Pas moins de 28 travailleuses saisonnières dans les champs de fraises à Huelva ont témoigné avoir été victimes de sévices sexuels de la part de leurs supérieurs.
D’après une enquête menée par deux médias occidentaux (Buzzfeednews et Correctiv), la majorité de ces femmes viennent de Roumanie et de Bulgarie, mais aussi du Maroc. Habiba fait partie des saisonnières qui ont accepté de raconter leur calvaire dans les champs de Huelva. La déclaration de cette jeune mère de famille montre combien les exactions sont devenues monnaie courante dans les champs de fraises en Espagne. «Ils savent que nous sommes pauvres, que nous avons des enfants, que beaucoup d’entre nous sont divorcées ou veuves. Ils nous menacent d’expulsion du travail si nous ne nous livrons pas à leurs désirs sexuels. Dans les fermes, ils nous touchent, nous frappent, nous insultent», a-t-elle dévoilé dans son témoignage pour le moins choquant.
Le cas de Habiba n’est qu’un parmi tant d’autres. D’après l’enquête de Buzzfeednews et Correctiv, 27 autres victimes, parmi les 17.000 saisonnières marocaines parties cette année à Huelva pour cueillir des fraises, ont elles aussi dénoncé les agressions sexuelles et autres abus de pouvoir, de la part de leurs chefs, dont elles disent être victimes.
Le gouvernement admet son erreur et recule
Après la publication de l’enquête sur la situation des saisonnières marocaines dans le sud espagnol, le ministère marocain de l’Emploi et de l’Insertion professionnelle a d’abord nié tout en bloc, précisant qu’une délégation maroco-espagnole avait fait, courant mai 2018, le déplacement jusqu’aux champs de Huelva, pour s’enquérir des conditions de séjour de ces femmes marocaines et que celle-ci n’avait relevé aucune irrégularité ou abus.
Malgré tout, le département de Mohamed Yatim n’a pas pu convaincre. C’est pourquoi, le porte-parole du gouvernement, Mustapha El Khalfi, est venu à la rescousse. En effet, le 31 mai 2018, dans le cadre du point de presse à l’issue de la réunion hebdomadaire des membres de l’Exécutif, il a déclaré: «La dignité des femmes marocaines est une ligne rouge», ajoutant que la défense de ces femmes relève de la responsabilité directe du gouvernement marocain. Pour sa part, le ministre de l’Emploi et de l’Insertion professionnelle s’est, semble-t-il, rendu à l’évidence. Il a affirmé, via le site internet de son parti (PJD), que son département «continuera de coordonner (ses efforts) avec les autorités espagnoles, pour garantir à ces femmes leur dignité et leurs droits».
A Huelva, l’affaire est loin d’être close
En Espagne, l’enquête supervisée par le parquet de Huelva se poursuit. Selon les médias espagnols, les plaintes déposées par quatre saisonnières marocaines ont permis l’arrestation d’un premier suspect dans cette affaire. Agé d’une quarantaine d’années, l’individu, de nationalité espagnole, est originaire de la commune de Moguer. Selon la justice ibérique, il était chargé de superviser la cueillette des fraises.
A l’heure où nous mettions sous presse, les quatre victimes avaient déjà été entendues par le juge d’instruction du tribunal de Huelva et l’affaire prenait une tournure politique. Car le gouvernement espagnol a été interpellé par des députés de la gauche, sur les mesures qu’il comptait prendre face à ce scandale. Le présumé coupable a, quant à lui, été remis en liberté provisoire, dans l’attente de son procès.
Parallèlement à cela, un grand mouvement de protestation a eu lieu, dimanche 3 mai 2018, devant l’une des fermes de Huelva où les journalières marocaines sont recrutées, pour dénoncer les mauvaises conditions de séjour et de travail dans ces champs. À l’appel de plusieurs associations et syndicats de défense des droits de l’Homme, une marche de protestation est prévue le 17 juin 2018, pour dénoncer le traitement inhumain infligé aux saisonnières de Huelva. Affaire à suivre…
Mohcine Lourhzal