Russie Lavrov, un Talleyrand pour Poutine

Lavrov ministre affaires etrangeres russe

Il y a presque toujours un «gant de velours» aux côtés d’une «main de fer». On peut citer Talleyrand aux cotés de Napoléon… Ou Lavrov aux côtés de Poutine…

Il est vrai que, souvent, les hommes d’autorité ont besoin d’arrangeurs à leurs côtés, de médiateurs. Des gens qui, sur le fond, peuvent être aussi fermes, mais qui peuvent plier sur la forme sans perdre la face.
La Russie, sur les dossiers syrien et iranien, est revenue au premier plan diplomatique. Certes, le pays n’a pas brusquement retrouvé sa puissance du temps de l’URSS. Cependant, il est redevenu incontournable. Il est vrai aussi que cela est dû notamment, dans l’espace régional de Damas et de Téhéran incluant Palestine et Israël, à un net recul de l’influence américaine.
La «seule grande puissance» cède la place à un monde plus multipolaire et cela est sensible partout. Les USA étaient absents d’une grande rencontre asiatique dominée par la Chine. Il n’en reste pas moins que les succès de Poutine ont surpris. Ces succès incontestables lui sont bien sûr attribuables. Mais il doit également beaucoup à l’habileté de son «Talleyrand», Sergueï Lavrov. On l’a présenté un moment comme l’intraitable du dossier syrien, à tort. Car, en fait, il ne s’agit pas vraiment d’un nouveau «Monsieur niet».
«Monsieur niet» (monsieur non), depuis le début de la crise syrienne, était, en effet, le surnom donné à Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères russe depuis neuf ans. Avant lui, ce sobriquet péjoratif désignait Andreï Gromyko, chef de la diplomatie soviétique pendant 25 ans -une longévité propre à la tradition politique soviétique depuis la révolution d’Octobre. Andreï Gromyko était réputé pour son intransigeance pendant la guerre froide, comme Sergueï Lavrov sur le dossier syrien sur lequel la Russie a toujours refusé des résolutions pour une intervention armée. D’où le surnom de nouveau «Monsieur niet». Mais refuser une forme de guerre n’est pas être fermé à tout. Cet homme sait sauter sur les opportunités.
Médiatiquement, la Russie sort vainqueur de cette négociation menée par Lavrov. «Ponctuellement, les Russes ont fait un bon coup en apparaissant à la fois pacifistes et pleins de bonne volonté sur le dossier syrien, alors qu’ils faisaient de l’obstruction systématique depuis deux ans, souligne le journaliste du Monde spécialiste de la Russie, Piotr Smolar.
A 63 ans, Lavrov, originaire de Géorgie, d’une famille arménienne, incarne une brillante diplomatie soviétique. Diplômé de l’Institut des relations internationales de Moscou, il fait ses premiers pas à l’ambassade soviétique au Sri Lanka. Dès 1981, il fait déjà partie de la représentation soviétique aux Nations Unies. Après un poste de vice-ministre en 1992, il retourne à New York, promu représentant permanent de son pays à l’ONU. Pendant dix ans à ce poste, Lavrov va faire preuve de ses qualités de négociateur intransigeant rompu aux arcanes du pouvoir. Intraitable, il est difficile de lui imposer sa loi en négociation… et dans les couloirs de l’organisation. Fumeur invétéré, il refuse de se soumettre en 2003 à l’interdiction de fumer dans les locaux de l’ONU pourtant prononcée par le Secrétaire général de l’époque, Kofi Annan. Comme quoi le diplomate n’est pas conciliant sur tout.
Il a imposé en fait une sorte de nouveau condominium russo-américain sur l’ONU, les négociations de paix sur la Syrie et le dialogue nucléaire avec l’Iran.
On n’est certes pas revenu au temps de Suez, mais la France (qui prétendait imposer sa vision des choses) et la G-B (au gouvernement désavoué par le parlement) se sont retrouvées marginalisées par un retour en force des «deux grands». Certes, on ne peut parler encore du retour des deux grands mais, comme l’un rétrécit alors que l’autre grandit, on pourra bientôt parler des deux plus grands, même si tout est de plus en plus relatif.
Ce qui est remarquable, c’est que le retour de la Russie est dû non pas à un retour militaire ou énergétique, mais par le jeu habile d’une véritable diplomatie, à l’ancienne. Une diplomatie dont le but est celui de Poutine, de remettre les Etats et les identités nationales comme leurs valeurs au cœur d’un monde multipolaire, contre l’uniformité universaliste. Un succès de l’intelligence à la russe dans un nouveau grand jeu aux cartes rabattues.

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Patrice Zehr

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