A Aïn Diab, l’ambiance du F’tour est toujours chaleureuse et conviviale
Restaurants et grands hôtels proposent des F’tour savoureux à des prix raisonnables
La société marocaine a beaucoup évolué au cours des vingt dernières années. Cette évolution a eu des répercussions sur les us et coutumes qui caractérisent, désormais, ce mois sacré chez les familles marocaines.
Par le passé, les Marocains avaient leurs petites habitudes qu’ils ne modifiaient pour rien au monde. L’une d’elles, qui revêtait une importance majeure, se rapportait au menu concernant la rupture du jeûne. Dans ce contexte, les familles se donnaient rendez-vous, chaque jour, à la même heure et au même endroit (domicile familial), pour savourer ensemble le repas du F’tour. Aujourd’hui, bien des choses ont changé. Les jeunes couples prennent rarement le F’tour chez eux.
Au café des délices…
A l’instar d’autres pays musulmans, le Maroc a été envahi par la culture de la consommation. Ceci a donné lieu à des changements d’habitudes, notamment en ce qui concerne le F’tour. Aujourd’hui, les familles sont de plus en plus nombreuses à prendre ce repas à l’extérieur de leur domicile.
A Casablanca, par exemple, cafés, restaurants et grands hôtels multiplient les offres «Spécial F’tour Ramadan». Au centre-ville, même les cafés proposent des repas pour la rupture du jeûne, à des prix abordables. Pour un menu comprenant un bol de Harira, un croissant, un œuf dur, deux morceaux de Chebbakia, quelques dattes et un café noir, il faudra compter 30 DH en moyenne. Les cafés plus branchés proposent des offres destinées plus aux familles nombreuses de la classe moyenne. Manger au buffet est proposé à partir de 240 DH par personne. En famille ou individuellement, de plus en plus de Marocains choisissent ce nouveau style de rupture du jeûne. Ils expliquent cela par des arguments qui tiennent la route. Quand les uns assimilent la rupture du jeûne à l’extérieur (de la maison) à un effet de mode, d’autres l’expliquent par un souci d’entraide entre les époux. En effet, prendre son F’tour dans un café, un hôtel ou tout autre endroit à l’extérieur du domicile, est tout à fait bénéfique, notamment pour la gent féminine. Ainsi, les jeunes époux sont de plus en plus nombreux à vouloir aider leurs conjointes, en leur offrant l’opportunité de profiter de quelques instants de répit, loin de la cuisine. La publicité diffusée à l’heure de la rupture du jeûne (en prime time) par la télévision marocaine, montrant des mains de femmes crevassées, parce que creusées par les tâches ménagères interminables, tombe à pic pour sensibiliser les citoyens aux valeurs de l’entraide entre époux.
Direction, la plage de Aïn Diab
Les jeûneurs préférant garder une touche authentique à leurs repas du F’tour ont la possibilité de se rendre sur la plage publique de Aïn Diab. Là, c’est une tout autre ambiance qui prévaut. La particularité du F’tour ramadanesque sur la corniche de Aïn Diab est qu’il est possible de ramener avec soi tous les ustensiles dont on a besoin pour concocter son repas, suivant ses goûts et préférences. Comme dépense, on n’a que la location de la table et des chaises en plastique à payer. Le prix ne dépasse généralement pas 15 DH la table et 5 DH la chaise. Quoi de plus économique pour savourer, devant les vagues déferlantes de l’océan, son repas de rupture du jeûne, après une longue journée d’abstinence et de travail acharné.
Côté transport, le tramway de Casablanca a considérablement facilité la tâche aux Casablancais qui ont désormais, depuis 2012, la possibilité de se rendre à la plage de Aïn Diab à bord du tram, moyennant 6 DH seulement l’aller ou le retour. L’ambiance qui règne sur cette partie de la côte casablancaise pendant le Ramadan est propice à nouer des relations amicales ou amoureuses entre adolescents des deux sexes. Toutefois, il y a lieu de signaler que quelques problèmes viennent quelque peu gâcher ce beau tableau. Tout d’abord, une fois la nuit tombée, les gens sont, pour la plupart, obligés de s’éclairer au téléphone portable, C’est que l’éclairage public manque. Ensuite, comme chez la grande majorité des Marocains, la fibre écologique est peu développée et, par conséquent, la plage ressemble à un dépotoir après le passage des visiteurs…
Une pensée aux plus démunis
Théologiens et sociologues sont unanimes à dire, dans le cadre du mois de piété, qu’il faudrait penser aux plus pauvres, ceux qui ne parviennent pas à sortir de leur misère. C’est dans ce contexte que des associations de bienfaisance organisent, tout au long du mois sacré, les tables du Ramadan. Aussi, la Fondation Mohammed V pour la solidarité organise-t-elle, chaque Ramadan, l’opération d’entraide nationale qui permet à des centaines de milliers de familles défavorisées de bénéficier de denrées alimentaires de première nécessité. Tous ces efforts ne peuvent porter leurs fruits sans le lancement de campagnes de sensibilisation autour de l’entraide et la solidarité. Dans ce cadre, il est fortement recommandé d’encourager les initiatives entrepreneuriales des jeunes, tout en modernisant les offres de formation au profit des futurs lauréats et dans le cadre des besoins réels du marché de l’emploi au Maroc. Il est bon de rappeler dans ce sens que le Haut-commissariat au Plan a, dans un précédent rapport sur la pauvreté, indiqué que le déficit social reste important au Maroc. La même étude a souligné que les disparités sociales sont criantes entre les milieux rural et urbain, le niveau de vie dans ce dernier étant deux fois supérieur à celui du premier.
Ainsi, au Maroc, comme dans la majeure partie des pays musulmans, la perception du mois de Ramadan a connu des changements profonds et ce, en dépit des divergences d’opinion entre ceux qui y voient une évolution logique de la société et ceux qui appellent à s’accrocher aux vieilles traditions, sans y apporter le moindre brin de modernité.
Mohcine Lourhzal