éviter les fausses nouvelles et les intoxications. Mais il y a des signes et les changements d’alliance sont évidents.

Le Roi du Maroc Mohammed VI a exprimé sa «profonde préoccupation» face à l’intention de Donald Trump de transférer l’ambassade des Etats-Unis en Israël de Tel Aviv à Jérusalem, selon l’agence marocaine MAP. Le Roi marocain, président du «Comité Al-Qods» issu de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), a estimé: «Ce pas est susceptible d’avoir un impact négatif sur les perspectives d’une solution juste et globale au conflit palestino-israélien». Le président égyptien, de son côté, dont le pays est un proche allié des Etats-Unis, a affirmé que l’intention de Donald Trump de transférer l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem risquait de «compliquer» la situation dans la région.

Les États-Unis reconnaissent la pleine souveraineté marocaine sur le Sahara et ouvre un consulat à Dakhla

Ce qui est sûr, c’est que, qu’elles qu’en soient les vraies raisons, le geste de Trump enfonce le couteau dans la plaie palestinienne.

Depuis la guerre de 1967 et la conquête des quartiers orientaux, peuplés de Palestiniens, Israël considère Jérusalem comme sa capitale «indivisible et éternelle». En 1980, le parlement israélien la désigne comme «capitale réunifiée». Mais aucun pays ne la reconnaît comme telle. Les Nations Unies estiment que le statut final de la ville doit être négocié entre Israéliens et Palestiniens. Ces derniers revendiquent, eux aussi, d’y installer la capitale d’un éventuel Etat palestinien.
Aujourd’hui, la ville reste séparée en deux. La partie ouest, où se trouvent les institutions d’Israël (la Knesset, la plupart des ministères, la banque centrale…), est presque exclusivement peuplée de juifs (290.000 sur 300.000). La partie Est, revendiquée par l’Autorité palestinienne, est peuplée par près de 500.000 habitants, dont 60% d’arabes et 40 % de juifs. Elle comprend la vieille ville où se trouvent les lieux sacrés.

C’est ce caractère sacré qui rend l’avenir de la grande ville des trois religions monothéistes si complexe.

La décision de Trump, irresponsable ou calculée, reste donc un immense risque pour tout le monde.

Patrice Zehr

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