Vidéos De la colère à la subversion…

Perplexité et inquiétude gagnent, de plus en plus, les esprits, ces derniers temps. La raison ? Cette parole totalement libérée dont on voit, les yeux chaque jour un peu plus écarquillés, le déchaînement sur les réseaux sociaux.

Dans tous les milieux et à tous les niveaux de la société, on ne parle que de ça !

You Tube, Facebook et Whatsapp, fonctionnent à plein régime et les vidéos pleuvent et s’échangent à un rythme effréné.

Toutes exprimant une colère, un ras-le-bol et un désespoir qui confinent à l’insolence et à la révolte.

Ce ne sont pas des vidéos d’hommes politiques, de militants, ni d’opposants. C’est pire.

Ce sont des vidéos de simples citoyens, hommes et femmes, qui n’ont plus rien à perdre et déversent toute la rage de leur impuissance dans ces enregistrements qu’ils balancent sur les réseaux sociaux, avec le sentiment d’avoir usé du dernier pouvoir qu’ils détiennent, sans que nul ne puisse les en empêcher.  

Et l’on entend quelques-uns des protagonistes qui se filment dans cet état de colère, finir leur propos par un «et vous pouvez venir m’arrêter, si vous voulez…». Autrement dit «Je dis ce que je veux et faites ce que vous voulez. Même pas peur !».

Ce qui sidère, c’est, à la fois, le nombre de personnes qui ont recours à ce moyen d’expression (ces vidéos deviennent innombrables) et la violence croissante du propos.

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Bien sûr, les médias «conventionnels» auraient raison de trouver injuste cette application de la loi à géométrie variable. Si une seule phrase de ce qui est hurlé dans les vidéos, paraissait dans ces médias, elle les conduirait illico derrière les barreaux et pour longtemps !

Mais comment appliquer le code de la presse, ou le code pénal, à quelqu’un qui crie son désespoir devant la destruction au bulldozer de la seule baraque qui lui servait de toit ? Comment recourir aux sanctions prévues par les textes, quand une vieille dame septuagénaire renie sa nationalité après qu’elle se soit retrouvée, à son âge, à la rue, sans le moindre centime en poche ?   

Comment ajouter au malheur de ceux qui, l’eau des pluies leur arrivant jusqu’aux mollets et saccageant leurs biens, vous balancent qu’ils vivent «comme des chiens» et que personne ne s’en soucie ?

Il est clair que, dans certains cas, toute répression est superflue. Rien ne peut limiter la liberté de parole qu’accordent les réseaux sociaux.

Il est également clair que cela est dangereux et malsain, à plus d’un titre.

Dangereux, parce que le peuple parle désormais au peuple, sans filtre, ni intermédiaires. Il parle de ses malheurs, accuse ceux qu’il tient pour responsables… Et ce qu’il dit, non seulement se répand vite, mais convainc. C’en est donc fini du rôle des partis politiques et des syndicats. Il suffit d’entendre nombre de ces intervenants sur les vidéos dire qu’ils ne voteront pas aux prochaines élections, qu’ils ne voteront plus jamais.

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Malsain, parce que l’autorité -en général- est sapée et que tout est battu en brèche, de façon anarchique, en dehors des règles communes sur lesquelles toute nation s’entend pour organiser son cadre de vie.

Dangereux et malsain, en même temps, parce qu’aucune initiative sérieuse n’appréhende ce phénomène qui se propage, tandis que les politiques qui devraient tenter de comprendre, mobiliser autour de cette question, lancer un débat national, chercher des solutions… Soit restent enfermés dans leur bulle, ne réalisant même pas la dangerosité de la situation… Soit réalisent bien, mais regardent ailleurs, attendant on ne sait quoi.

Une chose est sûre. Ce n’est pas du côté des sanctions et de la répression qu’il faut chercher des solutions. Ce qu’il faudrait, c’est remonter aux raisons de la colère qui se propage et se transforme, peu à peu, en subversion. C’est comprendre que tout se tient et que les disparités sont de moins en moins supportées par des citoyens qui, eux, sont de plus en plus conscients de leurs droits et du minimum que doivent leur assurer et l’Etat et ceux qu’ils ont élus pour cela.   

Bahia Amrani

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