On les rencontre à Sidi Bernoussi, Sidi Moumen, Hay Hassani, Derb Omar, Bourgogne, Roches Noires, El Oulfa, ou encore dans l’ancienne Médina. Leur nombre a quasiment quadruplé. Ainsi, ils sont des milliers à s’installer à Casablanca. Ils exercent des petits boulots qui leur rapportent juste de quoi se nourrir.
Leur rêve n’est plus qu’une illusion. La traversée du Détroit vers les pays européens devient de plus en plus difficile pour ces migrants subsahariens. Et pour cause, la crise économique qui prévaut toujours en Europe.
Ce vendredi 13 septembre, nous avons rencontré un groupe de jeunes femmes subsahariennes dans l’ancienne Médina à Casablanca. Il y a encore quelques années, ces femmes rêvaient de partir sur l’autre rive de la Méditerranée en quête d’un avenir meilleur. Souvent refoulées, elles ont été contraintes de rester sur le territoire marocain. Elles s’adonnent aujourd’hui à diverses activités. Elles font des tresses de cheveux, vendent du poisson séché ou encore des habits traditionnels de leur pays…
Vie moins agréable
Depuis plus de trois ans, Fatou (pseudonyme), 27 ans, arrive au Maroc avec d’autres Sénégalais. Elle rêvait d’aller se faire une vie en Espagne. Une fois sur le territoire marocain, elle a passé quatre mois à Oujda avant de se diriger vers Melilla. Mais à chaque fois, elle a été refoulée à l’entrée de la ville occupée. Elle est donc restée bloquée sur le territoire marocain, dans des situations précaires, indique-t-elle. Après avoir fait connaissance d’autres immigrants subsahariens, qui sont eux aussi restés bloqués pendant plus de cinq ans à Tanger, Fatou décide enfin de se rendre à Casablanca où elle s’installe. «Cela fait trois ans que je suis au Maroc. La vie est moins agréable quand on est migrant subsaharien. J’ai un diplôme en informatique et en gestion d’entreprises, mais je n’arrive toujours pas à décrocher un boulot», lance-t-elle non sans amertume.
Une décision qui réjouit
Pour se nourrir et payer son loyer, Fatou ne baissera pas les bras. Elle choisit alors de faire de la coiffure, des tresses de cheveux, aux Marocaines et de vendre des habits traditionnels sénégalais. La jeune Sénégalaise, qui espère toujours pouvoir trouver un emploi, se réjouit de la décision du Maroc d’améliorer sa politique d’immigration. «Cette décision nous touche énormément. Maintenant, c’est le Roi lui-même qui s’implique et donne ses instructions pour l’élaboration d’une nouvelle stratégie, en vue de définir une politique globale en matière d’immigration au Maroc. Nous espérons, nous les migrants, que cette politique nous protège et que les conditions soient enfin réunies pour un accès légal aux opportunités d’emploi et aux conditions de vie digne», précise-t-elle.
Comme Fatou, Benta, une Camerounaise de 31 ans, se dit elle aussi satisfaite du rapport thématique du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH). La jeune femme, qui s’est installée à Casablanca depuis cinq ans, tient à relever: «Il est clair que nous saluons haut et fort l’initiative royale de faire avancer les choses. Nous osons croire que cette nouvelle politique et cette volonté contribuent au dénouement tant espéré par tous les Subsahariens, de la situation difficile des migrants».
Racisme, harcèlement et préjugés
Quand elle a été refoulée de Ceuta, Benta a essayé de s’intégrer dans la société marocaine, mais elle n’a pas de qualification professionnelle. Aussi n’a-t-elle pu décrocher que de petits boulots. La jeune migrante, qui travaille pour gagner de quoi faire nourrir son enfant d’un an, persiste à dire: «Cela fait près de neuf ans que je suis victime du racisme. Lorsque je marche dans la rue, il est fréquent qu’on me traite de sale Noire». Elle insistera: «Nous constatons une montée de l’intolérance vis-à-vis des migrants subsahariens. Nous appelons les autorités marocaines à stopper les actes de violence dont font l’objet les migrants».
Même son de cloche chez Christine (pseudonyme), une Gabonaise de 33 ans. Dans la rue ou encore quand ils sont à la recherche d’un loyer, la discrimination raciale, le harcèlement et les préjugés les guettent et notre interlocutrice en a subi. «Les choses ne sont pas toujours faciles pour nous, les immigrés subsahariens. Personnellement, j’ai eu des difficultés à trouver un loyer. J’ai essayé d’abord de trouver un logement à Aïn Sebaâ, à El Oulfa, à Sidi Bernoussi et à Hay Mohammadi. Mais des propriétaires racistes m’ont demandé de partir, car ils ne voulaient pas d’Africains comme locataires. Même mon nouvel appartement aux Roches Noires, je ne l’ai obtenu que très difficilement car, au début, le propriétaire n’avait pas accepté, de procéder à la signature du contrat avec moi. Et ce n’était qu’après lui avoir dit que j’étais prête à lui payer une avance d’un an qu’il a accepté de signer avec moi le contrat», explique Christine. Et cette dernière de poursuivre: «J’ai été également victime de toutes sortes de harcèlement. Nous sommes victimes de rumeurs selon lesquelles les filles africaines établies au Maroc s’adonnent à la prostitution, ce qui nous fait perdre le peu d’estime qui existe de la part des Marocains. Cela a terni la réputation de toutes les femmes immigrées». El la jeune gabonaise de noter: «Je suis venue à Casablanca pour un mois au maximum avant de me rendre à Melilla. Le passeur qui devait assurer ma traversée vers l’autre rive a exigé 15.000 dirhams. Mais j’ai été refoulée et me suis retrouvée sans le sou. J’ai dû vivre pendant plus d’un an en faisant la manche dans tous les coins de rue casablancais. Aujourd’hui, je fais les tresses de cheveux. Cela me donne juste de quoi me nourrir, mais c’est mieux que rien». Elle conclut: «Les immigrés africains rêvent d’un avenir meilleur. Les recommandations annoncées il y a quelques jours par le CNDH nous ont donné de l’espoir pour un avenir prometteur. Encore faut-il que le gouvernement marocain s’y attelle et les mette en œuvre».
En attendant, les immigrés malgré eux à Casablanca vivent du système «D». D, comme débrouillardise…