Repenser le partenariat entre l’Etat et les Chambres de Commerce, d’Industrie et de Services (CCIS) serait aujourd’hui une urgence pour le ministère de tutelle.
En effet, considérant leur rôle d’acteurs incontournables dans le chantier structurant de la régionalisation, de par leur ancrage territorial, Moulay Hafid Elalamy, ministre de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Economie numérique, précise: «La collaboration future Etat/CCIS fera l’objet de contrats-programmes définissant les responsabilités et les engagements de chaque partie et fixant les objectifs clairs, assortis de mesures opérationnelles concrètes, avec des échéanciers et des indicateurs de performance».
Lors d’une récente rencontre entre son ministère et les CCIS, Elalalmy n’a pas manqué de souligner le volontarisme de l’Etat pour accompagner la restructuration et la modernisation compétitive des entreprises, à condition que ces entreprises participent à la création d’emplois, la génération d’impôts, la création de valeur ajoutée et l’augmentation de la capacité d’exportation.
Une démarche innovée
Il a ainsi convié les présidents des CCIS à s’inscrire dans cette démarche innovée en tant que force de proposition. Il a précisé que cette démarche reposera sur quatre piliers fondamentaux, à savoir l’amélioration du cadre juridique et réglementaire des CCIS, le renforcement des capacités des CCIS, le développement de nouvelles prestations à valeur ajoutée en phase avec les besoins des ressortissants et l’instauration des principes de bonne gouvernance.
Rappelant le message royal qui appelle à enraciner une nouvelle conception faisant des Chambres un véritable levier de l’investissement productif, Elalamy a noté que cette nouvelle conception devrait insuffler une nouvelle dynamique aux CCIS et permettre à leur action de gagner en efficacité. Elle devrait aussi «renforcer leur rôle en tant que relais du ministère pour mobiliser les entreprises et les sensibiliser à adhérer aux programmes découlant des stratégies sectorielles en faveur de l’entreprise marocaine», a-t-il affirmé.
Hamid Dades
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3 Questions à…
Driss Houat, président de la Fédération des CCIS
«Le ministre sait tout, c’est l’essentiel»
Lors de votre rencontre avec le ministre, vous avez évoqué le rôle prépondérant des CCIS dans le développement économique. Sur quoi se base ce rôle?
Les Chambres de commerce ont certes des atouts, mais cela ne veut pas dire qu’elles n’ont pas de faiblesses ou de lacunes. Je pense que leurs atouts sont plus importants, surtout en matière d’encadrement et d’accompagnement des PME/PMI. J’ajouterais aussi leur présence dans toutes les régions du Maroc où elles opèrent, chacune selon ses moyens. De plus, elles sont une véritable interface entre pouvoirs publics et secteur privé. Faut-il rappeler, à titre d’exemple, que la CCIS de Casablanca, créée en 1913 (il y a un siècle déjà), était derrière la création du Port de Casablanca et la naissance de la Banque Populaire et de la Bourse. C’est dire toute l’implication de cette institution qui demeure un établissement public dont les interventions sont contrôlées et très restreintes. Cela n’empêche pas de dire que dans leur parcours, les Chambres ont commis plusieurs erreurs, à l’image de la tutelle. La responsabilité est donc partagée…
Vous parlez de faiblesses aussi. Quelles sont donc les plus marquantes?
Concernant les faiblesses, je noterais d’abord l’absence de stratégie et de vision des assemblées générales des Chambres. Ensuite, il y a le manque de moyens financiers qui empêche tout développement. Enfin et c’est le plus pertinent, il y a la non représentativité effective du tissu commercial, industriel et des services par les élus des CCIS. Les partis politiques sont plus présents et je peux vous dire que sur les 28 Chambres existant au Maroc, 24 sont avalées par des partis à la Chambre des conseillers, au lieu de constituer un groupe au sein de cette Chambre; ce qui entrave encore la prise de décision. Constitutionnellement, les partis ont pour mission d’encadrer les citoyens et les Chambres s’occupent de l’encadrement des professionnels. Quand il est établi que ceux qui représentent ces Chambres sont en effet des professionnels. Ce qui n’est pas tout à fait le cas. Presque 27% de ceux qui représentent les Chambres n’ont ni patente ni RC. À cela s’ajoute le manque flagrant de cadres compétents, d’une stratégie de développement en interne comme en externe, de communication et d’information efficiente…
Qu’en est-il alors de l’avenir des Chambres?
Nous ne restons pas les bras croisés. Nous continuons de travailler et notre action est aujourd’hui plus motivée par la parfaite compréhension de notre situation, dont fait preuve monsieur le ministre qui a une vision bien claire et une connaissance profonde de la situation, depuis le temps où il était président de la CGEM. Il s’est donné un à deux ans pour redresser la situation et part du fait que les Chambres constituent un réel levier de l’investissement productif. Entre-temps, la Fédération mettra en marche son plan stratégique qui porte sur la mise en place de fonds de financement des projets d’intérêt économique pilotés par les CCIS, l’implication effective et la capitalisation des performances des CCIS dans le développement local et l’instauration d’un système de management de la qualité au sein des CCIS.
Propos recueillis par HD