Il pleut, ces derniers mois, des sanctions administratives comme le Maroc n’en a jamais connu.
Tout a commencé en octobre dernier, lorsque le président de la Cour des Comptes, Driss Jettou, en présence du chef de gouvernement, Saâd-Eddine El Othmani et du ministre de l’Economie et des finances, Mohamed Boussaid, avait présenté à SM Mohammed VI les conclusions de la Cour des Comptes sur ce qui a empêché ou retardé l’exécution du «Plan Al Hoceïma, Manarat Al Moutawassit».
Au cours de cette audience, une 1ère annonce de limogeages de ministres et hauts responsables avait été faite. C’était le début du «séisme politique» que le Souverain avait évoqué dans son Discours du Trône de juillet (2017) et que personne ne croyait si près de secouer le pays.
Après un séisme, il y a toujours des répliques. Elles étaient attendues. D’autant que le Roi avait chargé la Cour des comptes et le ministère de l’Intérieur d’engager des investigations sur toute forme de manquements, le 1er au niveau des CRI (Centres régionaux d’investissement), le second au niveau de l’administration territoriale.
Les répliques ont bien eu lieu. La semaine dernière, c’est par centaines que hauts responsables de l’Intérieur et agents d’autorités se sont vus infliger des sanctions. Et ça continue… Il n’est plus de responsable administratif, fonctionnaire, ou agent d’autorité qui ne craigne de recevoir une tuile, d’être soit limogé, soit envoyé devant un conseil de discipline pour travail mal fait ou pas fait !
Le mouvement des sanctions administratives s’étendrait même, selon certaines sources, aux représentations marocaines à l’étranger (ambassades, consulats…).
Une véritable purge qui repose sur un article de la Constitution que le Souverain a activé en appelant, dans son dernier Discours du Trône à «la nécessité d’une application stricte des dispositions de l’alinéa 2 de l’article premier de la Constitution, alinéa qui établit une corrélation entre responsabilité et reddition des comptes».
De nombreuses questions, cependant, ont été soulevées, à l’occasion de ces sanctions massives. Devant l’ampleur de la purge, l’opinion publique se demande, en effet, comment autant de fonctionnaires et d’agents incompétents ont pu évoluer dans leur administration, sans être remarqués -et donc sanctionnés- par leur hiérarchie ? Combien en reste-t-il qui sont passés au travers des mailles du filet ? Quel est le détail des fautes commises, afin qu’elles ne soient plus jamais reproduites ? Les supérieurs hiérarchiques de chaque ministère, administration, entreprise, vont-ils veiller à la bonne gouvernance et/ou à l’exécution irréprochable des tâches ; ou bien, passé l’orage, les vieilles pratiques reprendront-elles le dessus ? Les partis politiques tireront-ils la leçon de tout ceci et présenteront-ils désormais des compétences sûres, ou faudra-t-il toujours attendre que le Roi intervienne pour imposer le choix de «the right man at the right place» ?
Cette dernière question, en particulier, revient avec force ces derniers jours, alors que le Maroc est à nouveau plongé dans une période d’attentisme, deux mois après que des ministères stratégiques (Education, Santé, Habitat) se sont retrouvés sans ministre… Et que d’autres n’ont plus de Secrétaire général…
Personne ne comprend ce vide qui dure, ni comment «la maison Maroc» peut tourner avec de telles failles… «Et pourtant, elle tourne», dirait-on, en paraphrasant Galilée, mais avec moins de conviction que lui.
La purge est un véritable tournant. Elle est, bien évidemment, la bienvenue. Cependant, l’opinion publique, qui a été mise en appétit avec ces sanctions pour lesquelles on la prend à témoin, attend désormais que toutes les exigences de la bonne gouvernance soient remplies. Et un pays où des ministères de la plus haute importance peuvent rester des semaines et des mois sans titulaires, ne remplit pas toutes les exigences de la bonne gouvernance. On peut en vouloir à ceux qui le disent, mais ceux qui le pensent ne se comptent plus.
B. Amrani