PJD-Istiqlal
Cette fois, c’est bel et bien fini !
Trouver un allié sûr pour former une nouvelle majorité n’est pas chose aisée, surtout quand le chef de l’Exécutif n’a pas le choix, avec seulement le RNI et l’UC au portillon.
C’était un ultimatum d’un mois adressé au chef de gouvernement, jugé largement suffisant, pour lui permettre de dénicher un nouvel allié et former une nouvelle majorité.
Une fois terminé ce délai, le Parti de l’Istiqlal a solennellement réuni son Comité exécutif à Rabat. En deux heures de tractations, il a entériné, sans état d’âme, la difficile décision prise par le Conseil national -qui est le Parlement du Parti- de claquer la porte du gouvernement, provoquant une crise rarissime dans la vie politique du Maroc moderne.
Sans surprise
L’information tombée lundi soir (8 juillet) comme un couperet, même si elle était sans surprise, alors que les Marocains étaient en quête d’une autre nouvelle (le jour exact où débuterait le Ramadan), leur a rappelé que ce mois sacré nous a toujours offert un feuilleton politique ou social qui mobilise, médias aidant, l’opinion nationale. L’affaire Tabet (1993) en est la grande illustration.
C’est bientôt fini?
Après un peu plus de deux heures de réunion et de débat -pas tout le temps serein-, l’abcès a été crevé ( »C’est bientôt fini? », avait titré en couverture Le Reporter, jeudi 4 juillet 2013). Cette fois, c’est la bonne: l’Istiqlal se retire du gouvernement de Benkirane et bascule dans l’opposition dont il a l’habitude pour y avoir campé près de trois décennies durant. «L’opposition ne nous fait pas peur», nous confie un député istiqlalien, la gorge serrée. Il ajoute que «nous y trouverons un vieil ami et partenaire de la Koutla démocratique», en l’occurrence l’USFP.
El Ouafa hésite encore
Sitôt la nouvelle du retrait du Parti de l’Istiqlal annoncée, cinq des six ministres (Nizar Baraka, Youssef Amrani, Fouad Douiri, Abdessamad Kayouh et Abdellatif Maâzouz) ont présenté leur démission dûment signée au chef de gouvernement, a précisé le porte-parole du PI, Adil Benhamza.
Sans surprise, le ministre de l’Eduction nationale, Mohamed El Ouafa, n’a pas répondu à l’appel istiqlalien.
Hamid Chabat a cru bon, histoire de sauver la face, de lui trouver une excuse: «El Ouafa se trouve en ce moment à Laâyoune», sous-entendant qu’il (El Ouafa) déposerait sa démission une fois de retour. Quelques heures plus tard, le ministre de l’Education était dans l’Hémicycle où il répondait à une question orale sur le baccalauréat. Et d’exécuter un très beau sprint (à la fin de son intervention), alors que les journalistes et les photographes le poursuivaient, courant, en quête d’une information sur son non retrait du gouvernement. Il a ensuite atterri au sein d’une commission où un député du PAM l’a épinglé. «Nous ne savions, lui a lancé le PAMiste, si vous alliez nous honorer de votre présence». Une remarque qui n’a pas été du goût d’El Ouafa qui lui a rétorqué: «Je peux toujours me retirer…», avant qu’un député PJD n’intervienne pour calmer le jeu, disant que «la question n’est pas à l’ordre du jour». Et le PAMiste a accepté de fermer la parenthèse…
Faire pression sur l’Exécutif
«La décision du Conseil national de l’Istiqlal de claquer la porte du gouvernement n’a pas toujours été prise au sérieux; une manière de faire pression sur le gouvernement pour accepter les doléances de Hamid Chabat, en priorité le remaniement ministériel», avançaient certains.
Aujourd’hui, Abdelilah Benkirane se trouve devant le fait accompli: l’Istiqlal n’est plus dans la majorité, traînant derrière lui ses ministres démissionnaires -presque de force-. Le Parti aurait recouru à l’artillerie lourde pour les convaincre de descendre du train en marche.
Le chef de gouvernement sait que le plus difficile reste à faire: la tâche ardue de trouver un ou des remplaçants pour combler le vide laissé par les amis de Chabat.
Le RNI est en bonne position, pressenti avec l’UC pour permettre à Abdelilah Benkirane de fignoler sa majorité.
Le choix n’est cependant pas totalement partagé par les islamistes qui craignent pour leur crédibilité, les amis de Salaheddine Mezouar ayant toujours critiqué sévèrement le programme du gouvernement.
Le RNI au portillon
L’éventuelle entrée du RNI au gouvernement divise aussi les militants de ce Parti qui, reconnaissent-ils, n’ont pas toujours été à l’aise dans ce rôle.
Alors que les uns voient d’un bon œil le retour au bercail, d’autres étalent leurs arguments. «Il ne serait pas bien vu que le RNI donne l’impression d’être un opportuniste en quête de portefeuilles ministériels ou de servir aux amis de Benkirane de vulgaire roue de secours», nous confie une source RNI, sûre qu’elle est que, dans ce contexte, les concertations du chef de gouvernement ne seront pas chose aisée. Car, en dehors du RNI et de l’UC, on ne voit pas comment le PJD pourrait former une nouvelle majorité.
L’USFP se frotte d’ores et déjà les mains -un revenant du calibre de l’Istiqlal et un partenaire de la Koutla-, rappelle un militant socialiste. «L’opposition revivra ses meilleurs jours, après avoir trébuché».
La démission des ministres istiqlaliens consommée, il reste cependant le cas «Karim Ghellab», actuel président de la Chambre des représentants. Elu pour deux ans et demi, son mandat ne prend fin qu’en avril prochain. Restera, restera pas ? La question est posée. La réponse tardera certainement à venir…
Abdelilah Benkirane donne du fil à retordre.