Hydrocarbures «Un rapport non équilibré et peu crédible»
Que pensez-vous du rapport de la Commission d’information parlementaire?
Je dois d’abord souligner que le sujet est beaucoup plus grand qu’une commission d’information, laquelle ne dispose pas des moyens et des outils nécessaires pour imposer, à toutes les parties concernées, de lui procurer les réponses, les données et les documents en rapport avec le sujet. Il faut savoir que le parlement a plusieurs prérogatives. Certes, cette commission exploratrice s’inscrit dans le cadre du renforcement des outils du contrôle de l’autorité législative. Mais, malgré cela, le législateur ne donne pas à ces commissions exploratrices les moyens à même de nous donner un rapport sur une grande question de l’ampleur de celle du secteur des hydrocarbures. Un sujet dont une grande partie est liée à la concurrence économique au Maroc. Si on était devant une commission d’enquête parlementaire, on aurait trouvé dans le rapport en question des données et des informations beaucoup plus importantes et très précises. Car, la loi organique relative au travail d’une commission d’enquête parlementaire lui attribue un large pouvoir, dans le cadre de la préparation d’un rapport. Sachant que cette commission, dont les membres doivent prêter serment, peut faire l’objet de poursuite judiciaire si elle faillit à sa mission.
Ceci étant, je pense que, si le parlement veut assumer ses prérogatives et ses responsabilités, dans le cadre d’un sujet comme celui des prix des hydrocarbures ou de l’impact que cela peut avoir sur le plan socio-économique, cette commission exploratrice devrait être un début. Le vrai travail devrait être, en réalité, mené par une commission d’enquête parlementaire.
Selon vous, ce rapport est-il équilibré?
D’abord, j’estime que le rapport n’est pas crédible. Car, en voulant réaliser l’équilibre dans ce document, cela se fait au détriment de la crédibilité. C’est le cas du rapport de cette commission exploratrice sur les prix des hydrocarbures après la libéralisation du secteur. Dois-je le souligner, dans sa composition, la commission d’information est constituée de plusieurs membres appartenant à plusieurs partis politiques. Ce qui ne permet pas d’avoir un rapport équilibré et ce, pour plusieurs considérations (politiques et autres…). Or, ça n’aurait pas été le cas pour le Conseil de la concurrence qui ne peut en aucun cas être remplacé par une commission d’information, laquelle ne peut jamais combler le vide créé par l’absence d’une instance constitutionnelle qu’est le Conseil de la Concurrence. A noter que, dans son article 166, la Constitution du Maroc a élargi les prérogatives et le pouvoir du Conseil de la Concurrence qui n’était qu’une instance constitutionnelle. Ce Conseil, dont l’activité n’est malheureusement pas encore effective, est pourtant doté de tous les moyens lui permettant, ainsi, d’infliger des sanctions aux sociétés violant la loi sur les prix et la concurrence. Ces sanctions, notons-le, peuvent aller jusqu’à 10% de leur chiffre d’affaires. Aujourd’hui, il est nécessaire de relancer l’activité du Conseil de la Concurrence.
Depuis quelques jours, la polémique autour de ce rapport parle de l’existence de deux rapports. Qu’en dites-vous?
Le président de ladite commission, Abdellah Bouanou, a démenti l’existence de deux rapports. Mais, personnellement, je pense qu’il y en a deux. Dans plusieurs passages du rapport définitif, on constate d’ailleurs qu’il manquait plusieurs données, en particulier celles en rapport avec les marges de bénéfices réalisés par les opérateurs du secteur des hydrocarbures. A la page 28 du rapport, par exemple, on y trouve seulement des flashes. On voit bien qu’il manquait beaucoup de choses. Or, pour un sujet de l’importance du secteur des hydrocarbures, on devait être très clair et précis dans la rédaction du rapport et ne pas laisser le lecteur dans l’ambiguïté.
Propos recueillis par N. Cherii