Dans un premier temps, les médias audiovisuels ont salué «l’accord historique» rendant «le monde plus sûr». Et puis, on a pris un peu de recul en prenant en compte les méfiances des pays du Golfe et la position très critique d’Israël.
Un accord gagnant-gagnant ou un accord plutôt favorable à l’Iran, la presse est partagée. Ce qui est sûr, c’est que, de Damas à Téhéran, la pression occidentale sur l’arc chiite s’est relâchée au niveau des menaces militaires comme des sanctions économiques. Ce nouvel accord, même provisoire et sous surveillance, conforte le retour de la Russie sur la scène internationale encore renforcée par le rapprochement de l’Ukraine qui a rompu ses négociations avec l’Union européenne.
Une chose prouve que la signature est plutôt favorable à Téhéran. C’est que l’accord a été mis en ligne par la Russie et l’Iran, comme le constate le journal économique français «Les Echos». Le journal analyse: «L’accord desserre l’étau de certaines de ces sanctions en échange d’une révision à la baisse de son programme nucléaire par l’Iran, qui se soumettra à des inspections internationales plus poussées pendant six mois, alors qu’une »solution complète » sera négociée».
Voici le résumé du quotidien Le Monde: «La Maison Blanche a annoncé que l’accord prévoit que l’Iran arrête d’enrichir l’uranium au-dessus de 5% et d’installer de nouvelles centrifugeuses. En échange, les grandes puissances, qui rassemblent les membres permanents du Conseil de sécurité et l’Allemagne, n’imposeront pas au cours des six prochains mois de nouvelles sanctions à l’Iran, qui promet aussi de neutraliser ses stocks d’uranium enrichi à 20%. Washington, dont les propos corroborent les déclarations des responsables américains à Genève, ajoute que l’Iran s’engage à stopper son projet de réacteur à eau lourde d’Arak, ce que la France exigeait».
L’International New York times estime qu’«Obama ouvre de nouvelles portes, fenêtres et opportunités pour le Moyen-Orient».
Le Teheran Times crie de son côté victoire diplomatique. «S’exprimant devant les journalistes, à l’issue de négociations marathon, M. Zarif a ajouté que l’accord contient une »référence claire selon laquelle l’enrichissement va continuer » en Iran; une question qui a été considérée longtemps comme la principale pierre d’achoppement des négociations. »Nous estimons que c’est notre droit », a ajouté le ministre iranien, qui a été applaudi à son entrée dans la salle de presse par les nombreux journalistes iraniens venus à Genève pour ces négociations».
«Notre objectif a été de résoudre cette question nucléaire», car c’était «un problème qui n’était pas nécessaire», a poursuivi le journal. «Le droit à la technologie nucléaire est un droit inaliénable», a encore indiqué le ministre en ajoutant que le «combat que nous avons mené depuis plusieurs années avait pour but que la communauté internationale reconnaisse» que l’Iran exerce ce droit. «Nous pensons que cet accord et le plan d’action» signifient que «le programme nucléaire iranien va continuer», a-t-il conclu.
La quasi-totalité des journaux iraniens a salué lundi (25 novembre), constate la Tribune de Genève, l’accord nucléaire avec les grandes puissances en mettant l’accent sur le succès personnel du chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif. Plusieurs titres conservateurs jugent toutefois les Etats-Unis comme n’étant pas «dignes de confiance».
Le quotidien Libération, lui, met en avant l’amertume d’Israël. «Israël a laissé éclater son amertume, en particulier envers les Etats-Unis, qualifiant d’ »erreur historique » l’accord sur le nucléaire iranien conclu à Genève, qui rend »le monde plus dangereux », selon le Premier ministre Benjamin Netanyahu. Israël a de nouveau agité la menace d’une opération militaire contre l’Iran, à laquelle la plupart des commentateurs ne croient néanmoins pas dans l’immédiat».
Trita Parsi, président du «Conseil national irano-américain», cité par l’Orient Le Jour, a remarqué que cet accord a été obtenu parce que les deux parties ont fait des compromis et compris que tout le monde devait gagner quelque chose pour qu’un marché soit possible et durable. La concomitance de plusieurs facteurs, dont l’élection de M. Rohani et les effets de plus en plus sensibles des sanctions en Iran, a ouvert »une fenêtre » pour un accord, selon Joel Rubin (responsable du groupe de réflexion Ploughshares Fund). Les négociations à venir vont toutefois «être un défi à tous les sentiments, les conceptions, les idéologies et les émotions qui se sont cristallisés aux États-Unis, en Occident et en Israël depuis des décennies. Cela va être très, très dur», prévient-il.
Tout le monde, au moins, pourra se mettre d’accord là-dessus.
Patrice Zehr