Mouhafidoune Vs Mouqatioune : Les Marocains déchirés entre deux tendances

Mouhafidoune Vs Mouqatioune : Les Marocains déchirés entre deux tendances

Face à la campagne de boycott «Mouqatioune», visant trois marques (Afriquia, Sidi Ali et Centrale Danone), une nouvelle initiative vient de voir le jour sur les réseaux sociaux. Baptisée «Mouhafidoune», elle appelle à la préservation des intérêts économiques du pays.

Les initiateurs du mouvement Mouhafidoune se présentent comme des défenseurs de l’économie nationale. Pour eux, la conjoncture économique que traversent le Royaume et le monde, marquée notamment par une crise de l’emploi, ne permet pas la mise en péril de l’avenir de centaines d’employés, dont le revenu est principalement lié aux activités des entreprises visées par la campagne de boycott.

La peur d’un avenir incertain

Via leurs posts et commentaires, les abonnés à la page Mouhafidoune sur Facebook appellent les citoyens à faire preuve de sagesse, en soulignant que les marques  Afriquia, Sidi Ali ou encore Centrale Danone ne resteront pas les bras croisés en voyant leurs chiffres d’affaires baisser de jour en jour. D’après eux, ces firmes n’auront d’autres moyens pour remonter la pente que de prendre des décisions désavantageuses, à l’égard des employés et travailleurs marocains avec lesquels elles traitent. Ces craintes sont-elles ressenties de la même manière par les personnes concernées? C’est ce que Le Reporter a tenté de savoir.

Un pompiste dans une des stations Afriquia, à Casablanca, a exprimé sa peur de voir son avenir et celui de sa famille menacés. «Je m’attends vraiment à tout et au pire. Chaque jour, on entend dire que la campagne de boycott, qui a touché notre société, se poursuivra. Si un tel scénario se produit, je crains que les conséquences soient désastreuses, non seulement pour ma situation financière et familiale, mais aussi pour l’économie nationale», a-t-il lancé. Il a appelé le gouvernement à communiquer avec le citoyen, pour lui expliquer ce qu’est un boycott et les répercussions qu’une telle action peut avoir, surtout dans un pays comme le Maroc. La peur de l’avenir gagne également les partenaires de Centrale Danone. Beaucoup d’entre eux craignent une baisse de leur activité et donc de leurs revenus. C’est ce que nous a expliqué un chauffeur de camion chargé de distribuer le lait Central et ses dérivés (yaourt, beurre…) aux différents détaillants au niveau de Casablanca. «Nous sommes tous des Marocains. Nous souffrons tous de la baisse de notre pouvoir d’achat et de la cherté de la vie. Néanmoins, ceci n’est pas un prétexte pour aggraver la situation plus qu’elle l’est déjà. Le boycott, c’est bien, mais ses conséquences le sont beaucoup moins. Comment va-t-on réagir quand on saura que des dizaines ou des centaines d’emplois ont été supprimés par les sociétés touchées de plein fouet par la campagne de boycott? Déjà à Centrale Laitière, beaucoup de contrats d’intérim ont été supprimés et rien ne laisse présager que les choses vont s’arranger, du moins pas dans un futur proche», a-t-il confié au Reporter.

Quid de la marque Sidi Ali? Pour en avoir le cœur net, Le Reporter s’est rendu, samedi 1er juin 2018, dans une grande surface au quartier populaire de Hay Hassani, à Casablanca. Ici, l’eau Sidi Ali, tout comme les produits de Centrale Laitère, est boudée par la majeur partie des consommateurs. Interrogée, une responsable de rayon nous a confirmé cette tendance en ajoutant que les consommateurs se dirigent de plus en plus vers d’autres marques d’eau minérale et d’autres produits laitiers de producteurs concurrents. D’après notre interlocutrice, le temps est venu de faire une petite pause et stopper le mouvement de boycott. «Dans le cas de Centrale Danone, la société a baissé le prix de ses produits, parallèlement au lancement de promotions (4 yaourts achetés + 1 offert). Je pense qu’ils ont compris le message et que ça suffit comme ça. Nous craignons beaucoup plus pour les petits salariés des entreprises et coopératives visées par le boycott. Ce sont en général les petites gens qui paient les pots cassés», a-t-elle ajouté.

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Ces témoignages montrent les craintes d’une catégorie de Marocains. C’est le point principal sur lequel les administrateurs de la page Mouhafidoune, sur Facebook, tentent d’attirer l’attention. D’après eux, la crise est telle qu’il faut d’abord réfléchir aux intérêts économiques du pays et à la situation sociale de beaucoup de familles, avant de prendre une quelconque décision. Mais les administrateurs de la page Mouqatioune estiment, pour leur part, que les sociétés touchées par la campagne de boycott n’ont pas le droit de menacer les Marocains. «Le fait de dire que des salariés vont être licenciés ne changera en rien la situation. Car, c’est Dieu qui garantit la subsistance et personne d’autre», estiment les partisans du mouvement de boycott.

Prise de mesures draconiennes   

Invité mercredi 30 mai 2018 par 2M,  Didier Lamblin, PDG de Centrale Danone, a souligné: «Les ventes de l’entreprise sont très affectées, les parts de marché également». Il a assuré que l’entreprise a été contrainte de prendre une série de mesures. Ainsi, depuis le mardi 29 mai, Centrale Danone a instauré des quotas d’achat de lait auprès des éleveurs. Cette revue à la baisse des quantités achetées atteindra 30% pour les 120.000 éleveurs-fournisseurs de Centrale Danone. L’entreprise a également arrêté  tous les contrats du personnel sous statut «intérimaire». De même, Centrale Danone va arrêter tous les programmes de structuration et de mise à niveau pour 20.000 petits éleveurs, annoncés au SIAM 2018, a-t-il indiqué. Revenant sur les violences produites contre les vendeurs de Centrales Danone, Lamblin a assuré que la société a déposé jusqu’à maintenant 9 plaintes pour agression et diffamation. Si, jusque-là, la société a maintenu son niveau d’approvisionnement malgré le boycott, elle a dû se rabattre sur des produits dérivés. Une solution qui ne pouvait être que provisoire, de grandes quantités de lait ayant été finalement gaspillées faute de débouchés.

De son côté, Sidi Ali s’est exprimée à travers un communiqué, expliquant qu’elle était prête à revoir à la baisse les prix du litre d’eau minéral, à condition qu’une révision des taxes appliquées sur la société soient elles aussi révisées. S’exprimant sur les conséquences de la campagne de boycott, le ministre délégué chargé des Affaires générales et de la gouvernance, Lahcen Daoudi, a affirmé que Centrale Danone a licencié, à ce jour, 1.000 personnes. «Que ceux qui mettent de l’huile sur le feu trouvent une solution aux pauvres gens qui payent aujourd’hui le prix de la réticence des initiateurs du boycott», a dit le ministre délégué.  

A l’heure où nous mettions sous presse, seul le top management des stations Afriquia est resté muet face à ces campagnes de boycott et d’anti-boycott qui menacent de scinder la société marocaine en deux.

Mohcine Lourhzal  

Chacun campe sur sa position

Sur Facebook, les «Mouhafidoune» et les «Mouqatioune» s’affrontent souvent à coups de commentaires, notamment quand le premier groupe s’adresse au second en l’appelant à réfléchir aux conséquences économiques négatives de son choix. Mais quand les arguments manquent, c’est à coups de propos parfois injurieux que les adversaires des deux camps s’opposent. Pour le président fondateur de l’Association de protection des consommateurs à Casablanca (Uniconso), Ouadi Madih, créer un groupe contre un autre, c’est diviser les consommateurs en clans». Et de souligner que l’absence de régulation des prix sur le marché y est pour beaucoup. Madih a appelé le gouvernement à activer rapidement le Conseil de la concurrence et d’assurer notamment le contrôle des prix.

** Algérie

Le boycott ne plairait pas à Benkirane…?

Pour l’ancien chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane, la campagne de boycott de Centrale Laitière doit s’arrêter là (mais il ne parle que de Centrale Danone). Dans une vidéo largement partagée le week-end dernier (2-3 juin) sur les réseaux sociaux, Benkirane a expliqué que ce sont les petits agriculteurs et les salariés de Centrale Danone qui seront le plus pénalisés. Les déclarations de l’ancien chef de l’Exécutif rejoignent celles du ministre délégué aux Affaire générales et de la Gouvernance, Lahcen Daoudi. S’exprimant sur la chaîne tangéroise Medi1 TV, il a estimé que la campagne de boycott va nuire à l’image du Royaume chez les investisseurs, tant nationaux qu’étrangers.

Les Mouhafidoune s’expriment à leur façon

Vidéos, capsules publicitaires, infographies et photos, tous les moyens sont bons pour les membres du groupe Mouhafidoune, pour justifier leur soutien aux trois sociétés incriminées par les boycotteurs. Au fil des posts, tous mettent l’accent sur le poids socio-économique des sociétés considérées comme «piliers de l’économie nationale»

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Centrale Danone émet un profit warning

Mouhafidoune Vs Mouqatioune : Les Marocains déchirés entre deux tendances

La campagne de boycott a entraîné de lourdes conséquences économiques sur les finances de Centrale Danone. Dans un communiqué publié lundi 4 juin 2018, l’entreprise affirme prévoir une baisse significative du chiffre d’affaires et du résultat net au premier semestre 2018 et, par conséquent, pour l’exercice 2018. Selon le document, Centrale Danone s’attend, durant le premier semestre 2018, à une baisse d’environ -20% de son chiffre d’affaires et un résultat net négatif d’environ -150 millions de dirhams, par rapport à un résultat net de 56 millions de dirhams enregistré à la même période de l’année dernière. En effet, la société a connu depuis le début de la campagne de boycott, le 20 avril, «un repli de son activité représentant une baisse du chiffre d’affaires d’environ -50%», indique le communiqué. La filiale détenue à 99,68% par Danone a toutefois affirmé qu’elle continuera de mener toutes les actions à même de satisfaire ses consommateurs, ainsi que prendre les décisions nécessaires pour atténuer les effets de ce boycott sur sa rentabilité.

Lahcen Daoudi demande à être démis de ses fonctions

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Daoudi participant la la maniferstation des salariés de Central Danone

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Commubniqué du Secrétariat général du PJD

Rebondissement dans l’affaire de la participation du ministre délégué chargé des Affaires générales et de la Gouvernance, Lahcen Daoudi, à une manifestation contre la campagne de boycott visant les produits de Centrale Danone. Dans un communiqué diffusé, mercredi 6 juin 2018, à l’issue d’une réunion exceptionnelle, le Secrétariat général du Parti de la Justice et du Développement (PJD), présidée par Saâd-Eddine El Othmani, a affirmé avoir accédé à la demande de Daoudi de démissionner de son poste ministériel. Dans son communiqué, le Secrétariat général du PJD a estimé «inappropriée» l’adhésion de Daoudi à ladite manifestation, affirmant par la même occasion rejeter les déclarations irrespectueuses des règles régissant la liberté d’expression, postées sur les réseaux sociaux par certains militants du parti; soulignant qu’elles portent atteinte à la personne du ministre délégué en charge des Affaires générales et de la Gouvernance.

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