De nombreux chefs d’Etat africains ont récemment montré du doigt la Libye, dénonçant le racisme et les crimes envers leurs «frères». Mais pour ceux revenus de l’enfer, si les Libyens tirent profit de ce business des migrants, les clandestins sont aussi la proie des groupes mafieux subsahariens sur place, notamment nigérians. Début décembre, un jeune Nigérian de 28 ans était rapatrié vers Bénin City, sa ville d’origine, après 10 mois de séquestration, de violences, de travaux forcés, les jambes lacérées par les brûlures de fils électriques. Il témoigne: «Nous avons été trompés. C’était un piège. Ceux qui nous ont fait ça, sont les mêmes qui nous promettent l’Europe», confie-t-il, la gorge nouée, entouré de ses compagnons de désillusion.
A leur descente de l’avion qui les ramenait de Tripoli, les quelque 200 Nigérians, rapatriés ce jour-là, n’avaient pas assez de mots pour décrire les horreurs subies pendant leur voyage. Tous les témoignages recueillis par l’AFP sont unanimes: des Nigérians autant que des Libyens sont responsables des mauvais traitements, de la vente de migrants et des enlèvements. Dans ces centres clandestins, des migrants sont «pendus par les pieds», «on leur fait couler le sang avec le téléphone à l’oreille» en appelant leurs proches, jusqu’à ce qu’ils paient la somme sur un compte domicilié au Nigeria.
Certains sont morts. Ceux dont les proches ne peuvent ou ne veulent pas payer sont vendus à des Libyens qui «travaillent avec eux (les passeurs) main dans la main».
Patrice Zehr