Le sommet en Mauritanie de l’Union Africaine a fait de la lutte contre le terrorisme la priorité des priorités, aux côtés de la corruption et du développement. C’est l’enjeu majeur du Caire à Casablanca et de Tripoli à Pretoria. Force est cependant de constater que des sectarismes idéologiques continuent de peser sur ces réunions et de largement les paralyser.
Si l’objectif stratégique est la sécurisation, notamment du Sahel, comment ne pas comprendre que cela passe par la reconnaissance du Sahara occidental comme ultime frontière à défendre dans le cadre de l’indiscutable souveraineté marocaine?
Mais certains pays africains ne veulent pas reconnaître s’être trompés depuis des décennies sur ce dossier. Ils veulent traiter à part le Sahara marocain; alors que le terrorisme ne peut être combattu que globalement, dans un espace géographique commun. Cet apartheid est une stupidité. L’objectif affiché de relancer des négociations de paix entre le Maroc et le Front Polisario ne trompe personne. Le Maroc a toujours repoussé toute médiation de l’UA sur la question sahraouie. Pour le royaume, ce dossier appartient à l’ONU. Cependant, la réintégration de Rabat dans l’UA, en janvier 2017, devrait changer la donne. Plusieurs raisons expliquent l’absence du Roi Mohamed VI, qui a décidé de se faire représenter au niveau de son ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, lors du sommet de Nouakchott. Mais le Maroc a marqué des points importants. Le rapport reflète fidèlement la position marocaine. Il rappelle ainsi, dans le paragraphe 12, que «les autorités marocaines ont réaffirmé le rôle central des Nations Unies dans la conduite du processus de négociation. Elles ont mis en garde contre les risques d’un processus parallèle.
Le Maroc peut compter sur un soutien de poids face aux pressions extérieures: les Etats-Unis. Le numéro deux de la diplomatie américaine, John Sullivan, a redit son soutien, le 29 juin, au plan d’action de Rabat.
«Nous soutenons le processus diplomatique de l’ONU et les efforts pour trouver une solution politique mutuellement acceptable au conflit qui apporte l’autodétermination au peuple du Sahara occidental», a déclaré John Sullivan. «Mais le plus important est notre dialogue avec le gouvernement marocain et notre soutien à ce que nous considérons comme un plan sérieux et réaliste».
L’Union Africaine a bien du mal, donc, à jouer son rôle, ce qui explique d’autres absences. Le Président angolais n’est pas venu, le président égyptien non plus. Et pourtant, jamais l’unité de tous face au terrorisme n’a été plus nécessaire.
Le président français, Emmanuel Macron, est arrivé au dernier jour du sommet de l’Union africaine (UA). Un objectif pour lui: réunir les dirigeants des pays du G5 Sahel faisant face à une dégradation des conditions sécuritaires.
«Je réaffirme ici l’engagement de la France et de tous les pays membres du G5 Sahel, pour lutter contre l’obscurantisme, la lâcheté, dont les premières victimes sont les Africains eux-mêmes, a déclaré M. Macron. Il s’est entretenu avec ses homologues du G5 Sahel de la lente montée en puissance de la force conjointe mise en place pour lutter contre les djihadistes.
La France soutient ce projet, y voyant un possible modèle de prise en main par les Etats africains de leur propre sécurité. Mais sa mise en œuvre est, pour l’instant, marquée par les problèmes de financement et les accusations de violations des droits de l’Homme par des soldats de la force conjointe. La réunion s’est tenue dans le nouveau collège de défense du G5 Sahel, situé aux portes de Nouakchott, au milieu d’un paysage désertique. Ses bâtiments blancs accueilleront ses premiers stagiaires le 8 octobre. Ils seront 31 officiers supérieurs: cinq pour chacun des cinq pays, à l’exception de la Mauritanie qui en aura 11, étant donné qu’elle assure 34% du financement du collège.
Avant l’ouverture du sommet, dimanche 1er juillet, le président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, a appelé à plus d’efficacité dans la lutte anti-djihadiste: «Il y a encore énormément de failles» dans la sécurité qui doivent être «corrigées».
Plusieurs attaques meurtrières ont de nouveau frappé le Mali et le Niger. Dix soldats nigériens ont été tués et quatre sont portés disparus dans une attaque attribuée au groupe islamiste nigérian, Boko Haram, dans le sud-est du Niger.
Quelques heures plus tôt, au Mali voisin, des soldats français de l’opération Barkhane ont été visés par une attaque à Gao (nord), qui a fait quatre morts et une vingtaine de blessés civils, selon les autorités maliennes. L’armée française a fait état à Paris de quatre blessés dans ses rangs. Un autre attentat perpétré au Mali contre le QG de la force antidjihadiste du G5 Sahel avait fait trois morts, dont deux militaires de cette force.
Sommet de Nouakchott: la dépendance économique
Au sommet, le président rwandais Paul Kagame, par ailleurs président de l’UA, a présenté un rapport sur une réforme institutionnelle de l’UA, visant notamment à garantir l’autonomie financière de l’organisation.
Le budget de l’UA provient à plus de 50% des bailleurs étrangers et ses programmes sont financés à 97% par les donateurs. Pour réduire cette dépendance, la réforme prévoit le prélèvement dans chaque pays d’une taxe de 0,2% sur les importations. La création d’une zone de libre-échange (ZLEC), lancée le 21 mars à Kigali et qui pourrait représenter un marché de plus de 1,2 milliard de personnes en Afrique, et la corruption qui, selon l’ONU, fait perdre au continent 25% de ses richesses annuelles, ont été également au cœur des discussions.
L’exode de centaines de milliers d’Africains, essentiellement vers l’Europe, ne figure pas au programme officiel.
Avant l’ouverture du sommet, Paul Kagame a fait savoir qu’il tenterait de s’assurer du soutien de ses pairs à la candidature de sa ministre des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, à la tête de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) en octobre.
Paris appuie cette démarche qui permettrait de ramener la direction de l’OIF en Afrique, après quatre ans de mandat de la Canadienne Michaëlle Jean, candidate à sa propre succession.
Une organisation en très lente évolution
L’Union Africaine (UA) est l’organisation continentale qui regroupe tous les Etats reconnus d’Afrique. Elle s’est bâtie en 2000, officialisée en 2002, sur les cendres de l’Organisation de l’unité africaine (OUA). Cette dernière a été fondée en 1963, dans un continent pas encore totalement décolonisé, avec pour objectif de l’unifier.
Si elle a su prendre une décision forte, entérinant à jamais les frontières coloniales pour éviter des guerres de voisinage sans fin; et si elle a trouvé quelques sujets consensuels (la lutte contre l’apartheid ou contre les restes du colonialisme), l’OUA s’est vite ensablée dans les contradictions de ses Etats membres.
Peuplée de dictateurs, l’organisation a vite eu la réputation d’un club de chefs d’Etat plus enclins à se serrer les coudes qu’à développer leurs pays. Le discrédit est complet quand, en 1975, le «maréchal-président à vie» Idi Amin Dada, prend la présidence tournante de l’organisation. Son héritière, l’UA a su éviter de tels pièges. Mais l’organisation, qui entend prendre pour exemple l’Union européenne, reste très bureaucratique et plus consultative qu’efficace. Un constat qui demande cependant à être modéré. L’UA repose en effet sur huit organisations sous-régionales aux pouvoirs et à la réalité très différents.
Patrice Zehr