Leur cri Jamais sans ma mer !

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La population de Douar Sidi Abdellah Belhaj, situé dans la préfecture de Aïn Sebaâ-Hay Mohammadi, vit de la mer depuis longtemps. Mais, depuis un an et demi, un projet menace de les couper de leur source de vie. Zoom sur cette affaire.

Une importante population casablancaise vit au Douar Sidi Abdellah Belhaj, situé au bord de la mer, dans la préfecture de Aïn Sebaâ-Hay Mohammadi. Près de 400 familles y vivent depuis longtemps en exploitant les richesses de la mer. De génération en génération, ces gens ont donc appris à vivre avec la mer. Laquelle occupe, malgré ses dangers, une place toute particulière dans leur quotidien et dans leur cœur, parce qu’elle est généreuse avec eux.
Or, cela fait un an et demi que ces habitants vivent dans l’inquiétude et s’angoissent. Car un projet national de construction d’une route reliant la zone de Zénata au port de Casablanca est en cours d’exécution. Il vise à décongestionner la circulation dans la métropole. En effet, cette connexion routière relie la zone des activités logistiques de Zénata au port de Casablanca, avec pour objectif de fluidifier les voies attenantes au port, d’améliorer les conditions de transport des marchandises et de faciliter le trafic des poids lourds au niveau de cette zone multi-flux qui s’étend sur une surface de 323 hectares. Le malheur de cette population de Sidi Abdellah Belhaj, c’est que cette desserte au nord du port de Casablanca passe par la plage de leur Douar, les privant de la sorte de cette plage sur laquelle jeunes et enfants -et même les vieux- ont joué au football et d’où ils prenaient leur élan pour se jeter dans les vagues de la mer. C’est que plusieurs générations de ce Douar y ont passé leur enfance. Mais le plus important pour eux est que ce projet de route côtière va les priver de leur gagne-pain.
De gros rochers ont été déposés tout au long de la côte, dans le cadre des travaux de construction de la desserte nord du port. L’accès à la mer est par conséquent devenu très difficile. Il ne reste donc plus aux habitants qu’un tout petit «port», une sorte de rade quelconque donnant sur la mer. «Il y a une seule issue vers la mer et c’est grâce à cette issue que les propriétaires de 14 barques peuvent continuer de pêcher de façon traditionnelle. D’autres pêcheurs utilisent des chambres à air leur permettant de prendre le large et faire quelques captures. Mais leur mission s’avère de plus en plus dangereuse. En revenant sur le rivage, il leur arrive souvent, tout en se balançant, de heurter les grands rochers. Ils ont beaucoup de mal à vaincre le mouvement des vagues et risquent en permanence leur vie. Et ils se blessent tout le temps. Les «chambres à air» sont au nombre de 80. Ceux qui pêchaient à la canne devaient se déplacer entre les rochers afin de trouver l’endroit idéal pour s’installer. Mais cela est devenu plus difficile par rapport au passé quand il n’y avait pas d’obstacles et que l’accès était facile. Car il n’y avait que du sable», explique Jamal, un pêcheur de 37 ans. Et d’ajouter: «Mais il n’y a pas que cela. Il existe également la «pêche à pied», considérée comme l’une des premières activités de nos ancêtres vivant sur le littoral. Ce métier, pratiqué par les femmes, les jeunes filles et d’autres jeunes personnes, demande beaucoup d’efforts, mais il récompense ses pratiquants par le revenu résultant de la récolte des moules et d’autres fruits de mer. Sans oublier la pêche traditionnelle au filet et le ramassage d’appâts naturels (vers de mer, mollusques…). Le poisson pêché, les moules et les appâts naturels récoltés ont donc un impact économique et social positif sur la population de Douar Sidi Abdellah Belhaj».
Sur cette rive, des huîtres par milliers jonchant le sol et les touffes d’algues cachant ces «trésors» constituaient leur gagne-pain. Au moment de la marée basse, que ce soit au matin ou en fin de journée, une foule de femmes, de jeunes filles, de jeunes garçons et même de personnes âgées s’activaient à ramasser tout ce qui leur tombait sous la main: huîtres, moules, coques, crevettes grises, couteaux, bernard-l’ermite, pieuvres, crabes…, tandis que d’autres personnes étaient spécialisées dans le ramassage des appâts naturels. Tous ces produits de la mer ont leurs demandeurs, des simples amateurs aux grands restaurateurs.
Mohammed, jeune homme du Douar de Sidi Abdellah Belhaj, nous confie sans détours: «Les gens vivent de la mer, mais uniquement pendant la marée basse. L’hiver, la mer devient de plus en plus agitée et les vagues peuvent atteindre 2 à 3 mètres de hauteur. Nous sommes très attachés à la mer. Si nous nous en privons, nous subirons une mort symbolique. Nous sommes devenus comme un poisson dans l’eau. Si on nous sort de notre environnement, nous mourrons».

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La version des responsables

Contacté par Le Reporter, un responsable de la préfecture de Aïn Sebaâ-Hay Mohammadi a réagi: «La construction d’une route reliant la zone de Zénata au port de Casablanca est un projet national. Il y a eu des rencontres avec les représentants de ces habitants. On leur avait promis de leur accorder des triporteurs, parce qu’effectivement la mer constitue leur gagne-pain et que cette affaire est une question sociale. Il est également prévu qu’il y ait un recasement mais, en attendant, ils (les habitants) ont toujours accès à la mer, puisqu’ils ont un petit port pour pêcher». Et d’ajouter qu’il n’y avait jamais eu de sit-in, contrairement à ce qu’affirme la population locale, mais plutôt un arrangement dont la mise en œuvre demande «un peu de temps pour faire le nécessaire».

Une vraie problématique

«Quand on était à court d’argent, il nous suffisait d’aller sur la plage, à pied, de ramasser des appâts naturels et de les vendre. Cela rapportait quand même une petite somme d’argent afin de subvenir à nos besoins. Nous priver de la mer sera un coup trop dur pour nous. Avant, les responsables ont décidé d’installer des barrières entre le Douar et la mer, mais nous les avons enlevées parce que nous n’avions pas d’alternative pour survivre. La population du Douar a organisé plusieurs sit-in. Les responsables ont réalisé un recensement de la population locale et nous ont promis de nous donner des triporteurs dans le cadre de l’INDH. Cela peut être une bonne solution, mais il faudrait relever que nous sommes des pêcheurs et que nous ne pouvons travailler et donc vivre que tout près de la mer. Les responsables nous ont également informés qu’un mur de 7 mètres sera dressé tout au long de la rive, ce qui va priver tous les habitants de cette zone de la vue sur mer et les pêcheurs de leur source de revenus», indique Jamal, un autre habitant du Douar.
Ouadie, un pêcheur de 39 ans, souligne de son côté: «Notre Douar regroupe 7 associations qui prétendaient représenter la population. Mais le résultat de leur action a toujours été médiocre. Il s’est avéré que certains d’entre eux ne défendaient que leurs propres intérêts et les habitants de ce Douar ont compris depuis longtemps que ces gens-là ne le représentaient d’aucune façon».
«Comme vous le constatez, notre Douar dispose d’un terrain de foot avec une pelouse artificielle. C’est là que nos jeunes et même les grands se dépensent. Ce genre de choses est important, mais il nous faut d’abord de réelles solutions à notre problème. Nous sommes conscients de l’importance d’un tel projet, mais cela ne doit pas se faire aux dépends d’une importante population casablancaise. Une chose est sûre: nous ne pouvons vivre que près de la mer», conclut Mohamed.

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Un projet important

Le réseau routier de Casablanca ne peut plus absorber tout le flux des véhicules affluant chaque jour vers la capitale économique du pays. D’importants projets structurants ont été lancés afin de développer la compétitivité logistique pour favoriser une meilleure gestion de l’écoulement des marchandises en termes de volumes, d’itinéraires et de mode de transport. Comme le port de Casablanca supporte à lui seul 60% des échanges commerciaux du pays, les nouveaux projets de connexion routière favoriseront la pérennisation de la croissance et du dynamisme économique du Grand Casablanca et des régions avoisinantes. Ces projets revêtent donc une dimension sociale et environnementale dans la mesure où ils vont contribuer à l’amélioration de la circulation urbaine en termes de réduction de la congestion du trafic, de prévention de l’insécurité routière et de lutte contre la pollution et les nuisances sonores.
La connexion routière de la zone de Zénata au port aura ainsi un impact très positif, fruit d’un partenariat entre le ministère de l’Equipement et des Transports et l’Agence nationale des ports. Ce projet a mobilisé un fonds d’investissement de 700 millions de dirhams. Il contribuera à la réalisation d’une section maritime de 4,3 km, en plus de l’extension du réseau routier sur un itinéraire de près de 10 km et de la construction d’une nouvelle route, ce qui donnera un total de 21,3 km à réaliser.

 


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