Peu avant la rupture du jeûne, passer par certains quartiers devient impossible à Casablanca. En cause, les tournois de football inter-quartiers organisés par les férus du ballon rond. Faute d’infrastructures adéquates, ces derniers improvisent des surfaces de jeu avec des moyens rudimentaires.
Les adeptes de football, notamment parmi les jeunes et les adolescents, organisent, chaque année à l’occasion du Ramadan, des tournois de quartiers. Une sorte de mini-championnat où les équipes de quartier se livrent une concurrence rude. Au fil des années, ces compétitions sportives se sont multipliées. L’engouement des Marocains pour les tournois de football pendant le Ramadan est, certes, une question de hobby. Mais c’est aussi une affaire de manque de moyens et de disparités spatiales car, souvent, à défaut de terrain dûment équipés, on joue dans la rue.
Quand la proximité perd son sens
Au moment de leur lancement au Maroc, les terrains de proximité avaient un objectif bien défini. Il était question de mettre à la disposition des habitants des quartiers populaires, surtout les jeunes, des espaces d’épanouissement où ils pourraient développer leurs dons sportifs et aptitudes physiques. En ouvrant les terrains de proximité aux bénéficiaires, les pouvoirs publics ambitionnaient également de combattre la délinquance des jeunes à travers le sport.
Mais, au fur et à mesure que le temps passait, ces terrains de proximité déviaient de leurs objectifs initiaux. Au moment où certains ont été délaissés, en proie au délabrement et à la négligence, d’autres espaces sportifs de quartiers se sont transformés en des structures payantes. Ne disposant pas des moyens financiers pour pouvoir y accéder, beaucoup de bénéficiaires de ce programme ont renoué avec leurs vieilles habitudes. Certains se sont tournés carrément vers le football de rue, notamment durant le Ramadan.
A signaler, concernant les tournois de football inter-quartiers dans la rue, que ce genre de compétition ne nécessite pas de gros moyens financiers ou logistiques. Il suffit de quatre pavés et de quelques bouts de craie blanche pour marquer la place des poteaux et tracer les limites de la surface de jeu. Si les habitants des quartiers populaires où sont organisés ces tournois de foot prennent leur mal en patience, en attendant que le Ramadan passe, les commerçants locaux, eux, ne cachent pas leur colère. Ils se plaignent des dégâts que causent ces joueurs en herbe à leurs devantures (vitrines, panneaux, rideaux, etc.). Outre les désagréments sonores…
Les quartiers se paupérisent
Casablanca, pour ne citer que cette ville, s’est transformée au fil des années en une ville-béton dépourvue de toute âme. Selon des statistiques, le ratio d’espaces verts au niveau de l’ensemble des préfectures de la ville n’est que de 0,35 m2/habitant, soit beaucoup moins que la norme internationale, laquelle est fixée à plus de 15 m² d’espace vert par habitant. La situation est encore grave dans certaines communes surpeuplées, comme Hay Mohammadi. Certes, le foncier réservé à la verdure dans la métropole économique a progressé. Il n’en demeure pas moins que cette progression reste insuffisance par rapport aux besoins. Cette inadéquation n’impacte pas uniquement les jeunes. Les plus âgés éprouvent, pour leur part, de la nostalgie, concernant ce qu’ils appellent «la belle époque». Par le passé, c’était un plaisir d’admirer les grands-parents tenant par la main leurs petits-enfants, en se promenant dans un parc ou tout autre espace vert. Aujourd’hui, Ramadan ou pas, Casablanca, comme d’autres villes du Royaume, semble avoir perdu son cachet typique.
Mohcine Lourhzal