La filière des semences des céréales vit-elle une année catastrophe? Selon des consultants agronomes, le taux d’utilisation de semences sélectionnées est en dégradation dans la région de Casa-Settat.
Pour la campagne en cours, le recours aux semences sélectionnées ne dépasserait pas les 20%. Même si, selon l’ancien chercheur à l’INRA, Abbès Tanji, ce taux demeure difficile à évaluer, car la densité des semis change selon les conditions climatiques de l’année.
«Les raisons sont essentiellement économiques», estime ce Consultant agronome. «Les petits agriculteurs sont des consommateurs comme les autres. Le prix cher des semences sélectionnées a conduit les petits agriculteurs à réduire, en volume, l’utilisation des semences. C’est le cas, par exemple, de la région de Casablanca-Settat où l’on a constaté une dégradation du taux d’utilisation par les petits agriculteurs des semences certifiées. Le sujet préoccupe en tout cas et a, d’ailleurs, été au centre des discussions, lors d’une rencontre organisée à Berrechid, il y a un mois», indique Tanji, soulignant que cette situation pourrait pénaliser la productivité, même si les conditions climatiques sont favorables.
Seule la zone bour serait concernée…
Tout en reconnaissant cette diminution d’utilisation des semences sélectionnées par les petits et moyens agriculteurs, le Directeur régional de l’agriculture de Casablanca-Settat (DRA-CS), Abderrahmane Naili, pour sa part, se veut ferme. «Seule la zone bour est concernée par cette question de sous-utilisation des semences. Mais elle n’influencera pas la bonne marche de la campagne agricole. On démarre très bien. D’ailleurs, après les dernières pluies, le retard a été récupéré. Cette année, on a planté 850.000 hectares, soit 24% de la superficie nationale», dit-il. Pour le DRA-CS, le retard des pluies qui ne sont arrivées, cette année, qu’en décembre est une explication à cette sous-utilisation des semences par les petits et moyens agriculteurs. «Le prix n’est pas la cause de cette baisse d’utilisation des semences des céréales qui sont d’ailleurs subventionnées. Les gens n’ont pas utilisé les semences, car il y a eu retard des pluies», explique Naili. Dans un entretien téléphonique, celui-ci annonce «un bon déroulement de l’approvisionnement des agriculteurs en semences et engrais, avec une offre dépassant largement la demande».
Des chiffres liés au Plan Maroc Vert
La quantité des semences certifiées des céréales, déposée au niveau des 90 points de vente existant dans la région de Casa-Settat, a atteint, cette année, 500.000 quintaux, dont 300.000 ont été vendus aux agriculteurs. La vente des semences certifiées avait atteint, l’année dernière, 500.000 quintaux. Soit une baisse de 200.000 quintaux cette année, selon le DRA-CS. Le Maroc, dit-il, a fait un effort considérable en matière de production des semences. «Entre 2009 et 2010, on produisait 700.000 quintaux de semences sélectionnées des céréales. Aujourd’hui, on produit 2 millions de quintaux. Le taux d’utilisation a augmenté d’une manière considérable», tient à souligner Abderrahmane Naili, affirmant que l’utilisation des semences sélectionnées atteint 35%.
Ceci étant, la Direction régionale de l’agriculture de Casa-Settat peut déjà annoncer que les prévisions concernant les récoltes de cette année seront «bonnes», selon le responsable. Et d’ajouter: «Les chiffres performants qu’enregistre la région de Casablanca-Settat sont liés au Plan Maroc Vert, plus particulièrement au système des subventions».
Avec une moyenne de production qui s’élève à 18,5 millions de quintaux (5,2 milliards de DH), cette région est le premier producteur des céréales au Maroc. Elle contribue ainsi avec 35% de la production des semences sélectionnées sur le plan national, pour une superficie estimée à 16.500 hectares et une production de 500.000 quintaux, soit la plus grande région productrice des semences sélectionnées, indique le DRA-CS.
Le sujet qui préoccupe
Toutefois, selon des experts agronomes, la filière des céréales connaît, à l’échelle régionale et nationale, de nombreuses contraintes liées au faible niveau de technicité des petits et moyens agriculteurs qui représentent près de 80% du nombre total des agriculteurs, dont l’utilisation des intrants est faible, particulièrement les semences sélectionnées et le traitement raisonné par les herbicides et fongicides; ainsi que le non-respect de la rotation culturale. Le sujet préoccupe, en tout cas, les responsables.
Placée sous le thème «Les bonnes pratiques pour la protection de la culture céréalière et l’augmentation de la productivité», une Journée nationale sur les semences des céréales a été organisée, le 17 février, à El Jadida, par la Confédération marocaine de l’agriculture et du développement rural (COMAER) et la Direction régionale de l’Agriculture. Objectif de cette Journée, organisée en coopération avec la Fédération nationale interprofessionnelle des semences et des plants: «Sensibiliser les agriculteurs aux opérations d’entretien de la culture, essentiellement les traitements phytosanitaires contre les mauvaises herbes et l’apport de la fertilisation azotée», indique le DRA-CS, Abderrahmane Naili. «C’est le moment propice pour avoir une bonne semence. C’est maintenant qu’il faut faire l’engrais azoté et aussi procéder au traitement. Le but de cette rencontre, qui a vu la participation de 150 experts et 110 agriculteurs multiplicateurs des semences, c’est d’informer les agriculteurs sur ce moment propice d’intervention en matière de désherbage et de fertilisation», précise-t-il.
Naîma Cherii