Le chef de Gouvernement, Saâd Eddine El Othmani, a présenté un bilan de mi-mandat, lundi 13 mai 2019, devant les deux Chambres du Parlement réunies pour la circonstance.
Ce genre d’exercice, pour nécessaire qu’il soit, laisse sceptique sur son efficacité.
Le citoyen lambda n’en retient rien… Trop de chiffres, trop de données macro-économiques, trop d’autosatisfaction… L’opposition le démolit en deux-trois déclarations post-présentation… Et l’élite, qu’il est supposé épater, sait déjà tout ce qui est dit et… ce qui ne l’est pas.
Quant aux analystes qui relaient et commentent l’exercice, ils ne changent pas grand-chose aux positions des uns et des autres. Ceux qui sont pour Saad Eddine El Othmani et son parti sont pour ; et ceux qui sont contre sont contre. Un point c’est tout !
Car nul n’est dupe. Ce ne sont pas tant les réalisations du Gouvernement que celles du parti qui le dirige (le PJD) qui sont en jeu, dans cette présentation de bilan, à l’occasion du mi-mandat.
L’on comprend donc que les supporters voient dans les chiffres des preuves irréfutables de réussite ; quand les détracteurs s’emploient à tout détricoter, point par point.
L’on comprend aussi que Saad Eddine El Othmani, à la fois chef de Gouvernement et chef du PJD, voie dans ce bilan la moitié pleine du verre plutôt que la moitié vide… Même s’il admet que la moitié vide est bien réelle.
Mais comment aurait-il pu ne pas l’admettre, face à toutes les attentes du citoyen auxquelles son Gouvernement n’a pas répondu ?
Face à toutes ces décisions qui n’auraient coûté qu’une volonté politique, mais qui n’ont pas été prises (comme de sévir contre la corruption dans les services publics, le laisser-aller dans les hôpitaux publics, ou le racket des enseignants dans les écoles…) ?
Face à cette dégradation progressive de la vie quotidienne des citoyens et à cette paupérisation rampante de la société ?
Et, enfin, face à ce fossé qui ne cesse de se creuser entre ceux qui ont tout et ceux qui ne s’en sortent plus, alors que le gouvernement, au lieu de s’atteler à développer une classe moyenne qui ferait tampon, a contribué à la réduire à sa plus simple expression ?
Ce que le chef de Gouvernement ignore, sans doute, c’est que même les réalisations qu’il présente comme des réussites, ne le sont pas aux yeux du citoyen que l’on nomme «Monsieur tout le monde», pour la simple raison qu’il n’en voit pas l’impact positif sur sa vie de tous les jours. Il n’en voit pas l’impact sur son assiette, sur son portefeuille, sur les prestations de service public auxquelles il a recours…
Les chiffres parlent d’eux-mêmes ? Ils parlent à qui ?
A ceux qui les comprennent et les dénigrent, ou à ceux qui n’en ont cure parce qu’ils ne changent rien à leur vie courante ?
Tous les gouvernements du monde le savent: il y a les actions qui ont un impact immédiat et celles qui ne donnent de résultat que plusieurs années plus tard. Parfois quand le gouvernement qui les a initiées n’est plus en place…
Il faut entreprendre les secondes, bien sûr. Un Gouvernement construit l’avenir de son pays. Mais il faut aussi et surtout s’employer à mettre en œuvre tout ce qui peut produire un effet immédiat sur le cours de la vie personnelle des citoyens. Notamment, répétons-le, les décisions qui ne nécessitent qu’une ferme volonté politique. L’énumération des chantiers ouverts et les promesses de réformes structurelles, n’ont pas plus de poids, aux yeux des citoyens, que ces décisions-là !
Bahia Amrani