Après que la Cour de cassation a tranché sur la question, le GPBM a notifié à la CNSS sa décision de ne plus exécuter ses ATD. Une décision que la Caisse a du mal à digérer.
Le groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM) et la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) sont à couteaux tirés. La raison: un arrêt de la Cour de cassation visant les articles 100 à 104 du Code de recouvrement des créances publiques promulgué par la loi N° 15-97, donnant raison à une entreprise qui a subi un avis à tiers détenteur (ATD) et qui s’en plaint. La Cour a, en effet, jugé «illégal» ledit ATD. Sitôt la décision rendue publique le 14 septembre 2017, le GPBM a adressé une circulaire aux banques pour cesser d’exécuter les ATD émanant de la CNSS. Mais cette dernière refuse d’interpréter l’arrêt comme faisant office de jurisprudence et continue, selon une source au sein de la Caisse, d’émettre ses ATD et de les faire exécuter «auprès de certaines banques» et ce, malgré la circulaire. La CNSS use de cet outil qui permet à des administrations, comme la Trésorerie générale du Royaume (TGR) et la Direction générale des impôts (DGI), de recouvrer des créances destinées à servir de fonds mis à disposition des contribuables, auprès de sociétés se montrant récalcitrantes. Pour la CNSS, «c’est justement parce que certaines sociétés rechignent à s’acquitter de leurs cotisations à la Sécurité sociale que des tiers, comme la CNSS, émettent des ATD auprès de leurs banques, pour amener ces dernières à geler les comptes de leurs clients ciblés et les obliger à honorer leurs obligations», nous explique-t-on auprès de la Caisse. Mais le GPBM ne voit manifestement pas les choses du même œil et invoque un «défaut de légalité», avec la décision de justice comme renfort, justifiant davantage sa décision de suspendre lesdits ATD de la CNSS. Ainsi, la Caisse, en ignorant les conclusions de la Cour, se trouverait «de facto» dans l’illégalité et évoluerait dans un contexte incongru qui promet plusieurs rebondissements intéressants dans les semaines/mois à venir. Déjà, la circulaire émanant du GPBM ne convainc pas du tout le management de la CNSS qui la considère comme étant une position formulée par un groupement professionnel et non par une autorité légale. Les juristes de la CNSS, qui préparent la contre-attaque, estiment que la correspondance ne les oblige en rien, juridiquement parlant. S’agissant de la décision de justice elle-même, la Caisse avance que, pour qu’une jurisprudence soit considérée comme telle, plusieurs décisions similaires doivent avoir lieu, afin de constituer un précédent juridique selon le principe de constance. De plus, la CNSS base la légitimité de ses ATD sur la nature des fonds disputés, en l’occurrence des fonds de retraites et de sécurité sociale «dont la gestion impose une approche rigoureuse et une protection ferme des droits sociaux des contribuables, même si cela implique le recours aux ATD», poursuit notre source. De plus, la CNSS a signé, le 17 avril 2014, une charte visant l’assouplissement de la procédure des ATD.
Les autres signataires étaient le ministère des Finances, les administrations habilitées à émettre des ATD, la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) et… le GPBM. C’est si vrai d’ailleurs que la Caisse a déclaré avoir émis 8.695 ATD en 2017, contre 2.792 en 2014. Contacté par Le Reporter, El Hadi Chaibainou, directeur général du GPBM, est resté injoignable. Cela dit, le groupement agit en entité homogène, tandis que la CNSS cible chaque banque de manière individuelle. De deux choses l’une: soit les banques annonceront conjointement l’application stricte du contenu de la circulaire, en s’accoudant sur la décision de la Cour de cassation, soit elles la notifieront à la Caisse en réponse à chaque ATD émis. Pour l’heure, la CNSS s’accroche bec et ongles à ce qu’elle considère être son droit légal. A suivre…
Mehdi Mouttalib