L’abattage clandestin à Casablanca

Abattage clandestin casablanca

Les autorités de Casablanca pourront-elles mettre fin au problème de l’abattage clandestin dans la région du grand Casablanca? Ce fléau est en tout cas très répandu dans plusieurs zones connues par cette pratique illicite. Et cela exaspère les professionnels du secteur.

Trop, c’est trop! Les professionnels donnent finalement de la voix pour interpeller les autorités de la ville sur l’abattage clandestin, cette pratique illicite qui continue d’avoir lieu, notamment dans certaines zones de Casablanca.

Les professionnels du secteur contre-attaquent et dénoncent surtout le laxisme des autorités non seulement dans ces zones, mais aussi dans toute la région du Grand Casablanca. Ils plaident pour des solutions urgentes à même d’éradiquer cette problématique qui entrave le développement de leur secteur, indique au Reporter Jamal Farhane, Secrétaire général du secteur du transport des viandes relevant du Syndicat national des commerçants et des professionnels.

Des lettres au Wali de Casa, préfet de police, ONSSA…

Dans une déclaration au Reporter, Farhane fait savoir que les professionnels ont signifié cela aux autorités de la ville, ce lundi 9 septembre, pour lutter contre l’abattage clandestin. «Les gens commencent à perdre confiance dans la profession à cause justement de cette pratique. Ils pensent que tous les professionnels s’adonnent à cette pratique. Normal, puisque la viande issue de l’abattage clandestin est toujours à l’ordre du jour. Et elle est d’ailleurs exposée au vu et au su de tout le monde», dénonce Jamal Farhane qui ne cache pas son inquiétude.

«Ce lundi 9 septembre, nous avons envoyé des lettres au Wali de la région du Grand Casablanca, au Préfet de police, au président du Conseil de la ville, au directeur régional de l’ONSSA, au Gouverneur de la préfecture de Moulay Rachid et à la Gendarmerie royale. Nous avons mis ces autorités en garde et nous souhaitons qu’elles ne fassent pas la sourde oreille devant nos demandes. Car il y va de la stabilité de notre secteur qui commence, en fait, à ressentir les effets négatifs de cette pratique illicite.

L’action de la Gendarmerie et de la Police a régressé !

D’ailleurs, plusieurs bouchers commencent à connaître des difficultés à cause justement de cette pratique qui, disons-le, n’est plus  »clandestine », puisqu’elle est exercée au vu et au su de tout le monde», nous déclare le SG du secteur du transport des viandes relevant du Syndicat national des commerçants et des professionnels. Il ajoute: «Dans ces lettres, nous avons demandé aux autorités d’activer la loi relative à la lutte contre l’abattage clandestin et les viandes dites de  »contrebande »».
Notre interlocuteur indique que les professionnels avaient déjà alerté les services concernés par le contrôle de l’abattage clandestin qui sévit depuis fort longtemps. Un fléau qui s’aggravera si rien n’est fait pour le stopper, selon Jamal Farhane. Et ce dernier de poursuivre: «Cette année, nous avons noté une certaine régression dans l’action des services de la Gendarmerie royale et de la Police judicaire. Il y a aussi des problèmes liés aux services de contrôle relevant de l’ONSSA, lesquels ne disposent que d’une seule voiture pour 8.000 bouchers que compte actuellement Casablanca».

L’abattage légal commence trop tard…

En plus, les professionnels ont mis l’accent sur les difficultés que rencontrent les professionnels, notamment au niveau des Abattoirs de Casablanca. Ils se plaignent du retard enregistré dans l’exécution des opérations d’abattage dans les Abattoirs de Casablanca. «Le travail dans les abattoirs ne commence qu’à 6H30 au lieu de 4H00 comme c’est le cas dans les autres régions du Royaume. Ce qui ne facilite pas la mission des professionnels qui se trouvent sans possibilité d’approvisionnement dans les délais», a expliqué Jamal Farhane. Le SG ajoute que cette difficulté d’approvisionnement dans les délais pousse certains bouchers à aller s’approvisionner même dans les zones périphériques connues par l’abattage clandestin. «Nous demandons aux autorités de s’impliquer activement pour régler ce problème de timing d’ouverture des locaux des abattoirs. Car tous les professionnels ne sont pas satisfaits à ce niveau. Et si on ne trouve pas de solutions à cette question, certains de ces professionnels n’hésiteront pas à recourir à l’approvisionnement auprès des abattoirs clandestins», a-t-il lancé.

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50% de la viande consommée provient de l’abattage clandestin

Une chose est sûre: le problème de l’abattage clandestin est sérieux et les professionnels du secteur des viandes ne comptent pas baisser les bras. Mohamed Hamouli, SG du secteur des viandes de détail, que nous avons rencontré lors d’une réunion organisée ce vendredi 6 septembre à Casablanca, tient à souligner que «ce fléau a de beaux jours devant lui, puisqu’il prend de plus en plus d’ampleur. Pratiquement, tous les quartiers de la ville n’échappent plus à cette pratique qui fait de la concurrence déloyale au secteur. Je peux vous affirmer que plus de 50% de la viande consommée par les Casablancais provient de l’abattage clandestin».
Face à la cherté des prix de la viande rouge, les gens sont de plus en plus tentés par la viande provenant de l’abattage clandestin.
A Casablanca, il existe plusieurs points réputés par cette pratique clandestine. Les sites les plus connus sont situés à Derb Ghellaf, Hay Hassani, Sidi Bernoussi, Al Azhar, Derb Soltan, Salmiya 1, Oulfa. Ancienne Médina et Sidi Moumen.
Ces lieux sont connus par cette pratique illicite réalisée par des individus sans foi ni loi, qui n’hésitent pas à vendre des viandes impropres à la consommation provenant de vaches malades, nous confie un ancien contrôleur de la place.

Etals sauvages et trafiquants armés

«Les trafiquants de ces produits sont très dangereux, souvent munis d’armes blanches et n’hésitent pas à recourir à la violence pour défendre leur trafic. D’ailleurs, les perquisitions dans ces sites mobilisent toujours plusieurs éléments sécuritaires», précise notre source. «Zankat al Maâden (Zaouiya) à Derb Ghallef, pour ne citer que ce site, est connue des bouchers, des snacks et des restaurants. Même des hôteliers n’hésitent pas à s’approvisionner en viande issue de l’abattage clandestin réalisé dans ce lieu, ce qui constitue un danger réel pour la santé publique. Car l’abattage dans ces endroits se fait dans des conditions d’hygiène déplorable», indique au Reporter cet ancien contrôleur qui souligne que la ville est inondée en viandes dont personne ne connaît l’origine.
Une simple tournée dans les marchés et souks de la ville confirme d’ailleurs le constat fait par notre interlocuteur soucieux de l’ampleur du phénomène. Des étals sauvages dans certains souks et marchés de quartiers exposent, au vu et au su de tout le monde, viandes rouge, blanches et abats, à même le sol et dans des conditions d’insalubrité choquantes. C’est dire le danger que court le consommateur de ces produits non contrôlés par les services compétents…

L’avis de…

Madih Wadi, président de l’Association «Uniconso-Casablanca»

Madih wadi Uniconso Casablanca

«Tant que la corruption et les magouilles continuent d’exister»

Le fléau de l’abattage clandestin semble prendre de l’ampleur à Casablanca. Qu’en dites-vous?

Ce que nous remarquons, nous les consuméristes, c’est que c’est une chose ancrée dans la culture marocaine. C’est une tradition qui était très ancienne, mais qui continue encore d’exister. Malgré les changements qu’il y a eu dans la société marocaine et en dépit de tout ce qu’on peut avoir comme lois et organisations, ce fléau continue malheureusement d’exister chez nous. Le problème qui se pose, c’est qu’il y a de nouvelles choses qui entrent au Maroc: de nouvelles maladies et de nouveaux cas de bêtes qui ne répondent pas aux normes requises pour la sécurité des consommateurs. En tant qu’associatifs, nous considérons que c’est un drame que de permettre une telle pratique. Car il y va de la sécurité et de la santé des consommateurs, ainsi que de leurs enfants. Le danger qu’il y a, c’est surtout le risque que courent les consommateurs des produits provenant de l’abattage clandestin, surtout quand ils ont un problème de santé. Ils ne savent pas vers qui se tourner. C’est pourquoi nous essayons au maximum de sensibiliser les gens sur le fait que tout produit doit être commercialisé et acheté dans des endroits connus, pour la simple raison qu’afin que l’on puisse réclamer quelque chose, on doit quand même avoir en face une identité connue et répertoriée.

Fathia Bennis, Présidente-directrice générale de Maroclear

Selon vous, comment se présente actuellement la situation à Casablanca?

Il faut dire que ce problème d’abattage clandestin est très sensible et concerne tous les quartiers de Casablanca. A l’Association, nous avons reçu beaucoup de réclamations provenant des quartiers périphériques. Les gens condamnent cette pratique qui ne cesse, en effet, de prendre de l’ampleur dans ces zones où il y a beaucoup d’abattage clandestin. Nous recensons également beaucoup de réclamations de gens issus des quartiers qui sont situés un peu plus loin du centre de la ville, comme par exemple El Oulfa et Hay Hassani. A noter qu’il y a des points noirs qui sont connus de tous par l’abattage clandestin qui s’y pratique. On sait très bien que, dans des endroits situés à l’intérieur de la ville, comme Derb Ghellaf et l’Ancienne Médina, il y a des individus qui s’adonnent à cette activité illégale au vu et au su de tout le monde. Nous avons également reçu des réclamations concernant des commerces qui vendent des produits non contrôlés et provenant de l’abattage clandestin. Les gens de la profession savent mieux que nous qu’il y a beaucoup de viandes qui sont issues de souks se trouvant notamment dans la périphérie de la ville et qu’il est très difficile de contrôler.

Le laxisme des services de contrôle est souvent pointé du doigt. Mais pas seulement, le silence des associatifs est aussi critiqué…

Les ONG et les Associations ont une seule action, c’est de sensibiliser et de plaider quand il faut le faire. Tout ce qui concerne les réclamations intéressant le secteur alimentaire, nous les consuméristes, nous essayons de le diriger vers le centre d’appel de l’ONSSA (Office National de Sécurité sanitaire des Produits alimentaires). Ce sont les services de cet organisme qui doivent prendre les mesures nécessaires. Ce n’est pas notre rôle de contrôler. La responsabilité incombe aux services de l’État. Ce sont les services de contrôle relevant de l’État qui doivent contrôler et surveiller les marchés. Ceci dit, ce qu’il faudrait signaler, c’est que, malheureusement, les services de contrôle ne font pas leur travail bien comme il faut. D’ailleurs, si le travail était fait convenablement, ce problème de l’abattage clandestin n’aurait pas pris une telle ampleur. Des contrôleurs ne sont malheureusement pas intéressés par le contrôle, mais par l’argent qu’ils vont toucher pour ne pas dénoncer les trafiquants de ces produits non conformes aux normes de la sécurité sanitaire. Tant que la corruption existe et les magouilles continuent d’exister, on ne peut rien espérer du contrôle des produits, pas seulement dans le secteur des viandes, mais dans tous les autres domaines.

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